Photo : Riad Par Amirouche Yazid L'année universitaire 2010-2011 est manifestement marquée par un cycle long de grèves accompagnées d'une série de rassemblements devant le siège du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Elle porte aussi l'acte de naissance de nouvelles organisations syndicales, qui veulent faire triompher des revendications. Le coup d'accélérateur a été donné par la coordination des étudiants des grandes écoles. Pour contester contre le décret 10-315, les étudiants de ce qui est appelé les grandes écoles et autres étudiants d'université inscrits en ingéniorat défrayent la chronique depuis deux mois. Sous la pression, la tutelle a tenté une réponse en proposant un «remodelage» du décret en question. Une réponse qui n'a pas convaincu les contestataires. Le déclic de la contestation a été ainsi donné, les étudiants formulent d'autres revendications. Il est ainsi loisible de constater un mouvement peu ordinaire du côté de la rue Doudou-Mokhtar à Ben Aknoun où le siège du ministère est quotidiennement assiégé par des étudiants en colère. Les réclamations se sont multipliées à mesure que la tutelle décrète des lois sans en mesurer les effets. Aujourd'hui, le ministre de l'Enseignement supérieur fait le consensus contre sa gestion. Tous les inscrits ont quelque chose à remettre en cause. Qu'il soit en fin de cycle de l'ancien système ou inscrit au système LMD, l'étudiant dénonce «la situation» que veut lui imposer la tutelle. En plus des remises en cause des nouveaux décrets relatifs aux diplômes et leur classification au sein de la fonction publique, des organisations n'ont pas pour autant abandonné des exigences classiques. Les étudiants continuent à évoquer la nécessité d'améliorer les conditions pédagogiques d'enseignement. Pour les étudiants de Bouzaréah, la revendication sécuritaire est toujours là. Elle s'exprime dès qu'un cas d'agression est signalé à l'intérieur de la faculté. Le champ de la contestation estudiantine se distingue cependant pour l'exercice 2010-2011 par l'émergence de nouvelles structures syndicales plus présentes et plus actives que les sigles traditionnels. Au milieu et aux alentours des rassemblements que tiennent les étudiants devant le siège du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, il est rare d'entendre le nom des organisations plus au moins connues au sein de l'université. Cataloguées dans le registre des organisations satellite à la solde des partis politiques, les structures telles que l'Ugel et l'Unea ont perdu la voix au moment où l'université est en grogne perpétuelle. Ces organisations, jadis plus entreprenantes pour se positionner sur l'échiquier de l'université, semblent dépassées par le temps. Mais aussi par le ton que veut imposer une génération qui conçoit différemment les luttes estudiantines. Les déclarations ainsi que les banderoles préparées pour la circonstance ne trompent pas sur une mue qui s'opère à ce niveau. Les étudiants se structurent très rapidement en comités au sein d'une université pour passer, à un rythme tout aussi rapide, à une coordination de plusieurs universités. S'appuyant sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter), ces étudiants communiquent de façon rapide. Cela se vérifie dans la constance de leurs actions. Pendant ce temps, les organisations traditionnelles se contentent d'observer une université bouillonnante et à la croisée des chemins. Au même titre d'ailleurs que la tutelle qui ne sait plus que faire pareille situation. Croyant avoir des interlocuteurs fiables et représentatifs pour arbitrer des cas de contestation, la tutelle se découvre visiblement en quête de partenaires. Et à force de traiter avec des organisations au profil bien connu, le ministère donne à présent l'impression d'avoir hésité à ouvrir les débats avec des coordinations dont il ignore le portrait et les convictions. C'est manifestement cette crainte qui sclérose davantage le département de Harraoubia visiblement gêné par une nouvelle forme de structuration : la contestation.La terminologie utilisée dans les différentes plates-formes de revendications indique également qu'une mutation s'est opérée dans l'esprit des luttes estudiantines. Les formes d'organisation, qui accompagnent les présentes grèves à l'université, montrent que les étudiants sont en train d'expérimenter de nouveaux modes de coordination pour arriver à la satisfaction de leurs revendications. En face, il y a une tutelle surprise par l'ampleur de la contestation et qui se mure dans un silence assourdissant. Entre les deux parties, les organisations traditionnelles jouent en retrait. Ces dernières risquent de perdre les raisons de leur existence si les nouvelles formes de structuration se projettent dans la continuité et la durée. Les coordinations des étudiants autonomes signent-elles la fin des «anciennes unions estudiantines» ? Le profil de l'étudiant de la seconde décennie du troisième millénaire laisse prévoir une telle suite. La forme d'organisation qu'il mettra en place définira la suite.