Synthèse de Amel Bouakba Les combats, qui déchirent depuis plus de trois mois la Libye, débordent sur le territoire tunisien. De violents affrontements ont opposé, hier, l'armée tunisienne aux forces de Mouammar Kadhafi dans le centre de Dehiba, ville de Tunisie à la frontière avec la Libye, située à environ 200 kilomètres au sud de Ras Jdir, principal point de passage entre les deux pays, ont rapporté les agences de presse. Selon des témoins, les forces du dirigeant libyen ont attaqué Dehiba à l'arme légère et à l'artillerie. On dénombre plusieurs morts et blessés sans qu'un bilan précis puisse être fourni. «D'intenses fusillades ont lieu en ce moment même dans le centre de Dehiba. Les gens ne peuvent pas sortir de chez eux. La bataille a débuté lorsque les brigades pro-Kadhafi ont attaqué les rebelles installés à Dehiba», ont signalé des habitants de la ville, cités par les agences de presse. L'armée tunisienne a alors tenté de s'interposer entre les deux camps. Un autre homme a déclaré que des obus continuaient de tomber sur des maisons et qu'une Tunisienne au moins avait été tuée.L'armée tunisienne aurait, par ailleurs, arrêté seize blindés de l'armée régulière libyenne.Cette ville de Dehiba était passée sous le contrôle des forces rebelles il y a quelques jours. Face à l'attaque libyenne, plusieurs Tunisiens ont pris la fuite en direction du nord ou de l'ouest du pays. Selon un journaliste d'Al Jazeera posté près de la frontière, les combats ont eu lieu après que des forces kadhafistes eurent été contraintes de passer sur le sol tunisien sous la pression des rebelles. Il soutient que l'armée tunisienne a rapidement repris le contrôle de la situation, qu'elle a capturé les combattants kadhafistes et qu'elle les reconduits du côté libyen de la frontière. Des incidents en sol tunisien ont été rapportés jeudi dernier. Des témoins avaient rapporté que les hommes de Mouammar Kadhafi avaient poursuivi des rebelles en territoire tunisien sur environ un kilomètre. La Tunisie a d'ailleurs exprimé, jeudi dernier, «sa grande préoccupation» face à cette «dangereuse escalade militaire» enregistrée à Wezen, localité proche du point de passage de Dehiba, sur les frontières tuniso-libyennes. Elle a officiellement protesté auprès du régime de Mouammar Kadhafi et dénoncé une «violation de son intégrité territoriale» par la Libye. Dans un communiqué officiel, le ministère tunisien des Affaires étrangères a «considéré les tirs en direction d'une zone peuplée sur le territoire tunisien comme une violation de l'intégrité du territoire tunisien et une atteinte à la sécurité des habitants de cette région». Depuis une semaine, le poste frontalier de Dehiba est l'objet de combats entre insurgés libyens et forces loyales au colonel Kadhafi. Le côté libyen du poste avait été pris par les insurgés le 21 avril dernier au matin. Au bout d'une semaine, ils en ont été délogés par une contre-attaque des loyalistes. Mais quelques heures plus tard, les opposants au régime de Tripoli ont de nouveau attaqué ce poste et les affrontements se sont déroulés des deux côtés de la frontière. Entre-temps, le conflit ne cesse de s'enliser en Libye et la situation humanitaire se dégrade de jour en jour. Dans la ville libyenne assiégée de Misrata, les habitants ont été frappés par plusieurs bombardements des forces loyalistes, ont indiqué les agences de presse. Douze personnes auraient été tuées jeudi dernier. Les combats se concentrent, pour l'essentiel, autour de l'aéroport. Des obus de mortier et des roquettes ont été tirés sur la ville hier à midi faisant au moins deux morts. Le dirigeant Mouammar Kadhafi résiste, quant à lui, et ne donne aucun signe d'une intention de quitter le pouvoir qu'il accapare depuis plus de quarante ans, malgré la pression militaire de l'Otan, les sanctions financières internationales, un embargo sur les armes et le gel de ses avoirs pour le pousser à partir.