Photo : Riad Par Amirouche Yazid Emeutes, rassemblements, sit-in, grèves, sont devenus les modes d'expression des Algériens pour revendiquer des augmentations de salaires, parfois des indemnités impayées depuis plusieurs mois. Aucun secteur n'échappe à la contestation. Qu'il soit public ou privé. Et cette manière de revendiquer semble, parfois, réussir. A l'image des fonctionnaires de la Protection civile qui sont parvenus à se faire entendre. Leur démonstration de force, outre qu'elle a donné lieu à une issue positive à leurs revendications, a eu le mérite de montrer que nombreux sont les Algériens vivant au seuil de la misère. Combien sont nombreux aussi ceux qui peinent à vivre décemment avec des salaires loin de toute réalité économique. Le pouvoir d'achat de l'Algérien est des plus bas. Face à des prix en perpétuelle hausse, les ménages n'en peuvent plus de résister. Les familles qui vivent avec un seul salaire s'endettent de façon cyclique avant chaque fin de mois. C'est dire si les Algériens vivent un stress au quotidien. Et les dirigeants ? Ils feignent de ne rien voir. Mis à part l'huile et le sucre qui bénéficient d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics, afin de «maintenir ces deux produits à la portée du citoyen». Or, la cherté concerne tous les aliments et le citoyen se trouve coincé entre un salaire faible et un marché très cher. C'est, à juste titre, cette situation qui le fait réagir. Il aspire à la fois à une revalorisation salariale et une régulation du marché. Il semble néanmoins que les gens réservent leur énergie essentiellement pour la bataille des salaires, convaincus que les mesures prises par le gouvernement n'ont pas eu raison de la flambée des prix. En effet malgré les mesures coercitives et dissuasives et les promesses de maîtriser le marché, rien n'est concrétisé sur le terrain.Cycliquement surpris par une flambée injustifiée, les consommateurs subissent la loi des vendeurs. L'exécutif avait décidé il y a quelques mois de renforcer le contrôle du marché. L'opération consistait à fixer les prix et les marges bénéficiaires pour toutes les marchandises et les produits industriels et agricoles, les produits importés, y compris les prix de l'huile et du sucre, ainsi qu'un certain nombre de services, afin qu'ils soient plafonnés et à l'abri de la spéculation. Il est aussi précisé que des dispositions exceptionnelles peuvent être prises pour fixer les prix et les marges bénéficiaires, notamment en cas de hausse importante en raison de tensions sur le marché, ou en cas de crises ou de difficultés chroniques dans l'approvisionnement dans un secteur d'activité, ou dans une région géographique, ou en cas de monopole normal, lorsqu'une entreprise s'adjuge une activité ou se spécialise dans une marchandise, ou un produit donné. Mais les effets de ces mesures tardent à se vérifier sur le terrain. Il n'est qu'à voir ces chefs de famille pour qui faire le marché est devenu synonyme de casse-tête chinois et de frustrations. Voire même motif de hantise, ne se hasardant pas à acheter avant de demander le prix de chaque produit.Dans les marchés de la capitale, le consommateur semble égaré devant des prix en perpétuelle hausse et durant une même journée. La mercuriale semble ainsi affaiblir le volume des achats. «Combien coûtent les haricots ?» demande timidement une dame âgée à un jeune vendeur qui n'arrive plus à répondre aux interrogations des acheteurs. «90 DA, madame», dit-il. La cliente ne bronche pas. Elle a jugé le prix excessif. Arrive un quinquagénaire en quête de courgette. «70 DA le kilo», lui signifie le vendeur. Après quelques minutes de réflexion, il demande un kilo pour ne pas rentrer bredouille. La hausse des prix a manifestement amené les consommateurs à contrôler leurs dépenses, se contentant, parfois, de l'essentiel. «Il n'y a que l'oignon qui est abordable, sinon le reste est trop cher», s'indigne une vieille qui passe au crible les produits : «Les haricots verts 80 et 100 DA, l'ail à 120 DA, la courgette entre 60 et 70 DA.» Avec ces prix de fous, le salut passe par une revalorisation conséquente des salaires, dit-on. D'où la multiplication des contestations.Profitant d'un vent de révolte qui souffle sur le pays, tous les travailleurs y vont de leurs revendications, sans compter ceux qui ont été augmentés à hauteur de 25% et qui ne sont pas contents. Ce qui laisse entendre que leurs salaires demeurent trop faibles. «Refuser une augmentation de 25% est un message. Cela signifie que ce salaire est insignifiant», commente un retraité devant un guichet d'une banque. Cela traduit aussi la dégradation du niveau de vie de l'Algérien. Même si les prix seront plafonnés, les citoyens auront encore du mal à tenir avec un pouvoir d'achat fortement érodé.