De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Effectuer un remaniement ministériel dans l'urgence dans un pays de traditions démocratiques à stabilité politique est un événement inédit pour ne pas être souligné. C'est ce qu'a fait le président Nicolas Sarkozy dimanche soir au cours d'une allocution solennelle. Là aussi, contrairement aux habitudes, ce n'est pas le porte-parole de la Présidence qui a annoncé les changements mais le chef de l'Etat en personne. Ainsi, il a confirmé toutes les rumeurs qui circulaient depuis quelques jours à Paris : Mme Michèle Alliot-Marie est limogée des Affaires étrangères car décrédibilisée par la controverse née après son séjour de vacances en Tunisie en pleine période d'émeutes annonciatrices d'une révolution. Elle est remplacée par Alain Juppé, qui a déjà occupé ce poste entre 1993 et 1995, qui laissera le ministère de la Défense à Gérard Longuet, représentant de l'aile libérale de l'UMP. Mais ce remaniement d'urgence va plus loin puisqu'un autre ministère régalien change de tête. Brice Hortefeux est limogé du ministère de l'Intérieur, pour devenir conseiller politique de Sarkozy, qui revient au secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, avec en charge aussi l'immigration.Pourquoi ce remaniement gouvernemental dans l'urgence, le quatrième en moins d'un an ? Tous les analystes s'accordent à dire que c'est l'effet direct des changements historiques intervenus dans certains pays arabes, avec en premier lieu la révolution tunisienne. Que Paris n'ait pas vu venir les soulèvements populaires remettant en cause avec succès des régimes dictatoriaux passe encore, car c'est le cas de tous les pays, mais que son chef de la diplomatie passe des vacances en Tunisie aux frais d'un richissime local et propose de «vendre» à Ben Ali le savoir-faire français pour maîtriser les manifestations sans de gros dégâts a été perçu comme la faute politique qui a posé la question de sa démission depuis des semaines. La voix de la diplomatie française n'était plus audible, plus crédible. De plus, Paris a mis du temps à réagir aux évènements au moment où la question portant sur l'existence d'une politique arabe de la France était soulevée.Dans son allocution de dimanche soir, Sarkozy a justifié son remaniement ministériel par «les changements historiques» intervenus sur l'autre bord de la Méditerranée car «ces révolutions arabes ouvrent une ère nouvelle» dans les relations de la France avec ces pays avec un seul but : «Accompagner, soutenir, aider les peuples qui ont choisi d'être libres.» Mais un remplacement de ministre suffit-il à changer de politique sachant que la politique étrangère de la France a été conduite par la cellule de la présidence de la République et non le quai d'Orsay. Il semble que M. Juppé a demandé et obtenu le pouvoir de diriger réellement, directement avec le Président, la diplomatie de son pays et ne pas être le faire-valoir d'une politique décidée et exécutée pour l'essentiel par ses collaborateurs.S'il a demandé aux Français «de ne pas avoir peur» des changements intervenant sur la rive sud de la Méditerranée, Sarkozy a en même temps nourri un sentiment de peur en soulevant le risque de «flux migratoires devenus incontrôlables». Comme il a mis en exergue que «le moment est venu de refonder» l'Union Pour la Méditerranée, créée à son initiative en 2008, «à la lumière des événements considérables que nous vivons». «La France fera des propositions en ce sens à ses partenaires», a-t-il révélé. Il est difficile de voir le lien entre les changements en Egypte et en Tunisie, même en Libye, et la possibilité de relancer une UPM moribonde. Les responsables de l'échec de cette union ne se trouvent pas dans le camps des Arabes, quel que soit le régime, Moubarak en été son co-président avec Sarkozy, mais du côté de Tel-Aviv, qui, par son agression contre Ghaza et la poursuite de sa politique coloniale contre le peuple palestinien, empêche toute possibilité de développement d'une coopération inter-méditerranéenne.