Photo : Sahel De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche Ce qui reste des associations et collectifs de citoyens qui animaient la scène après l'ouverture démocratique de 1989 est en train de disparaître. Ceci en dépit du discours des pouvoirs publics louant l'existence d'un fort mouvement associatif dans la société, capable de porter haut les préoccupations des citoyens. En effet, après plus de vingt ans d'ouverture démocratique, la place publique à Bouira est bien déserte, hormis les structures syndicales qui s'accrochent grâce à la persistance des revendications de leurs adhérents, les autres associations ont presque disparu et n'existent que sur les registres administratifs. Selon certains animateurs, cette situation a été engendrée, en grande partie, par les manœuvres de récupération subies par ces associations à l'occasion des rendez-vous électoraux et des sorties politiques, où des responsables locaux avaient tout fait pour utiliser les moyens de ces associations dans un but autre que ceux pour lesquels elles ont vu le jour. Ainsi, les Bouiris se souviennent comment des associations de quartier et des comités de village avaient servi de marche-pied pour l'élection de certains maires issus des partis au pouvoir. Mais aussi comment des associations furent exploitées par certains notables lors de la distribution de logements et même des aides sociales fournies par l'Administration. Tous ces dépassements avaient eu raison de certains militants sincères. Ils ont préféré se retirer de la scène associative après avoir échoué dans leurs tentatives de redresser les choses. Beaucoup d'associations et peu d'actions sur le terrain Cette absence du mouvement associatif a touché même le secteur de l'éducation, car selon les dernières statistiques, la wilaya ne dispose que de 133 associations de parents d'élèves qui ont renouvelé les structures, alors que le secteur compte près de 640 établissements scolaires, tous paliers confondus. Ceci constitue, d'après des enseignants, un grand handicap pour la poursuite de la scolarité des enfants, à un moment crucial où le secteur est en pleine mutation en raison des nouvelles réformes mises en œuvre par le ministère. Pour certains parents, les raisons de cette désertion sont relatives au fait que les APE ne sont plus écoutées ni par les responsables du secteur ni par les collectivités locales quand il s'agit de problèmes réels vécus par les élèves, tels que le manque de transport scolaire, l'absence de cantine, de chauffage, de sécurité ou autres problèmes qui empêchent les élèves d'étudier dans de bonnes conditions.D'après certains animateurs du mouvement associatif, l'aspiration au changement n'a pas que des adeptes ou des militants convaincus, mais aussi ses détracteurs, des gens qui agissent souvent dans le sens du blocage ou de l'atténuation de l'impact du mouvement associatif sur la société. Rappelons que nombre d'associations culturelles et comités de quartier ont vu le jour à Bouira à la faveur de la loi 90-31 (1990). Les mêmes animateurs ajoutent que des responsables de l'Administration et des formations politiques avaient toujours tenté d'instrumentaliser les associations, en conditionnant l'attribution de subventions ou de dons à un alignement sur des choix politiques qui n'ont aucune relation avec les missions desdites associations. Au cours de cette période, plusieurs associations de parents d'élèves intervenaient dans des domaines qui n'avaient rien à voir avec le monde scolaire. Au même moment, des associations culturelles furent marginalisées sur le plan financier et d'autres empêchées d'organiser des manifestations ou des activités, à cause de l'inexistence de textes de loi clairs sur le rôle et les missions des associations. Nécessité d'une réorganisation du mouvement associatif Face à cette situation, et compte tenu de la nouvelle réalité économique et sociale du pays, des animateurs de la société civile préconisent la mise en place d'un cadre juridique permettant l'activité associative libre en dehors de toute tutelle, notamment des partis, afin de répondre à la fois aux missions et exigences de la société, soit au niveau des quartiers, des villages, que sur les lieux de travail. D'autre part, plusieurs membres d'associations estiment qu'il est nécessaire de revoir les textes définissant le statut et les modalités de création, car comme c'est le cas des associations des parents d'élèves, les procédures actuelles sont très contraignantes. «Pour renouveler une association, il faut réunir l'assemblée générale des parents, dont les élèves sont scolarisés, élire le bureau, faire la passation de consignes avec l'association existante puis déposer le dossier d'agrément auprès de l'administration ; toute cette démarche nécessite actuellement au moins trois mois ce qui décourage les parents intéressés et engagés dans ce domaine», souligne un responsable d'établissement. Alors qu'au niveau d'autres écoles, les parents préfèrent continuer de travailler avec les anciennes associations, dont le mandat a expiré, «tout simplement car elles sont composées de gens qui ne veulent pas cesser leur activité». La même situation est constatée au niveau des autres secteurs, tels que la culture, la jeunesse et les sports, la santé et les collectivités locales. Dans l'ensemble, les autorités peinent à connaître le nombre exact d'associations qui activent ou qui ont une existence légale sur le terrain. Cette légalité est souvent présentée comme une justification par des responsables locaux qui refusent d'octroyer des aides ou des subventions à certaines associations.