En assurant qu'il ne prévoit pas d'intervention militaire pour libérer les otages enlevés au Niger et qu'il attend des signes d'AQMI, le gouvernement français annonce son option : la négociation qui débouchera forcément, si elle aboutit, à un paiement de rançon et/ou à une libération de terroristes détenus dans un des pays du Sahel. Le décor est planté : Al-Qaïda entend faire des “demandes légitimes” à la France et la France “attend”, selon son ministre de la Défense, “d'entrer en contact avec Al-Qaïda”. Autant les puissances occidentales sont engagées dans la lutte contre le terrorisme des attentats, autant elles semblent désarmées dans la lutte contre le terrorisme du kidnapping. L'Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, l'Espagne, la France et, probablement, d'autres Etats d'Europe ont eu à éprouver cette stratégie. Et tous ont cédé aux conditions des groupes terroristes, quand cela fut possible. L'échec du raid franco-mauritanien monté contre un camp terroriste pour libérer l'otage Michel Germaneau a peut-être définitivement dissuadé les états-majors de l'option militaire. Du moins dans la région du Sahel. Une région qu'il est difficile de déserter, pour la France, au vu des enjeux économiques et géopolitiques qu'elle représente. Dans un tel contexte, le terrorisme islamiste a de beaux jours devant lui et se transformera probablement en simple entreprise de piraterie qui servira à enrichir, pour partie, les éléments des groupes armés et à financer, pour une autre, l'organisation terroriste. Les puissances occidentales se retrouveront à assumer deux stratégies : celle de la lutte préventive contre le “terrorisme d'attentats” et celle de la “gestion” du “terrorisme de prise d'otages”. Les terroristes, sachant que l'Algérie n'est officiellement pas disposée à faciliter les tractations en vue de paiement de rançons, préféreront opérer plus au Sud, de sorte à pouvoir négocier à partir du Mali, élu plateforme de ses funestes transactions. Déjà, en 2003, une partie des touristes allemands, suisses et néerlandais enlevés par le GSPC a été transférée au Mali à travers l'Algérie avant que des négociations ne s'engagent entre le groupe terroriste et les Etats concernés. Les gouvernements touchés ont visiblement du mal à concevoir quelque riposte à une pratique qui les confronte à leur opinion nationale. La dimension humanitaire des cas de prise d'otages les amène à reconsidérer le principe théorique de lutte antiterroriste qui rejette tout compromis avec le terrorisme. Dans la plupart des démocraties, perturbées par le populisme et le nationalisme opportuniste, le destin de l'otage est autant une cause humanitaire qu'un enjeu de politique intérieure. Les ressortissants européens semblent plus recherchés que les Américains, Etats-Unis ayant pour ligne de conduite de ne pas marchander la libération de leurs otages. La France, plus présente que d'autres au Sahel, fera peut-être les frais de cette adaptation opérationnelle dans laquelle le terrorisme islamiste fait d'une pierre deux coups : il en tire les bénéfices financiers en même temps que les dividendes médiatiques. L'absence de doctrine en la matière constitue aujourd'hui une grande faiblesse politique pour la communauté internationale devant l'impératif d'une guerre totale au terrorisme. M. H. [email protected]