La principale centrale syndicale de Tunisie a pressé, jeudi, le gouvernement d'engager «rapidement» des négociations afin de contenir l'explosion sociale qui menace la transition démocratique, alors qu'une femme s'est immolée par le feu à Monastir. Jeudi, une Tunisienne s'est immolée par le feu devant le gouvernorat de Monastir, ville natale du père de l'indépendance tunisienne Habib Bourguiba à 160 km au sud-est de Tunis. Cette femme, qui «éprouvait des difficultés à obtenir des médicaments pour son mari atteint d'un cancer» selon sa sœur, «souffre de brûlures au troisième degré» et est dans un état «jugé grave». La révolte qui a emporté le 14 janvier le régime de Zine El Abidine Ben Ali avait démarré le 17 décembre avec l'immolation par le feu de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid (centre-ouest), un jeune vendeur de fruits et légumes qui venait de se faire confisquer son étal par une policière. Dans la matinée, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) avait prévenu qu'il était «de l'intérêt du gouvernement d'engager rapidement des négociations avec la centrale syndicale» face à une «situation sociale explosive». Abid Briki, un des dirigeants et porte-parole de l'UGTT, réagissait à la déclaration du président intérimaire, Foued Mebazaa, qui a annoncé mercredi soir l'ouverture «prochainement» de «négociations sociales à l'échelle nationale», peu après avoir été investi par le Parlement de pouvoirs de crise. Depuis plusieurs jours, les signaux d'alarme sont au rouge. Dans tout le pays, des grèves organisées ou spontanées ralentissent l'économie et la grogne sociale continue de monter dans les catégories les plus défavorisées de la population. Parallèlement, la situation sécuritaire reste tendue dans les provinces, où l'armée est déployée pour suppléer à l'absence totale de la police, bras armé du régime déchu et dont la population se méfie. Des pillages ont été signalés ces derniers jours à Jendouba (nord-ouest) et dans la ville voisine du Kef. Pour la centrale, l'enjeu est aussi de parvenir «à endiguer la grogne dans des secteurs ou entreprises dont l'UGTT a été chassée et remplacée par des cellules» du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), tout-puissant parti au pouvoir sous Ben Ali. Marginalisée et divisée sous Ben Ali, l'UGTT a retrouvé un rôle de premier plan lors de la révolte qui a conduit à la chute de l'ex-président. Mais sa direction est contestée par un courant de gauche qui organise épisodiquement des rassemblements devant ses locaux à Tunis pour réclamer son départ en l'accusant de «composer» avec le gouvernement transitoire. Cherchant à se bâtir une légitimité, le gouvernement multiplie les contacts avec l'étranger, s'efforçant de rassurer quant à sa détermination à réformer et à faire revenir les touristes, première source de devises du pays.