De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Le vice-président de l'Assemblée populaire de la wilaya (APW) de Tizi Ouzou, M. Saadi Hadibi, qui présidait jeudi dernier la journée thématique sur le foncier agricole, déclarait à l'ouverture de la rencontre que celle-ci visait à éclairer l'assistance sur le foncier industriel de la wilaya. Cet objectif visiblement à la portée paraissait, dès le début des débats, comme un mur infranchissable, notamment après l'intervention du représentant de l'Urbab, succédant à celle du directeur général de la Société de gestion immobilière (Sogi) qui révélait l'imbroglio du foncier industriel dans la wilaya de Tizi Ouzou. Particulièrement l'appartenance et la gestion du portefeuille foncier industriel de la wilaya, source de tension entre organismes publics et surtout de retard énorme dans la concrétisation des différents programmes de développement.En outre, suite aux interventions respectivement du directeur de l'Agence foncière de wilaya et celui de l'Agence nationale d'intermédiation de la réserve foncière (Aniref), la situation deviendra encore plus illisible et laissera le président de séance pantois, l'amenant souvent à interrompre les intervenants et à s'interroger sur certains détails pour ne pas perdre le fil. Au cours des débats, quelques échanges verbaux ont failli déraper, notamment entre les représentants de l'Urbab et de l'Aniref stoppés net par M. Hadibi qui a vite fait d'apaiser les esprits. La question du foncier industriel dans la wilaya de Tizi Ouzou paraissait indescriptible que peu de gens présents arrivaient à déchiffrer. En somme, un enchevêtrement dans les prérogatives et les attributions de chaque intervenant dans ce dossier. La régularisation de plus en plus difficile Ce qui est également ressorti des débats de jeudi dernier, c'est l'extrême complexité de ce dossier, particulièrement en matière de transferts et de régularisation qui prennent des années et qui font de Tizi Ouzou la wilaya enregistrant le plus de retard dans le développement économique et industriel en Algérie. Et ce retard est visible à travers les chiffres présentés par la Direction de l'énergie et des mines de la wilaya à l'occasion de cette rencontre, ainsi que par le directeur général de la Sogi, M. Nourredine Ould Rabah. Ce dernier présentera quelques aspects des contraintes rencontrées tout au long de l'existence de la Sogi depuis l'Ogza en passant par l'OPI. Entre des investisseurs détournant les lots qui leur sont attribués et ceux qui restent récalcitrants à l'idée de lancer leurs projets industriels, les zones d'activités de la wilaya de Tizi Ouzou donnent l'image de zones anarchiques, surtout en l'absence de viabilisation indispensable pour un fonctionnement optimal. Et la Sogi réagit toujours selon ses prérogatives en annulant les affectations de ceux qui ne lancent pas les projets et en intentant des poursuites judiciaires contre ceux qui ont détourné leurs lots pour la construction d'habitations et autres petits commerces incompatibles avec les missions assignées aux zones d'activités.En effet, M. Ould Rabah annonce le chiffre de 216 affaires en justice concernant des réticences dans le paiement des lots de terrain attribués ou le non-respect du cahier des charges en lien avec les engagements des investisseurs, et ce, en plus des 350 mises en demeure adressées aux «investisseurs», ainsi que 613 annulations d'affectation de lots pour non-respect des cahiers des charges. Une énorme perte de temps et d'argent pour les pouvoirs publics, surtout quand on sait que d'autres contraintes viendront se greffer sur celles précédemment citées, comme les éternelles oppositions de particuliers et les années passées à procéder au transfert des zones de différentes institutions publiques à la Sogi. Mais le premier responsable de cet organisme n'est pas découragé par cette situation et dit rester optimiste, particulièrement quand il dit «avoir constaté, depuis deux ou trois années, une dynamique dans certaines zones», livrant un indice qu'il veut révélateur sur les demandes de permis de construire au nombre de 238. «En peu de temps, 238 demandes de permis de construire ont été déposées dont 128 ont déjà été délivrés», ajoute encore M. Ould Rabah pour suggérer que même les procédures bureaucratiques commencent à être facilitées. Il évoquera, en revanche, un décret promulgué récemment qui risque de remettre en cause tout le travail réalisé par la Sogi et qui instruit les Domaines de récupérer tous les lots disponibles dans les zones industrielles et d'activités, et ce, sans contrepartie pour la Sogi. «Le devenir de la Sogi risque d'être remis en cause», avertit l'intervenant qui abordera, par ailleurs, la question de réhabilitation et de viabilisation de ces zones estimée à 140 milliards de centimes.De son côté, la Direction de l'énergie et des mines présente des chiffres qui donnent le tournis et montrent toute l'ampleur du retard accusé dans le développement économique et industriel de la wilaya de Tizi Ouzou. Sur les 1 560 lots créés dans les zones d'activités de la wilaya, seuls 874 sont attribués. Pis, sur ces lots attribués, seuls 97 ont vu leurs projets aboutir et atteindre la phase de production, 88 autres sont en cours de réalisation et 254 ne sont pas encore lancés. Donc, au total, 439 lots seulement sont fixés sur leur sort sur les 874 attribués, les services de la DEM n'ayant pas spécifié le sort des 435 lots restants. La palme d'or revient à la zone d'activités de Tala Athman qui enregistre dix projets en production, trois en cours de réalisation et six non encore lancés, et ce, sur un total de 118 lots déjà attribués. 588 lots disponibles Le document de la Direction de l'énergie et des mines fait part également de la disponibilité de 588 lots sur une superficie de près d'un million de mètres carrés, dont un tiers reste encore litigieux. Signe que les déboires des zones d'activités de la wilaya de Tizi Ouzou ne sont pas près d'être réglés. Un signe qui interpelle surtout les pouvoirs publics pour une prise de responsabilité urgente afin de mettre fin à l'anarchie juridique et administrative qui caractérise la gestion et la propriété des zones d'activités et la zone industrielle de cette wilaya qui n'arrive toujours pas à décoller économiquement malgré les centaines de milliards déjà injectés. D'autant plus que, malgré cet imbroglio, l'Etat a décidé de créer quatre nouvelles zones industrielles dans différentes localités de la wilaya, en l'occurrence à Bouaïd (Tizi Ouzou), à Boubhir (Bouzeguen), à Freha/Timizart ainsi qu'à Draa El Mizan/Tizi Gheniff. Pour réussir à mettre de l'ordre dans les zones d'activités de la wilaya et le lancement des nouvelles zones industrielles, n'est-il pas temps pour les pouvoirs publics de prendre des décisions fermes et irréversibles, notamment dans la question des prérogatives dans la gestion de ces zones ?