Les Etats-Unis semblent avoir une vision «similaire» à celle de l'Algérie dans la lutte contre les groupes terroristes d'Aqmi, dans la région du Sahel, qui consiste à dire que «la présence militaire étrangère dans la région risque de donner une légitimité, aux yeux des populations locales, aux actions d'Aqmi contre les intérêts occidentaux dans la région», a affirmé, hier à Alger, le professeur Yahia Zoubir, directeur de recherche en géopolitique à Euromed Management (Marseille). Dans un entretien accordé à l'APS, il a estimé que les Etats-Unis, qui reconnaissent le leadership de l'Algérie dans les pays du Sahel, ont compris à partir de leur expérience en Afghanistan et en Irak qu'une présence militaire étrangère visible dans les pays du Sahel «ne ferait qu'aggraver la situation actuelle et attiser la haine des populations locales envers ces forces étrangères, quel que soit le motif avancé pour justifier leur présence». La position actuelle des Etats-Unis sur la question paraît, selon le professeur Zoubir, coïncider avec celle de l'Algérie «qui souhaite coordonner les efforts des pays de la région dans la lutte antiterroriste», contrairement à la France dont l'approche, qui repose sur «une intervention militaire directe, assez précipitée, a subi deux échecs successifs». «Il est évident, aujourd'hui, que le traitement musclé de la question sécuritaire employé par la France dans les pays du Sahel, même si la protection de ses citoyens est légitime, risque d'être contre-productif», a-t-il constaté. Cette présence militaire «risque fort de projeter l'image d'un néocolonialisme» qui pourrait, selon lui, alimenter les fondements idéologiques d'Aqmi. Ce qui justifie le recrutement d'éléments locaux par Aqmi, une tendance, a-t-il expliqué, qui «semble s'être accélérée ces derniers temps». Il a estimé que l'approche de l'Algérie, qui est la combinaison d'«une coordination entre les armées et les services de sécurité des pays du Sahel», en plus «des efforts de développement des zones fragiles de la région», est «seule» à même de contribuer à «réduire l'influence des groupes d'Aqmi dans les pays du Sahel», a-t-il dit, insistant sur le fait que l'Union européenne a exprimé récemment sa préférence pour cette approche. S'agissant du prétendu démantèlement d'un réseau de terroristes par l'armée marocaine dans la localité d'Amgala, le chercheur, en rappelant que «toute présence marocaine dans cette zone (contrôlée par le Front Polisario) est strictement interdite selon l'accord signé en 1991 par le Maroc avec l'ONU», s'est interrogé : «Où exactement les forces marocaines ont-elles trouvé cette présumée cache d'armes ? Si Aqmi est active dans cette zone, pourquoi est-ce que la Minurso, opérationnelle dans cette zone, n'a-t-elle pas rapporté une telle présence ?» Il s'est également demandé sur les raisons «qui auraient bien pu empêcher» les autorités marocaines d'informer la Minurso, organisme onusien habilité à surveiller la zone tampon délimitée dans les accords de cessez-le-feu entre le Polisario et le Maroc. Selon ce spécialiste de la question sahraouie, le Maroc a tenté en vain depuis 2007 d'établir «à tout prix un lien entre le Front Polisario et Aqmi», mais «le Polisario n'a aucun intérêt à s'associer à Aqmi», rappelant que les Sahraouis «font tout pour empêcher tous genres de trafics (armes, drogue) dans la région afin d'éviter que ceux-ci nuisent à leur cause». Les Etats-Unis «n'ont à aucun moment évoqué une prétendue collusion entre le Polisario et Aqmi», a-t-il soutenu, ajoutant que cela a été confirmé par les câbles diplomatiques publiés par WikiLeaks. A. R.