La situation a failli dégénérer quand les “contre-manifestants” s'en sont pris à Saïd Sadi, à son arrivée sur les lieux de la manifestation. “C'est les policiers en civil qui l'ont remis aux baltaguia, il a été sauvé du lynchage par des manifestants”, a déclaré le député Arezki 0Aïder. Pour le quatrième samedi consécutif, la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) a été empêchée, hier encore, de manifester pacifiquement. Pour ce rendez-vous hebdomadaire, la CNCD a opté pour trois marches dont l'une devait s'ébranler de la place centrale de Salembier. Cette manifestation, qui devait partir de ce quartier populaire d'Alger vers l'ENTV, a toutefois tourné court. Rassemblés vers 10h, les manifestants se sont vite retrouvés bloqués par les “pro-pouvoir” rameutés en nombre impressionnant puis parqués sur un trottoir par les éléments de la sûreté nationale. Des jeunes, dont certains adolescents, ont fait irruption sur l'avenue Mohamed-Bellaredj (lieu de la marche), pour tenter de semer la zizanie au milieu des manifestants. Arrivés en grand nombre et vêtus de tee-shirts blancs à l'effigie de Bouteflika, certains portant des portraits du chef de l'Etat à la main, ils scandent des slogans favorables au régime en place : “Bouteflika, Bouteflika, ohé ! ohé !” ; “Bouteflika n'est pas Moubarak” ; “La révolte, c'était en 1988.” Sous le regard passif de la police, ces jeunes, dont la plupart n'ont rien vu d'octobre 1988, sont vite passés à l'acte en tenant des propos régionalistes, voire même racistes : “Rentrez chez vous au bled, sales Kabyles !” Pour autant, les manifestants, qui savaient pourquoi ils étaient là, ont gardé leur calme et répondu avec d'autres slogans : “Le peuple veut la chute du régime” ou encore : “Pouvoir assassin.” Les “contre-manifestants”, regroupés, foncent alors droit au milieu des manifestants, jetant des pétards sur la foule afin de provoquer la panique. Des œufs sont également lancés sur les manifestants, déjà bousculés et malmenés par les policiers en tenue et en civil. “Et dire que nous nous battons pour améliorer l'avenir de ces jeunes !” s'indigne Mohamed A., manifestant avant de regretter encore : “Et dire que ce quartier était le fief de la révolution algérienne ! C'est désolant…” Chose curieuse et remarquée, le dispositif policier a carrément laissé faire ces jeunes “pros-régime” déchaînés qui, usant de la liberté de mouvement qui leur était laissée, n'ont pas hésité à menacer les manifestants de meurtre et même intimider les passants. La situation a failli dégénérer quand les “contre-manifestants” s'en sont pris à Saïd Sadi, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), un parti membre de la CNCD, dès son arrivée sur les lieux de la manifestation. “Je suis témoin, ce sont des policiers en civil qui l'ont remis aux baltaguia ; il a été sauvé du lynchage par des manifestants”, a déclaré le député Arezki Aïder qui ajoute qu'un manifestant a été interpellé alors qu'un autre a été blessé au front. “C'est à se demander quel est le rôle de la sûreté nationale dans ces manifestations ?” s'interroge-t-il. Se sentant sérieusement menacé au vu de l'attitude étonnante des policiers, le président du RCD a préféré se retirer pour éviter le pire. Mais sa voiture a été poursuivie puis caillassée par les délinquants. Dans une déclaration faite à DNA, (dernières nouvelles d'Algérie), le dirigeant du RCD a affirmé que ses agresseurs lui ont porté “un coup de couteau à la main gauche”, et d'ajouter : “mais ce n'est pas grave.” (voir encadré).