Convaincu que les Libyens mourront pour lui, Mouammar Kadhafi se laisserait-il pousser des ailes ? Le «Kadhafou», son nouveau sobriquet qui lui va comme un gant, ne lâche pas prise. Au point que ses opposants dans la ville libérée de Benghazi craignent une contre-offensive aérienne dont l'objectif serait double : détruire tout l'arsenal que l'armée régulière a abandonné au moment de sa fuite afin d'empêcher son usage durant la marche sur Tripoli et corriger dans le sang la population civile qui a osé défier ouvertement le pouvoir libyen. Et comme il n'y a pas de fumée sans tirs de canon, des soldats se sont dépêchés à déplacer des batteries antiaériennes de fabrication russe alors que d'autres se sont empressés d'empiler des obus. La veille, des dépôts de munitions situés à Ajdabiya, une centaine de kilomètres au sud de Benghazi, et Rajma (15 km au sud de Benghazi), deux villes sous contrôle de l'opposition, ont été visés par des raids aériens des forces fidèles à Kadhafi. Une information démentie par les autorités libyennes qui n'est sûrement pas à sa dernière négation. Propagande oblige. S'attelleront-elles également à démentir l'encerclement de la ville de Zaouiah, située à une cinquantaine de kilomètres de la capitale libyenne ? Les forces pro-Kadhafi ont bel et bien tenté de reprendre cette ville en attaquant sur six fronts. A armes presque égales, les deux camps se sont affrontés durant six longues heures. L'opposition armée a fini par avoir gain de cause, repoussant les maintes tentatives de reprise de la ville par les Kadhafistes. Ce n'est que partie remise, promettent les chefs militaires du colonel Mouammar. Insisteront-ils pour reconquérir les villes libérées à l'Est, alors qu'il y a risque majeur que les foyers de la protestation s'enflamment à l'Ouest ? L'armée libyenne pense à tout. Confortée par le fait que la ville de Syrte, acquise à Kadhafi (ne serait-ce que pour le silence de ses chefs tribaux) jouera le rôle de ville tampon entre l'Est et l'Ouest, l'armée régulière libyenne a pu aller faire étalage de sa force à l'Ouest. Douze heures après l'annonce par le Pentagone du déploiement de forces navales et aériennes près de la Libye, les Kadhafistes ont refait leur apparition à Dehiba, poste-frontière avec la Tunisie. Ils ont notamment déployé des renforts à Nalout, à une soixantaine de kilomètres de Dehiba, histoire de ne pas laisser cette ville tomber aux mains des insurgés qui acculent le régime à l'ouest du pays, certainement avec l'idée que leurs compagnons d'armes puissent réaliser une percée à l'Est. Si possible par Mesrata, la base aérienne de Syrte veille au grain. Suite aux abondantes défections dans ses rangs, l'armée du colonel Kadhafi est-elle encore capable d'assurer sur les deux fronts ? Elle aurait de quoi tenir encore quelques semaines face à l'opposition armée, qui malgré la présence de militaires transfuges en son sein, n'est pas franchement assez entraînée pour aller montrer ses muscles face à des forces régulières aguerries. A moins que les forces américaines décident de prendre directement part aux combats, sans l'aval des Nations unies. Une autorisation que le nouveau patron du Quai d'Orsay, Alain Juppé, a réclamé avec insistance pour toute éventuelle intervention militaire en Libye. Une même permission que Dominique de Villepin exigeait en 2003, à la veille de l'invasion de l'Irak. Cela n'empêchait pas l'administration Bush d'ouvrir un feu continu sur l'armée de Saddam. Le démocrate Obama portera-t-il le coup de grâce à Kadhafi ? Aucune action n'est prévue en Libye, a assuré Mme Clinton. Pourtant, l'heure n'est plus au show militaire intimidant.