Photo : Riad De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Le bijou traditionnel d'At Yanni, la poterie de Maatkas et le tapis d'At Hichem sont des activités artisanales transmises au sein de familles de génération en génération et qui ont une notoriété ayant traversé les frontières nationales depuis de longues décennies. Une notoriété acquise grâce au doigté des pionnières et des pionniers de l'artisanat dans la région avant la mainmise des multinationales sur tout ce qui pourrait engranger de l'argent, y compris les activités les plus nobles, comme le sport et la culture. Et depuis une vingtaine d'années, les activités artisanales ont connu une dégringolade qui a conduit de nombreuses familles à les abandonner pour des métiers quelconques pour qu'elles puissent survivre. Pendant de longues années, les pouvoirs publics sont restés sourds aux appels de détresse de ces artisans qui n'arrivaient plus à vivre de leur activité artisanale, particulièrement durant la décennie quatre-vingt-dix qui a vu notre pays plonger dans une crise économique et politique très grave. Quand l'informel devient la solution Entre-temps, des centaines d'artisans ont opté pour l'informel pour pérenniser leur activité, convaincus qu'ils étaient que le non-paiement des différents impôts et taxes reversés à l'Etat allait les aider à maintenir leur activité. Mais le problème de l'artisanat n'était pas seulement une problématique fiscale et les artisans l'ont très vite découvert quand ils se sont rendu compte que l'écoulement de leurs produits n'était pas une mince affaire devant la dégradation du pouvoir d'achat des Algériens, qui arrivaient à peine à nourrir leurs familles, donc incapables de se permettre des dépenses superflues dans des bijoux traditionnels, de la poterie ou autres tapis. Les artisans se sentaient obligés d'opérer ce passage vers l'informel, d'autant plus qu'ils subissaient, pour les artisans bijoutiers spécialement, les affres du marché mondialisé de la matière première. Des efforts pour sauver l'artisanat Il y a quelques années, quand les caisses de l'Etat commençaient à être bien pleines, l'idée d'aider les artisans n'a pas manqué de tarauder l'esprit des responsables. Mais, l'Etat pouvait-il venir en aide à des artisans activant dans l'illégalité ? La réponse était, bien entendu, négative et les pouvoirs publics ont tout fait pour que les artisans s'inscrivent au niveau de la Chambre des métiers et de l'artisanat en vue de récupérer leurs cartes d'artisan et activer dans la légalité. Mais la confiance étant loin de régner entre l'Etat et la population, il a fallu des années pour qu'enfin, les artisans, particulièrement les bijoutiers d'At Yanni, finissent par accepter de revenir vers la légalité pour pouvoir recevoir l'aide promise. Si certains pensent que les artisans ont choisi l'informel pour ces «raisons évidentes» de gain facile, beaucoup d'autres voient en cette option une volonté de préserver cette activité du terroir qui a été transmise de père en fils depuis des siècles. Pour eux, il n'était pas question de laisser des règles imposées d'ailleurs faire disparaître des activités faisant plutôt partie de l'identité d'un peuple que d'une activité commerciale ou même économique quelconque. D'ailleurs, beaucoup d'entre eux ont cherché et trouvé du travail dans d'autres secteurs tout en maintenant leur activité artisanale pour la préserver et la pérenniser. Il faut dire, par ailleurs, que le produit artisanal de la wilaya de Tizi Ouzou souffre énormément de la problématique de l'écoulement sur le marché, dans la mesure où on trouve des consommateurs seulement parmi les nationaux des autres wilayas du pays et ceux de la communauté nationale à l'étranger. La réalité économique nationale en général et régionale en particulier fait que la résolution de ce problème n'est pas pour demain. En effet, il est clair que, tant que les pouvoirs publics ne réussissent pas à attirer les touristes étrangers en masse, en développant l'activité et les infrastructures touristiques, rien ne pourra régler définitivement cette problématique de l'écoulement, comme cela se fait en Tunisie et en Egypte. Dans ce cas, l'activité artisanale sera non seulement préservée et pérennisée, mais aussi rentable pour les artisans et toute la nation, mais pour l'instant, elle continue de vivre tant bien que mal.