De notre envoyé spécial à Tlemcen Samir Azzoug Un public nombreux a investi les gradins du théâtre de verdure d'El Koudia (Tlemcen) pour assister à la troisième soirée du festival international du Diwan. A 22h les places se faisaient rares et les familles ainsi que les jeunes amateurs affluaient toujours. Le spectacle valait la peine.L'entrée en scène de «Ouled El Hal», annonce la couleur. Par les tons chatoyants des tenues traditionnelles et les instruments ancestraux d'un art tout aussi ancestral (guembri, qraqeb et percussion), la fresque est mise en place. Les quatre artistes du groupe de la mythique cité des gnawas Essaouira, du Maroc, ressuscitent le temps d'une «hadra» à ciel ouvert, les âmes des ancêtres esclaves d'Afrique Noire élevés dans la culture des chasseurs, remixée (à l'époque déjà) avec celle maghrébine. L'envoutement commence dès les premiers tons de musique. La danse énergique et voltigeuse des Ouleds Al Hal surprend, ajoute au charme d'un art qui ne souffre pas de modernisation. Ouled Al Hal, c'est du pur Gnawi. Petit à petit, doucement, lentement ils attirent l'assistance dans leur univers. Inconsciemment, presque sans le vouloir, les parties articulées des corps répondent au rythme ensorceleur du Guembri soutenu par le qraqeb et la percussion endiablée. «Je ne peux me retenir de danser. C'est affolant» plaisante un spectateur venu d'outre-mer, un émigré qui dit n'avoir jamais entendu ce genre de musique. Le public de Tlemcen si calme et discipliné est presque happé par cette ambiance. Les bras se lèvent, puis les corps. La danse emplit l'espace. Un homme d'un certain âge, habillé en qamis immaculé et barbe blanche, entre en transe attirant les regards amusés des spectateurs. Double spectacle, sur scène par l'énergie débordante des sons issus des instruments, les danses virevoltantes des artistes et la réponse tout en symbiose du public. Le charme a pris. La Hadra a pris. Une étoile filante traverse le ciel et des nuages blancs, bas passent au dessus des têtes. Mystique. Magique. La nature répond aux gnawi ! Aux environs de l'heure où les charmes se rompent, où Cendrillon perdit sa chaussure, minuit, Ouled Al Hal se retire de la scène face à un public dont le passage à l'état second, la transe, ne fut pas complètement assouvi.Monte alors sur scène le deuxième groupe. Originaire de Casa Blanca, Maalam (grade de maitre dans la hiérarchie gnawi) Hassan Boussou. De réputation internationale, initié aux rythmes ancestraux et aux instruments modernes. Une espèce de World musique issue du brassage de culture africain. Même si l'artiste n'est pas a présenté pour les amateurs de l'art gnawi, pour les spectateurs tlémcéniens la mayonnaise n'a pas pris. L'heure tardive, le site du théâtre de verdure un peu loin du centre-ville de Tlemcen et la fin du week-end, sont peut-être les raisons qui ont fait que les gradins se sont pratiquement vidés de leurs occupants. Les rythmes très prenant et la voix très puissante du chanteur ont quand même réussi à fixer sur place les plus téméraires et surtout les vacanciers.