Le printemps arabe est diversement évalué, différemment conceptualisé. Il y a ceux qui définissent ce qui s'y passe comme révolution. Il y a ceux qui assimilent cela à autre chose qu'à une révolution. C'est le schéma qui se dégage du débat organisé hier par le Centre de recherche et des études stratégiques «Amel El Ouma». Animé par deux chercheurs dudit centre, le débat n'a pas manqué de contradictions et de divergences. Ce qui l'a rendu encore plus passionnant et instructif. Le docteur Ahmed Adhimi a d'emblée choisi son camp. Pour lui, ce que connait le monde arabe depuis le mois de janvier dernier ne peut être qualifié de révolution. Il trouve plus complexe ces mouvements. «Je ne trouve pas une appellation à cela. Est-ce une révolution ? Est-ce une désobéissance ? Est-ce une effervescence populaire ? Est-ce l'âge des foules arabes», s'est-il interrogé en guise d'introduction. M. Adhimi défend l'idée selon laquelle la Tunisie et l'Egypte n'ont pas- encore- fait la révolution. Le conférencier estime qu'une révolution repose sur un programme, qu'elle génère un changement global et est menée par une direction. Or, selon lui, ces deux pays sont encore au stade de l'Intifadha. Le constat de ce dernier demeure cependant linéaire. L'Intifadha des Tunisiens et des Egyptiens est évolutive. Elle peut devenir une révolution. Quand ? «Quand les Tunisiens et les Egyptiens signent la chute des anciens régimes et signent l'arrivée de nouvelles directions au commande», explique le conférencier. Ce dernier a exprimé des craintes quant à la trajectoire que prendraient les événements dans ces deux pays. Il met en garde, à cet effet, sur le risque de voir le printemps arabe s'«hivernaliser». Le Dr Adhimi justifie ses craintes par deux facteurs. Premier facteur évoqué : le maintien du régime même après la fuite de Benali. Second facteur : la désignation d'un octogénaire, Caïd Essebsi (83ans) et figure des années 60 et 70, pour mener la transition. Pour M. Adhimi, une personne ayant servi la dictature ne peut pas gérer une révolution. Concernant le cas égyptien, le conférencier note que le système est toujours en place et que la nouvelle génération de militaires, formée aux USA, ne facilitera pas la réalisation les aspirations des populations. il constate ainsi que l'Intifadha ne se porte pas bien à Tunis comme au Caire. A propos de l'Algérie, il propose d'initier le changement avant de le subir. Quel est le changement attendu ? «Le changement attendu est celui des hommes et pas celui des textes», tranche t-il A l'opposé de ce dernier, le directeur du centre, M. Hariti, estime que le monde arabe vit en 2011 de véritables révolutions, rendues possibles par divers facteurs régionaux et internationaux. Au niveau local, M Hariti fera remarquer que les populations arabes se sont rendues compte du fait que «les Etats nations ont été bâtis sur le modèle du colonialisme». Ce qui a poussé les peuples à réclamer ses droits, sa citoyenneté et sa part dans la prise de décision. L'intervenant se dit par ailleurs optimiste quant à l'issue des révolutions tunisienne et égyptienne qui ont fait chuter le mur de la peur. M. Hariti note que, à travers les révolutions des Tunisiens et des Egyptiens, «le changement sans la touche de l'étranger est possible». Il dira néanmoins que «la construction d'un nouvel système est plus dur que le renversement d'un régime». Et d'ajouter que «la réalisation des objectifs de la révolution est tributaire de l'évolution de l'économie du pays». Autre bienfait du printemps arabe : les révolutions tunisienne et égyptienne ont imposé à l'armée une position de neutralité. Des intervenants ont mis en avant le risque d'agression étrangère qui guette des pays arabes dont l'Algérie. Certains sont convaincus de l'existence d'un agenda américain pour diviser des pays. M. Hariti n'admet pas cette thèse. Il estime que «la fragmentation naît souvent de l'autoritarisme des régimes». A. Y.