Des spécialistes ont dressé, hier, un tableau peu reluisant de l'état de l'économie algérienne. Lors d'une rencontre-débat organisée au forum d'El Moudjahid, Abdelahak Lamiri, P-DG de l'Insim, et Lies Goumiri, expert économique, ont tenté ainsi de faire toute la lumière sur les faiblesses et les lacunes que connaît notre économie en proposant, au passage, un «re-engineering» capable de la faire sortir de sa dépendance des recettes des hydrocarbures. Pour A. Lamiri, la croissance économique enregistrée ces dernières années dans notre pays est «extensive». Elle est, en d'autres termes, le résultat des ressources injectées par les pouvoir publics, et en dépit de cet effort émanant de l'Etat, dira-t-il, cette croissance reste insuffisante. Il explique dans ce sens que l'Algérie injecte 30% de ressources pour avoir une croissance de 6%, alors que des pays comme la Corée du Sud injectent 1% pour générer le même taux de croissance. Cette situation est expliquée, selon Lamiri, par le fait que nos entreprises ne créent pas de valeur ajoutée et la productivité est estimée à – 1%. Bien que plusieurs mesures positives aient été prises ces dernières années, telles que le remboursement de la dette, la sécurisation des ressources, la réalisation des infrastructures de base, le gel des privatisations, etc., les faiblesses de l'économie algérienne persistent, note le conférencier. Il juge ainsi que plusieurs indicateurs confirment l'échec des plans d'investissement prônés jusque-là et qui devraient consommer quelque 500 milliards de dollars d'ici à 2014. Pour M. Lamiri, un excès de centralisation est toujours visible, outre une organisation peu efficace, des faiblesses managériales et institutionnelles et un secteur bancaire sous-développé. Le taux de chômage est en baisse, mais grâce à des emplois précaires, fait remarquer M. Lamiri pour qui l'économie nationale est victime d'erreurs de diagnostic et de thérapie et d'une certaine culture économique. En dépit de ce tableau noir, M. Lamiri estime que l'économie nationale est capable de relever le défi de changer la donne en l'espace de quelques décennies, voire dans une trentaine d'années, et peut même devenir un dragon économique. Pour ce faire, il préconise de donner à l'économie toute son autonomie, de procéder à un développement décentralisé, d'encourager la formation des ressources humaines - la base de toute politique à ses yeux -, mais également l'investissement dans les nouvelles technologies, l'innovation et l'économie fondée sur la connaissance. Il recommande aussi une refonte globale des politiques sectorielles. M. Lamiri s'interroge aussi sur l'absence d'un organisme (institut d'intelligence) qui sera chargé de coordonner entre les différentes parties et ministères. Pour sa part, M. Goumiri estime qu'il est temps de faire «une rupture brutale et immédiate, mais aussi d'annoncer de nouvelles règles de gouvernance». «Pour définir notre stratégie économique, il y a lieu de se placer d'ores et déjà dans la situation de fin de la rente pétrolière. C'est l'unique façon de rompre avec les solutions de facilité qui règnent en maîtres actuellement. Tout membre de l'Exécutif doit se voir confier un programme précis d'actions, concerté avec les différentes parties prenantes, à mettre en œuvre dans des délais bien définis, avec un contrôle externe et une obligation de résultat», a-t-il préconisé. Toutefois, un diagnostic s'impose, selon lui. Il s'agit de procéder à «un examen très lucide de la situation et de dresser, le cas échéant, un constat d'échec pour mieux réagir dans plusieurs segments de la vie économique et sociale tels que l'éducation, la formation, la santé, la stratégie industrielle, la modernisation de l'agriculture, la culture financière des acteurs économiques, l'efficacité de l'administration, la relance et la croissance des entreprises, la réduction des déséquilibres régionaux et inégalités sociales, la formation civique et politique de la jeunesse, etc.». M. Goumiri propose également l'ouverture des entreprises publiques à l'international, le lancement de grandes cultures industrialisantes dans des domaines bien précis, le développement des exportations invisibles (tourisme et santé), etc. S. B.