L'horrible tragédie qui a frappé cet été la famille Naïmi incombe, sans l'ombre d'un doute, au conducteur du jet-ski qui, par son inconscience criminelle, a provoqué la mort de la petite Kheira. A 26 ans, on est pleinement responsable de ses actes et de leurs répercussions sur la société et, lorsqu'on pilote un engin à moteur qui exige un permis de conduire, on sait que l'on doit être vigilant, respecter les autres usagers et, surtout, se tenir à distance des baigneurs. Trois règles que le jeune homme n'a pas respectées ; ce qui lui a valu d'être condamné à la prison ferme, d'avoir compromis son avenir et, par-dessus tout, d'avoir provoqué un terrible drame qui va probablement avoir de graves conséquences sur la famille de la victime. Agée de dix ans et fraîchement lauréate de l'examen de cinquième année primaire, Kheira, on l'imagine aisément, devait illuminer la vie de ceux qui l'entouraient. Qu'elle disparaisse en de telles circonstances et aussi brutalement est un événement que les siens, ses parents en particulier, ne pourront pas surmonter de sitôt ; il leur faudra vraisemblablement du temps et du courage pour réapprendre à vivre et accepter de regarder vers l'avenir sans cette sensation de déchirement que provoque la disparition brutale et violente de l'être chéri. C'est dire que l'inconscience et le mépris des règles peuvent avoir des effets qui vont au-delà de l'enterrement, au-delà du procès… Pourtant, toute cette affaire ne peut pas s'arrêter à la seule condamnation du chauffard du jet-ski et la responsabilité ne doit pas lui incomber à lui seul. Le phénomène «jet-ski» n'est pas nouveau, le décès de Kheira n'est pas un cas isolé et il y a longtemps que les jet-skis ont commencé à semer la mort et à interpeller les consciences. On se souvient qu'en 2005 sur la grève très fréquentée des Andalouses, un jeune homme de 25 ans avait percuté deux fillettes de 5 et 7 ans, tuant la plus jeune et blessant grièvement l'autre. D'autres cas similaires ou de moindre gravité s'étaient produits avant et après et, pourtant, les estivants continuent, aujourd'hui encore, de se plaindre de ces jeunes écervelés - et criminels potentiels - qui slaloment entre les baigneurs, leurs engins poussés pleins gaz, sans se soucier des dangers qu'ils font courir à leurs semblables et, de surcroît, sans être inquiétés par les services chargés de la sécurité et de la protection des estivants. Ici, deux ou trois questions se posent d'elles-mêmes : pourquoi ces jet-skieurs sont-ils à ce point sûrs de leur impunité qu'ils continuent de narguer la loi et les concitoyens ? Comment se fait-il que les gendarmes, les surveillants des plages, la Protection civile ou toute personne rémunérée pour assurer la sécurité des baigneurs n'interviennent-ils pas lorsque ces bolides pénètrent dans la zone à risque, soit à moins de 100 mètres du rivage ? Enfin, cette incapacité ou incompétence à faire respecter la loi, tellement assimilable à non-assistance à personne en danger, ne doit-elle pas, un jour, être enfin sanctionnée ? Si les pilotes de jet-ski sont indéniablement coupables des accidents qu'ils peuvent provoquer, les pouvoirs publics le sont, eux aussi, et ne peuvent pas rejeter la responsabilité sur tout le reste, particulièrement du fléchissement dans l'application de la loi qui a pour effet la généralisation du sentiment d'impunité chez les uns et celui de l'insécurité et de la peur chez les autres. Jusqu'à ce que les pouvoirs publics reconnaissent leur part de responsabilité dans le délitement de la société, les engins de la mort, qu'ils soient en mer ou sur la route, continueront de ravir des vies et de semer la terreur. S. O. A.