Photos : Riad Par Faouzia Ababsa C'est en l'absence du premier argentier du pays, censé lui-même présenter le projet d'ordonnance, que l'Assemblée a adopté à la majorité la loi de finances complémentaire. Karim Djoudi s'est fait représenter par Mahmoud Khoudri, ministre chargé des relations avec le Parlement. Dans les coulisses de l'hémicycle, les spéculations allaient bon train sur la défaillance du ministre des Finances. Pour certains, il craignait d'affronter les parlementaires. Ce qui est peu plausible, en ce sens que, s'il avait été présent, il n'aurait pas eu du mal à lire son document, tout comme l'a fait son collègue du gouvernement. Ce, d'autant qu'il s'agissait d'une ordonnance qui n'ouvre aucunement droit à un débat. Elle est soit approuvée soit rejetée. Pour d'autres parlementaires, M. Djoudi devait certainement avoir une urgence. Mais ce n'était certainement pas là le débat le plus important qui se déroulait dans les arcanes de l'Assemblée. Assaillis par les journalistes, beaucoup de locataires du boulevard Zighoud Youcef se démenaient pour justifier cette hausse de leur salaire. Arguant que ce dernier était classé 34e à l'échelle nationale (il grimpe maintenant à la 3e place) après celui du Bénin sur le plan international. Ce n'était donc que justice que de voir leur statut reconsidéré, conformément à l'article 19 de la loi relative aux membres du Parlement de 2001. Celui-là même qui a fait l'objet d'un amendement. C'était d'ailleurs l'unique changement introduit à cette loi. En présentant le projet d'ordonnance, M. Khoudri n'a donné aucun détail sur la rémunération, même pas une évaluation. Il n'empêche que la majorité des députés l'ont approuvée. Au sein de la commission des affaires juridiques et des libertés, on a justifié cette réévaluation de l'indemnité du parlementaire par le fait qu'il n'y avait pas de raison à ce que le député reste «sous-payé», au moment où le niveau de vie des Algériens a augmenté et évolué. C'est à croire que les auteurs de cette argumentation ne vivent pas sous le même ciel que l'écrasante majorité des Algériens et qu'ils font fi des 2 millions de couffins de Ramadhan distribués, selon les chiffres avancés par le ministre de la Solidarité. Réagissant à ce document, le Parti des travailleurs indique en premier lieu qu'il n'a été à aucun moment associé, ni de près ni de loin, à ce projet. D'ailleurs, le groupe parlementaire du parti dirigé par Louisa Hanoune est contre cette augmentation qu'il juge scandaleuse, comme il s'est interrogé sur «les bases et les normes retenues pour procéder à une telle augmentation». Certes, les députés du Parti des travailleurs n'ont pas d'autre choix que d'accepter les nouvelles augmentations (virement CCP), mais il n'en demeure pas moins que la position politique prise à l'encontre de cette ordonnance leur préserve tout leur crédit. Selon le communiqué de ce groupe parlementaire, l'augmentation est de 300%. L'indice de calcul du salaire passe de 5 438 à 15 505. En plus clair, le salaire du député équivaudra à 30 fois le SNMG. Les rédacteurs du communiqué estiment que «cette augmentation sans précédent constitue une provocation à l'encontre de la majorité de la population. En votant cette ordonnance discrédite plus cette assemblée issue d'un scrutin marqué par un taux d'abstention de 65%. Outré, le groupe parlementaire du PT ne s'explique pas que l'Assemblée ait pu s'accorder un salaire mirobolant au moment où elle a rejeté l'augmentation du SNMG à 25 000 DA, selon les estimations de l'UGTA à l'époque et qui ne représentent que 7% des «nouveaux salaires des députés». Cette même Assemblée, indique encore le communiqué, a rejeté l'institution du revenu minimum d'insertion (RMI) pour les primo demandeurs d'emploi et l'augmentation des indemnités des handicapés. Selon le document de ce parti, cette augmentation intervient «au moment où le pouvoir d'achat de l'écrasante majorité du peuple algérien est laminé». Enfin, le groupe parlementaire du PT estime que le mandat de député est politique et non pas une fonction. Et le PT d'appeler de nouveau à une Assemblée constituante dans laquelle les députés seraient révocables. Pour sa part, le RCD a estimé que cette augmentation n'est en rien une priorité. Les choses sont inversées. «Le problème du parlementaire réside non pas dans la réévaluation du point indiciaire, et donc de son salaire, mais dans l'absence de statut. Les trois missions génériques du parlementaire –législateur, contrôleur et médiateur entre la société et les institutions– ne sont pas encore définies. L'urgence est plutôt à ce niveau.» «Telle que les choses sont en train de se dérouler, le fossé risque de se creuser davantage entre gouvernants et gouvernés alors que le pays n'est pas encore guéri de plusieurs maux, dont l'absence de démocratie en est le principal moteur.» Dans son communiqué, le RCD s'engage à proposer prochainement un projet de loi relatif au statut du député, avec tout ce que cela implique comme fonction de contrôle et élargissement des prérogatives. Rappelons que ces deux partis ont rejeté les deux ordonnances présentées par M. Khoudri. Il faut rappeler également que les locataires de l'APN, qui se sont frotté les mains après l'adoption de l'augmentation de leur salaire, ne se sont pas empressés de réclamer que la déclaration de patrimoine à laquelle ils sont assujettis par la loi de février 2006 soit publiée au Journal officiel. Cela fait déjà plus d'une année que cela devait être fait.