Le président Ismaël Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999 à Djibouti, est quasi certain de remporter la présidentielle de demain. Une présidentielle boycottée par une opposition divisée, mais à l'origine, en février dernier, de la plus importante contestation de rue depuis l'indépendance en 1977. Près de 152 000 électeurs sont appelés à départager M. Guelleh, 63 ans, et le candidat «indépendant», ancien président du Conseil constitutionnel, Mohamed Warsama Ragueh. Le vainqueur est appelé à diriger pendant cinq ans cette ancienne colonie française bénéficiant d'une position stratégique hors pair à l'entrée de la mer Rouge. Les bureaux de vote seront ouverts de 6 heures (3 heures GMT) à 18 heures et les résultats de ce scrutin à un tour devraient être connus dans la nuit de demain à samedi. Les deux coalitions d'opposition, l'Union pour l'alternance démocratique (UAD) et l'Union des mouvements démocratiques (UMD) nouvellement créée, boycottent le scrutin, faute de s'être entendues sur un candidat commun et parce qu'elles contestent l'indépendance de la Commission électorale (Ceni). L'opposition, qui avait boycotté la présidentielle en 2005, a également vivement critiqué la réforme constitutionnelle adoptée en avril 2010 par un Parlement entièrement acquis à la cause du Président sortant et lui permettant de se représenter pour un troisième mandat, raccourci de six à cinq ans. M. Guelleh assure que ce mandat sera bien son dernier mais l'opposition y voit «la porte ouverte à la présidence à vie». Le taux de participation sera l'un des principaux enjeux du scrutin. Sur la scène internationale, M. Guelleh a su tirer profit de la situation stratégique de son petit pays : après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, Djibouti est devenu la pièce maîtresse de la lutte antiterroriste des Américains dans la Corne de l'Afrique et joue désormais un rôle majeur dans la lutte contre la piraterie somalienne dans l'océan Indien. Djibouti abrite ainsi la plus importante base militaire française à l'étranger, l'unique base américaine en Afrique et bientôt une base japonaise. Ces bases contribuent à l'économie du pays qui repose essentiellement sur le trafic portuaire, notamment à destination du géant éthiopien enclavé. Reste que la réélection annoncée de M. Guelleh, ancien chef de cabinet du premier président djiboutien Hassan Gouled Aptidon (1977-1999), s'inscrit dans un contexte de grogne sociale inédite, le vent de la contestation dans le monde arabe n'ayant pas épargné ce petit pays musulman. Après des rassemblements d'étudiants début février, plusieurs milliers de sympathisants de l'opposition avaient manifesté dans la capitale le 18 février pour exiger le départ du «dictateur IOG» (Ismaël Omar Guelleh). La manifestation, sans doute la plus importante contestation de rue depuis l'indépendance, avait donné lieu à de violents incidents avec les forces de l'ordre et fait au moins deux morts, selon un bilan officiel. Le régime a, depuis lors, encore accru la pression policière sur l'opposition : plusieurs responsables d'opposition et de la société civile ont été momentanément interpellés. Autre signe de nervosité du pouvoir : l'expulsion début mars de l'ONG américaine Democracy International (DI), qui œuvre en faveur de la bonne gouvernance mais dont le comportement était devenu «préoccupant», selon les autorités. Une autre inconnue sera la stratégie du FRUD-armé, une fraction de l'ex-rébellion Afar, qui pourrait être tentée de perturber le scrutin par un coup d'éclat. Avec près de 820 000 habitants, dont plus de la moitié vivent dans la capitale, Djibouti est majoritairement peuplé d'Issas et d'Afars, avec une Constitution qui prévoit une répartition du pouvoir entre ces deux groupes. R. I.