Les patrons présents jeudi au forum du «Think tank», organisé par le quotidien Liberté à l'hôtel Sheraton d'Alger, estiment «insuffisantes» les mesures relatives à l'emploi et au foncier, décidées en Conseil des ministres. «Ce n'est pas avec une petite structure, soutenue au départ par l'Ansej, qu'on pourra créer une économie solide», explique Reda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprise (FCE). Il faut que l'Etat comprenne que seule l'entreprise crée de l'emploi, a-t-il ajouté. Et de trancher : «Les mesures dont il s'agit aujourd'hui sont des mesures sociales, le gouvernement les a prises pour ‘'éteindre l'incendie''. On n'est pas contre les jeunes promoteurs, mais il faut dire qu'il n'y a pas de coaching, qu'il y a problème d'insertion, que les jeunes sont livrés à eux-mêmes et que le taux de ‘'mortalité'' des entreprises est élevé. Conséquence, les banques hésitent à attribuer des crédits à des projets d'investissement, fussent-ils porteurs.» Tout en louant les efforts consentis par l'Ansej, Abderahmane Benkhalfa, participant à ce «Think tank», souligne, lui, qu'il ne faut pas non plus que cette agence devienne celle «distribuant des tickets». Reda Hamiani revient à la charge et avance : «Les crédits à l'économie sont estimés à 2 700 milliards de dinars [en référence à des données établies par la Banque centrale, selon lui], dont le ratio alloué au privé a chuté de cinq points.» Et d'ajouter : quarante-quatre pour cent seulement du financement revient au secteur privé ; pourtant, celui-ci crée quatre-vingt-dix pour cent de la valeur ajoutée, en dehors des hydrocarbures. Le président du FCE estime que ces décisions ont été discutées en vase clos, que les opérateurs n'y ont pas été associés, que l'entreprise n'est pas au cœur de ces mesures et que les dispositifs de création d'emplois sont en «inadéquation avec les besoins» de l'économie nationale. Critique est également le président de l'Association algérienne des producteurs de boissons M. Himani. A quelques nuances près, il rejoignait ce qui disait Reda Hamiani : pour lui, l'Agence nationale de l'emploi «ne colle pas aux besoins» des entreprises. Pour recruter une personne de nationalité étrangère, c'est la croix et la bannière ; le procédé, s'il en existe, diffère d'une wilaya à une autre, ce qui est valable dans une wilaya ne l'est pas dans une autre. L'Anem nous impose des paramètres de recrutement qu'il est difficile d'appliquer dans certaines régions, notamment celles reculées. «Il n'est pas évident de trouver le profil que nous recherchons, a fortiori lorsque l'entreprise opère dans une région où il n y a pas assez de diplômés de l'enseignement supérieur,» explique-t-il. Le foncier est un autre chapitre largement débattu à la faveur de cette rencontre. Un exposé sur les dernières mesures se rapportant au foncier industriel, brillamment présenté par Mme Akroun, universitaire et spécialiste en droit des affaires, met en relief la «pertinence» du gré à gré adopté par le gouvernement, à la faveur du dernier Conseil des ministres. Le fait que l'Etat a abandonné les enchères est une «bonne chose», même si les textes d'application n'ont pas encore été publiés. Ce n'est cependant pas l'avis de nombre d'opérateurs présents à cette réunion. Le P-DG d'Alliance Assurances, Hacen Khelifati, rappelle que les chefs d'entreprise ont souffert de la question du foncier. Il s'est montré pessimiste quant au transfert de la «gestion» du foncier au Calpiref, une structure dans laquelle doivent siéger (du moins sur le papier) les opérateurs économiques. Il doute que les nouvelles décisions puissent régler le foncier. Il n'est pas le seul à le penser : le gré à gré est une «correction» qui «renforce les potentats locaux», s'inquiète, pour sa part, Reda Amarni, consultant en économie. Celui-ci est revenu sur le fait que les prérogatives liées à l'attribution du foncier soient déléguées aux walis, dans le cadre des nouvelles mesures. Le wali est également le commis de l'Etat qui préside le Comité d'assistance à la localisation et à la promotion des investissements et à la régulation.