Photo : Riad Par Ziad Abdelhadi Sur les marchés des fruits et légumes de la capitale comme dans d'autres grandes villes du pays, on peut facilement retrouver sur les étals, ces derniers temps, trois variantes de pommes de terre. La première variété est celle qui vient de la wilaya de Oued Souf, dans le sud du pays. Cette variété, reconnaissable par sa pureté et la fine pellicule de sable qui s'accroche encore à sa peau, et qu'on connaît communément dans le jargon des détaillants par «la sablée», est cédée à partir de 50 dinars le kilo. Les tubercules de la deuxième variété sont, eux, alourdis par la terre qui s'y accroche. Les agriculteurs comme les revendeurs laissent cette terre pour signifier que le légume vient d'être récolté. De plus, elle permet de gagner quelques grammes à la pesée. Cette pomme de terre est proposée à 35 dinars le kilo. Quant à la troisième et dernière variété qu'on trouve sur les marchés, c'est le tubercule conditionné dans des sacs et qui, visiblement, sort des entrepôts frigorifiques. Son aspect terne a un effet repoussoir aux yeux des acheteurs qui peuvent se permettre de le snober. Cette variété est actuellement cédée à 30 DA le kilo et dans certains marchés populaires envahis par les vendeurs ambulants, à 25 DA.A titre comparatif, c'est la «sablée» qui a connu les plus importantes hausses de prix. Au mois de février dernier, elle était proposé à partir de 35 dinars le kilogramme, un écart d'au moins 20 dinars en l'espace de deux semaines. Cette hausse subite a été, évidemment, très mal accueillie par les consommateurs, d'autant plus qu'ils savaient pertinemment qu'il aucune raison ne la justifiait puisqu'il n'y avait pas eu de rupture de la production dans la wilaya de Oued Souf. La période de culture de la pomme de terre, favorisée par le climat et une bonne irrigation, se pratique dans cette région du pays à partir du mois d'octobre jusqu'au mois de juin. Les récoltes se poursuivant tout au long de l'année, sauf en été pour cause de température élevée, permettent ainsi un bon approvisionnement du marché. Dès lors, l'hypothèse de rupture de la production ou du tarissement des stocks constitués est à exclure. Ne reste donc que la piste de la rétention du produit en vue de spéculer sur son prix. Les spéculateurs, connaissant parfaitement le marché et les périodes de production, misent sans aucun doute sur la période de soudure (mi-mars, mi-mai) durant laquelle l'offre ne peut satisfaire la demande, malgré les mesures prises par le ministère de l'Agriculture et du développement rural pour combler l'écart entre l'offre et la demande.En clair, le marché n'aura d'autre alternative pour arriver à répondre à la demande que d'accentuer les arrivages de la «sablée». Cette conjoncturelle hausse de la demande sur la pomme de terre de Oued Souf peut-être donc la cause de la subite augmentation sur la «sablée». Toutefois, des observateurs bien au fait de tout ce qui concerne la production et la commercialisation du tubercule, estiment pour leur part que si le ministère de l'Agriculture espère réguler le marché en s'appuyant essentiellement sur les quantités emmagasinées dans les entrepôts frigorifiques, «il se trompe». «Les volumes importants de pommes de terre issues des chambres froides et mises en vente sur les marchés sont d'une qualité qui laisse à désirer au point d'être littéralement boudées par les consommateurs qui préfèrent se rabattre sur la production d'arrière-saison», ajoutent-ils. Quant à lamauvaise qualité de la pomme de terre conditionnée, les spécialistes en froid la mettent sur le compte du manque de maîtrise, voire la méconnaissance par de nombreux propriétaires de chambres froides des techniques du stockage sous froid.Ainsi, le Système de régulation des produits agricoles de large consommation (Syrpalac) mis en place par le ministère de l'Agriculture pour justement éponger les surplus de production en les stockant dans des chambres froides pour, au besoin, mettre sur le marché les quantités nécessaires en vue de satisfaire la demande durant les périodes de soudure, a montré ses limites. Le Syrpalac s'avère dans l'incapacité de remplir son rôle comme il se doit. Le ministère a fini par se rendre à l'évidence et a pris conscience qu'il fallait rectifier le tir. Aussi a-t-il décidé d'accorder une prime de la qualité de 2 DA par kilogramme aux propriétaires de chambres froides. Toujours dans la perspective de rendre plus efficient le Syrpalac, le ministère compte le renforcer par le biais de la Société de gestion des participations de l'Etat pour les productions animales (SGP Proda) qui va poursuivre l'achat des surplus de production de la pomme de terre auprès des agriculteurs en vue de constituer un stock de régulation et d'intervention. De plus, le ministère compte couvrir la demande durant cette période de soudure par les récoltes d'arrière-saison et de primeur.Avec ces mesures, il semble bien que les pouvoirs publics sont décidés à couper l'herbe sous le pied aux spéculateurs en régulant le marché de manière qu'offre et demande s'équilibrent. C'est sans doute le souhait de tous les consommateurs qui ne demandent qu'à avoir cette chère pomme de terre à portée de bourses, et le reste des produits de consommation aussi…