L'atteinte à la propriété intellectuelle est en train de devenir «la méthode de financement préférée des terroristes et des groupes criminels». Ce constat établi par Chawki Djebbara, professeur à l'Ecole supérieure de la magistrature et ancien directeur général des Douanes, ressemble à un cri d'alarme. Ainsi, après le recours à la contrebande et au trafic de drogue, voilà que les terroristes se spécialisent dans la violation des droits de propriété intellectuelle. Cette mutation est d'autant plus importante que la contrefaçon est une source de «revenus» impressionnante. Cela représente entre 7 et 10% des échanges internationaux. Un marché difficilement quantifiable, au coude-à-coude avec le trafic de drogue, d'armes et la vente du brut à l'échelle planétaire. Il est estimé entre 200 et 500 milliards d'euros. Les produits contrefaits et piratés dans le commerce international auraient représenté quelque 250 milliards de dollars en 2009, selon Xavier Vermandele, juriste à la division «respect de la propriété intellectuelle» de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), présent à la journée d'étude sur la contrefaçon organisée jeudi dernier par la Cour suprême. Lors de travaux, les magistrats, juristes, professeurs et responsables d'instances concernées par la lutte ont estimé, selon l'APS, impérative une coopération internationale devant un phénomène qui se globalise. En Algérie, le seuil limite internationalement établi pour tirer la sonnette d'alarme sur ce fléau (15% des produits du marché) est largement dépassé. Ce taux se situerait, selon les chiffres de M. Djebbara, entre 25 et 30% du marché national. Cet exercice frauduleux touche toutes sortes de marchandises : matériels informatiques, 8 logiciels commercialisés sur 10 sont contrefaits, vêtements, cosmétiques, pièces de rechange. Son effet est dévastateur pour l'économie nationale, quand il s'agit de la contrefaçon de la monnaie, et dangereux s'il s'agit de médicaments. En 2006, on estimait à 1,4 million d'articles contrefaits qui entraient annuellement via l'importation et plus de 50% des fabricants de cosmétique exerçaient dans l'informel. Sur la scène internationale, elle touche 12% du marché des jouets, 10% de la parfumerie et des cosmétiques et près de 10 du marché européen des pièces de rechange automobiles. Mais, au-delà de l'interconnexion entre ce fléau et le terrorisme, le mal de la contrefaçon a des incidences néfastes à plusieurs niveaux. D'abord, pour le client avec le risque d'utiliser un produit nocif. Pour l'entreprise, ensuite, qui risque une diminution des ventes et une perte de prestige. Et pour l'Etat, une perte évidente de revenus perçus par les taxes. Sans omettre l'effet que cela induit sur le ralentissement de la croissance économique et probablement des pertes de postes d'emploi. Pour une meilleure lutte contre la problématique de ce nouveau terrorisme contre la propriété intellectuelle, les participants à la journée d'étude, tout en reconnaissant l'existence de plans d'action internationaux, insistent sur la coopération internationale dans la lutte contre la contrefaçon. «Tous les pays de l'Union africaine ont besoin d'aide pour renforcer leur capacité afin d'appréhender et de lutter contre la contrefaçon», a souligné M. Djebbara. S. A.