Les députés du mouvement Ennahda ont saisi, le 30 mars dernier, le Premier ministre pour lui demander l'ouverture d'une enquête sur les opérations de privatisation des entreprises publiques. Les élus de la formation présidée par Fateh Rebaï ont estimé que les privatisations et autres cessions des entreprises sont entourées d'opacité. Dans le document adressé à Ahmed Ouyahia et transmis à notre rédaction, ces députés se sont interrogés sur le bien-fondé de la cession aux étrangers d'entreprises qui ne souffraient d'aucun déficit, rentables et productives. Cette privatisation tous azimuts a mené certains dirigeants des entités économiques publiques à les mettre en difficulté, en réduisant la production, à procéder à des endettements et des découverts bancaires qui ne se justifiaient nullement. Pour les auteurs de la requête, les pouvoirs publics ont élaboré un arsenal juridique pour accompagner le développement économique. La cession de certaines d'entre elles aux étrangers participait de cet objectif. Dès lors qu'il devait absorber le chômage par la création d'emplois, augmenter la capacité de production. Cependant, les députés du mouvement Ennahda ont constaté que l'objectif en question a été détourné. «L'opération de privatisation et l'ouverture des entreprises productives, rentables et non déficitaires aux opérateurs privés, notamment les étrangers, posent un certain nombre de questionnements», lit-on dans le document adressé aux services du Premier Ministre. Les rédacteurs indiquent que ces opérations de cession aux étrangers ont été réalisées sans étude, conformément au plan de charge qui «prend en considération l'intérêt public de la population et préserve l'Etat algérien à long terme». Les députés d'Ennahda estiment que les opérations de cession des entreprises publiques ont été faites sans respect des cahiers des charges «élaborés de manière opaque et qui servent les intérêts de groupes connus, et qui plus non fondés sur des critères socio-économiques et de la prospective du pays.» Pour étayer ses propos, le mouvement Ennahda cite, parmi tant d'autres, le cas de la laiterie de Béni Tamou, qui a été rachetée en partenariat avec Soummam par Lactis. Les initiateurs de la missive au Premier ministre donnent moult détails sur la crise qui a secoué cette entreprise qui appartenait au groupe Giplait. «Ce complexe fait partie des entreprises confrontées à la dislocation et à l'atteinte à la stabilité sociale». Et pour cause, estiment les députés, ils ne s'imaginent pas comment une entreprise, qui produisait 250 000 sachets de lait sous la houlette de l'Etat, voit sa production baisser à 150 000 après sa cession. Une production, selon les rédacteurs, qui est loin du respect des normes d'hygiène et de santé. Les députés ne s'expliquent pas comment également un complexe de 7 hectares, doté d'infrastructures et d'usines, a été cédé à l'investisseur étranger à 96 milliards de centimes, alors que sa valeur réelle est de 500 milliards de centimes. Pour Ennahda, c'est un bradage. Cette formation politique a été plus loin en donnant des chiffres sur ce qu'elle appelle trafic dans la production et tricherie dans le volume de lait en sachet. «Le détournement de 140 tonnes de poudre de lait subventionné au profit de Soummam pour la production des yaourts» a été dénoncé par les rédacteurs de la lettre Il faut rappeler qu'Ennahda n'est pas le seul parti politique dont les élus nationaux ont tiré la sonnette d'alarme sur ce complexe. Il y a une quinzaine de jours, Zoubida Kherbache, élue PT dans la circonscription de Blida, a introduit une question orale revêtant un caractère d'urgence. Une urgence apparemment non prise en compte par le bureau de l'APN puisque cette question n'est pas programmée pour la séance des questions orales prévues demain à la chambre basse du Parlement. D'autre part, lors de la journée parlementaire relative à l'accord d'association avec l'Union européenne, un syndicaliste du complexe laitier avait dénoncé le comportement illégal de l'employeur, son non-respect du cahier des charges et de la convention collective, l'atteinte au droit à l'exercice de l'activité syndicale. Il a également dénoncé ce qui est, selon lui, «la tricherie dans la production de lait et l'utilisation de produits périmés pour certains dérivés du lait, l'importation de pièces usées de ses usines installées au Maroc. Nous demandons à ce que l'Etat exerce son droit de préemption sur cette entreprise», avait notamment déclaré le secrétaire général du syndicat de l'entreprise. Le complexe a présentement repris l'activité, mais il ne faut pas oublier qu'il était à l'arrêt pendant une cinquantaine de jours. Rappelons que le complexe Soummam a démenti catégoriquement le détournement de 140 tonnes de poudre de lait. Il s'agissait, selon lui, d'un simple prêt. F. A.