A l'évocation de ce qui nous tient lieu de vie politique, un confrère avisé et sage, évoque cruellement un ersatz. Et il a raison. Parce que nous sommes en présence d'un produit qui en remplace un autre de qualité supérieure. Devenu rare ou bien, dans le cas de l'Algérie, à ce jour, inexistant, par définition, relevant du rêve possible. Dans ce contexte de substitution, la politique a ses hommes et femmes comme la presse a les siens. C'est-à-dire un succédané qui en est l'écho médiatique. On est donc en face de l'équation du possible dans une société de pénurie où on a rarement le choix. On a ainsi l'ersatz qu'on peut et le succédané qu'on mérite. Rarement le produit réel qu'on veut. Aujourd'hui comme jadis. Comme au temps du PAP, le Programme anti-pénuries de l'Etat importateur de café et de sucre. Le pauvre consommateur, et le journaliste en était un, s'astreignait alors à l'ingurgitation forcée du cachiche, cet ersatz de café obtenu par l'émulsion bureaucratique de café et de pois-chiche. Nos palais meurtris s'en souviennent encore ! Dans notre si belle Algérie, les politiques et les journalistes, convenons-en, sont à la politique ce que le cachiche était à l'arabica de bonne torréfaction. Une histoire de mouture. Du grain, nos journalistes en ont eu à moudre beaucoup ces jours-ci, à la faveur de la réapparition de deux figures du janvierisme. Pour la petite histoire, afin de mieux comprendre la grande qui a égrené le chapelet d'une tragédie nationale, le janvierisme, c'est ce coup d'Etat para-constitutionnel contre un processus électoral qui allait inéluctablement offrir le pouvoir à un parti islamiste. Une formation qui ne séparait pas la politique et la religion, que les mêmes Janvieristes avaient légalisée, subrepticement, dans la torpeur de l'été 1989. Au mépris de projets de textes, disponibles à l'époque à la présidence de la République, et qui interdisaient la création de partis sur des bases ethniques, linguistiques, régionalistes ou religieuses. Janvieristes d'hier et d'aujourd'hui, s'est enthousiasmé un journal qui voit dans le putschisme démocratique d'hier le garant moral de l'ordre démocratique de demain. Il a suffi pour cela qu'un ex-tout puissant d'hier, ancien militaire de son état, naguère figure tutélaire du haut Comité d'Etat (HCE), converti depuis, avec beaucoup de bonheur, dans le business florissant, livre un point de vue autorisé mais personnel sur les réformes politiques promises par le chef de l'Etat. C'était suffisant pour que des relais médiatiques amis voient derrière sa canne d'appui celle de Moïse fendant la Mer Rouge pour parvenir à la terre promise démocratique. Ou encore cet autre canard qui a vu dans ses idées démocratiques, certes bienvenues, une feuille de route politique comminatoire pour le président de la République, représenté en la circonstance par une instance de consultation dûment commissionnée. Le Premier ministre Ahmed Ouyahya a, quant a lui, parfaitement raison de préciser que les idées de l'ancien homme fort du Système n'engagent que lui-même. C'est évident, et c'est tout aussi clair, le général en retraite Khaled Nezzar a le droit de ne pas être en retrait de la vie politique en donnant son point de vue. A plus forte raison quand on l'y invite. Il a aussi pour lui le bénéfice d'être désormais un Janvieriste fraîchement ou anciennement converti. Mais comme aurait dit George Clémenceau, au sens figuré et respectueux, bien sûr, seuls les «imbéciles» politiques ne deviennent pas des démocrates sincères. Quitte, dans l'affaire, à perdre la mémoire de l'Histoire, surtout quand celle-ci coûte dramatiquement cher au pays. Dans ses préconisations, Citizen Nezzar estime que le mal politique de l'Algérie viendrait de la Constitution de 1989 dont le déficit démocratique supposé justifie, à lui seul, le recours par les janvieristes «à la suspension du processus électoral pour la sauvegarde de la voie démocratique» en janvier 1992. Ainsi, ce ne serait pas le FIS et sa lecture totalitaire et intégriste du bonheur des Algériens qui seraient responsables de la Tragédie nationale mais la Constitution de 1989 ! Sortie des limbes du 5 Octobre 1988, cette Constitution, nullement liberticide ou attentatoire au caractère républicain de l'Etat, fut une véritable avancée démocratique. A apprécier par rapport au régime à parti unique, fondé sur la dichotomie entre pouvoir informel mais réel et pouvoir délégué mais formel. Un pouvoir à visage civil mais d'essence militaire, gravitant autour de lobbys rentiers, puissants et influents. Juste rappel des choses : l'article 40, qui autorise la création des ACP, les associations à caractère politiques, précise que ce droit «ne peut toutefois être invoqué pour attenter aux libertés fondamentales, à l'unité nationale, à l'intégrité territoriale, à l'indépendance du pays et à la souveraineté du peuple». CQFD. N. K.