Beaucoup d'encre a coulé, depuis quelques jours, au sujet des dernières mesures gouvernementales fixant les conditions d'investissement et de transfert de capitaux vers l'étranger. L'Etat algérien, à travers ces nouvelles orientations économiques, défend légalement ses intérêts et exerce naturellement sa volonté souveraine d'assainir le climat des affaires dans le pays afin d'instaurer les fondements d'un développement durable qui répondrait aux aspirations profondes des populations. La priorité est, donc, franchement accordée à l'investissement productif et créateur d'emplois. Au cours de sa récente rencontre avec les maires, le président de la République avait cité, à ce propos, le cas d'un investisseur étranger venu investir 700 millions de dollars et qui, au bout de trois ans, a généré un bénéfice net de deux milliards de dollars sans que l'Algérie engrange aucun centime en retour. «Des investissements pareils, on n'en veut plus», a-t-il clairement tranché. Bouteflika profite de la même occasion pour donner aussi l'exemple des banques étrangères qui se contentent d'accompagner le commerce et de financer le petit crédit à la consommation. «Elles doivent prendre des risques», a-t-il rappelé, en soulignant la nécessité d'élaborer un cahier des charges à cet effet pour amener ces établissements à réserver une partie de leur portefeuille au financement des investissements productifs. Les réactions ne cessent de pleuvoir depuis. Il y a ceux qui jugent que le ton employé était trop fort, alors que d'autres parlent d'un sursaut «patriotique» tardif. Bien entendu, les opinions divergent sur la forme. Mais, dans le fond, le constat est largement partagé. Les entrepreneurs étrangers, du moins les plus sérieux parmi eux, reconnaissent la légitimité et la pertinence de ce choix. «Il n'est pas possible de parler d'investissements allemands en Algérie sans qu'il y ait des résultats positifs et concrets au profit des Algériens, en termes de qualification et de formation, création de postes d'emploi et transfert de connaissances et de technologies», a indiqué Andreas Hergenröther, directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie algéro-allemande, en ajoutant que la valeur financière n'est pas aussi importante que ces indices. Toutes les mesures incitatives concernant l'accès au crédit, l'attribution d'assiettes foncières, l'allégement fiscal et la simplification des procédures administratives doivent, désormais, profiter à l'entreprise productive de biens et créatrice de valeur ajoutée. Les textes de loi de finances 2009 traduisent justement cette volonté, qui consiste à redonner à la production in situ sa place fondamentale dans l'environnement économique en la libérant de toutes les contraintes qui freinent encore son dynamisme. Le chef du gouvernement a mis le doigt sur cet impératif en introduisant une batterie de mesures dans ce sens. La taxe sur l'achat des véhicules neufs, l'obligation faite aux opérateurs économiques de réinvestir les abattements fiscaux et l'imposition des capitaux rapatriés comptent parmi les décisions prises par le chef de l'Exécutif, Ahmed Ouyahia, afin, dit-il, de «préserver les intérêts vitaux de l'économie nationale». Cette nouvelle orientation a suscité l'enthousiasme des producteurs locaux qui appellent, depuis des années déjà, à promouvoir la production et à protéger l'entreprise contre la concurrence déloyale des importateurs véreux et des businessmen de circonstance. «Les produits importés, pourtant soumis au payement de 52% de droits de douane, arrivent souvent moins chers que ceux montés in situ [5% de taxe douanière uniquement], car les pseudo-importateurs recourent abusivement à la minoration des valeurs», s'est plaint récemment Abdelkrim B, patron d'une entreprise de montage des produits électroménagers domiciliée à Béjaïa. L'accent ainsi mis sur le soutien à la production est de nature à le conforter dans ses ambitions à accroître le taux d'intégration de ses ateliers, estimé actuellement à 32%. Cette option -qui vise à endiguer, un tant soit peu, cette culture extrêmement nocive de l'import-import, est aussi susceptible de réduire le flot des produits contrefaits qui inondent le marché national. «Plus de 90% des pièces de rechange automobile sont contrefaites. L'imitation est presque parfaite. Seul un œil expert est en mesure de déceler la différence», ne cessent d'avertir les mécaniciens aux quatre coins du pays. La taxe sur l'achat des véhicules neufs pourrait bien motiver les constructeurs à s'installer progressivement dans le pays. La remarque reste valable pour toutes les autres marques «toquées». La refonte des textes régissant le foncier d'utilité publique vient également à point nommé pour évacuer de longues et coûteuses procédures d'expropriation. «En accordant au wali toutes les prérogatives pour accélérer la réalisation des infrastructures d'intérêt général, d'envergure nationale et stratégiques, les nouveau textes viennent évidemment au secours des entreprises qui rencontrent, à leurs risques et périls, ce genre de problèmes sur le terrain», relève Zahir B, un entrepreneur en bâtiment et travaux publics, dont de nombreux projets ont été retardés pour ce genre de litiges. En gros, le recadrage de la loi sur l'investissement a été bien accueilli par les entrepreneurs réels. C'est-à-dire, ceux qui prennent des risques. Ils estiment, en effet, qu'il était grand temps de mettre fin aux concessions faites, à une autre époque, au capital étranger. «On n'est plus dans les années 1990. Aujourd'hui, on a vraiment le droit d'exiger plus de sérieux et de qualité en matière d'investissement étranger», estime-t-on, en ajoutant que de pareilles mesures doivent, par ailleurs, être accompagnées d'une lutte sans merci contre la corruption et la bureaucratie au sein de l'appareil administratif. Les mêmes interlocuteurs mettent, par ailleurs, en garde contre les retombées d'une éventuelle réévaluation de la monnaie nationale qui servirait, encore une fois, l'importation aux dépens de la production locale.