La France sous-estime l'attitude noble de l'Italie qui demande des excuses à la Libye pour les 32 ans d'occupation et a décidé de verser cinq milliards de dollars à Tripoli, pour les dommages causés par la période coloniale. Réagissant à ce geste historique, symbolique et hautement significatif, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a estimé qu'«on ne va ni considérer que c'est un précédent, ni une référence», ajoutant que «chaque histoire bilatérale avance comme elle le souhaite, chaque histoire est spécifique». Ainsi, la France officielle considère que la reconnaissance de «l'injustice du système colonial» est assez suffisante pour panser les blessures d'une nation et atténuer les douleurs des victimes de 132 ans d'occupation, d'oppression, d'acculturation, de massacres, d'enfumades et d'horreurs. Ainsi, la France officielle considère que chaque histoire est spécifique alors que les motivations de toutes les occupations quelles qu'en soient la forme et la période sont les mêmes : pillage, dépossession, oppression, exploitation afin de développer les métropoles et les pays occupants. Tous les moyens étaient permis dans la course des puissances coloniales pour asservir les peuples occupés. Pourtant, l'Italie a commis moins de massacres en Libye si l'on compare ses pratiques avec celles de la France en Algérie, au Maroc, et dans les colonies de l'Afrique subsaharienne où l'esclavage a été établi en système par la France des droits de l'Homme, par le République née de la Révolution de 1789. Alors de quelle spécificité de l'histoire parle le porte-parole du Quai d'Orsay ? A moins qu'il se réfère à l'article, pourtant abrogé, de la loi de février 2005 qui faisait l'éloge du colonialisme et de ses bienfaits. La France officielle refuse d'assumer son histoire et la France d'aujourd'hui semble même être nostalgique de la France coloniale puisqu'elle ménage les irréductibles de l'Algérie française qui continuent à nourrir l'espoir d'un retour à défaut l'espoir d'une compensation pour «biens perdus» après l'indépendance. Le geste de l'Italie n'est ni une révérence ni une humiliation. L'Italie qui a entamé le processus de reconnaissance des dommages infligés à la Libye, sous le mandat du centre gauche l'a terminé paradoxalement sous le mandat de la droite avec honneur et dignité. Désormais, entre l'Italie et la Libye, seule l'avenir de leurs relations compte, le passé fait désormais partie de l'Histoire. Le geste de l'Italie est similaire dans sa noblesse à celui de l'Allemagne d'Adenauer qui a demandé pardon à la France et aux juifs pour l'occupation de la première et pour les fours crématoires réservés aux seconds. L'arrogance de la France n'a d'égal que le poids de sa conscience qu'elle refuse de libérer et de soulager par un geste de pardon à l'adresse des peuples qui ont souffert de son arrogance coloniale. A. G.