Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Au souk de la ville du Khroub, tout se vend et tout s'achète. L'im-mense espace rocailleux, sableux et poussiéreux constitue la mesure étalon par excellence de toutes les saletés réunies. Pourtant, même si initialement il avait pour vocation de ne fonctionner qu'un jour par semaine (le vendredi), il ouvre ses portes depuis quelques années la nuit à partir de mardi et ce, jusqu'à l'appel du muezzin le vendredi. Fonctionner quatre jours durant induit forcément une extension d'activité qui ne se limitera alors plus au seul commerce des animaux, la fripe et les cosmétiques. Une fois installés, les commerçants ponctuels ont un besoin réel de se sustenter.D'où l'installation, très improvisée et sous les tentes, de fast-foods balayés sans discontinuer par des vents drainant toutes sortes de poussières sur les rondeaux dans lesquels cuisent les pois chiches, la viande hachée exposée au soleil est assez souvent fleurée par le museau de chats ou de chiens qui rôdent et pour cause, les nombreuses mains qui manipulent le pain et enfin tous ces bols dans lesquels plongent leurs cuillères les consommateurs et les verres qui passent de bouche en bouche sans être pour autant rincés. Et si tant est qu'ils le soient, l'eau n'est pas renouvelée de la journée, et de toutes les manières est-il besoin qu'elle le soit dans la mesure où les objets en question n'y sont que furtivement plongés ? Il en va de même pour les confiseries, notamment le nougat, les cacahuètes sucrées et également exposés au vent qui rend la vision impossible tant il soulève tout derrière lui pour déposer pleins de particules et autres déchets sur la viande de chameau, d'agneau, de dinde, veau. L'origine de ces viandes est plus que douteuse puisque ramenées en l'état et exposées sur des étals recouverts de toile en nylon et sur lesquelles les mouches s'en donnent à cœur joie.Bien entendu, les gens achètent compte tenu des prix défiant toute concurrence et les commerçants sont bien obligés de déjeuner et dîner sur place pour ne pas s'éloigner de leurs étals de crainte d'être volés.Dans le même souk, un autre commerce inquiétant. Celui du poulet vivant et disponible au choix du client. Mais le même client qui peut parfois prendre deux, voire trois poulets préfère les récupérer égorgés et «travaillés ». Autrement dit, vidés.Les conditions dans lesquelles est égorgé le volatile se passent de commentaire, et il en est ainsi du processus qui va de l'éviscération finale jusqu'à sa mise dans une bouteille en plastique dans laquelle il est plongé jusqu'aux derniers soubresauts avant de finir dans une eau bouillonnante pour être déplumé. Tous les instruments utilisés sont recouverts d'une épaisse couche de sang coagulé. Pourtant, c'est pour cette viande réputée «fraîche» que les clients se rendent au souk et ils continueront de faire l'essentiel de leur marché sous un soleil de plomb avec un ou des poulets dans un sachet en nylon devenu entre-temps un véritable bouillon de culture compte tenu de l'extrême chaleur (40° et plus) qu'il fait jusqu'à la mi-journée.Jamais, ne serait-ce qu'une seule fois, les agents de la DCP et/ou du bureau d'hygiène communal n'ont organisé une descente sur les lieux pour s'enquérir de l'origine de tous les produits à large consommation vendus à ciel ouvert, de la dangerosité de viandes souvent noircies à force d'exposition au soleil, recouvertes de mouches que le vendeur s'efforce, de temps à autre, à dissuader d'un coup d'éventail. Néanmoins, la plus grande responsabilité incombe en priorité aux consommateurs qui demeurent les seuls à pouvoir dire leur propre volonté. Jusqu'à maintenant, ils font preuve de soumission, de docilité et surtout de propension à choisir la solution de facilité.Dans tout cela, où sont passées les associations de protection des consommateurs ? Leurs responsables attendent les prochaines élections et les campagnes électorales, cet autre souk, pour répondre «présents».