En Algérie, même en football, la primauté est militaire. Les premiers lauriers du sport algérien en général et du ballon rond en particulier, sont militaires. Lorsque, pour la première fois dans l'histoire de l'Algérie indépendante, une sélection nationale de football accéda à une phase finale d'une compétition internationale, le pays le dut à ses militaires qui y parvinrent en Grèce, en 1969. 42 ans plus tard, c'est au tour d'une autre équipe nationale militaire, entraînée par le civil Abderrahmane Mehdaoui, d'être sur le toit de la planète en devenant le 43e champion du monde. En effet, c'est au Brésil, Mecque du football mondial, que les petits Fennecs militaires ont, autre symbole fort, vaincu l'Egypte (1 à 0), monstre sacré du foot militaire dont il a remporté 5 titres mondiaux. A Rio de Janeiro, les joueurs de Mehdaoui, menés par l'héroïque capitaine Berchiche Koceïla, le bien-prénommé, ont empêché les Egyptiens de remporter leur troisième titre mondial consécutif. Pharaoniques ! En gagnant contre une sélection renforcée par des professionnels du championnat d'Egypte, les Algériens, joueurs amateurs ou semi-professionnels, issus tous des différents championnats algériens, sont entrés dans le club fermé des nations qui ont remporté la Coupe du monde militaire depuis sa création en 1946. L'Algérie figure désormais dans le gotha du football mondial où sont inscrits notamment l'Italie (8 victoires), la Grèce (6), la France et l'Egypte (5 chacune), l'Irak (3), le Koweït (2), l'Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne et le Portugal. Dans le monde arabe, l'Algérie devient ainsi le 4e pays champion du monde et le premier à l'échelle maghrébine. Si le trophée gagné est celui d'un championnat du monde mineur, la performance des joueurs militaires algériens n'en est pas moins remarquable. Et elle l'est, à plus d'un titre. Les renards du désert en casquette militaire et en short, ont gagné tous leurs matchs qualificatifs et de poules. Et, fort symboliquement et de très belle manière, éliminé le Brésil en demi-finale en allant au bout de leurs forces après d'héroïques prolongations. Cette victoire couronne une excellente préparation menée dans la joie collective, la bonne humeur et la convivialité qui n'ont jamais été bridées par le sens de la discipline toute militaire. La rigueur légendaire des hommes en armes n'a pas empêché la joie de vivre ensemble, tous tendus vers un même objectif, celui de la victoire finale. Cette prouesse est également une belle revanche pour Abderrahmane Mehdaoui. Un coach incompris, mal-aimé et malheureux lorsqu'il entraîna la sélection nationale civile durant un semestre. Le fiasco de la CAN 1998 au Burkina Faso lui est resté en travers de la gorge même s'il n'était pas le seul responsable de la piteuse équipée de la sélection algérienne. Pitoyable et caricaturale, cette équipe de branquignoles avait été éliminée dès le premier tour après avoir perdu ses 3 matchs. L'homme qui a tant souffert, savoure aujourd'hui une victoire qu'il doit à ses qualités indéniables de technicien de valeur, mais aussi au talent insolent et immense d'une génération spontanée de joueurs de grande valeur. Des amateurs au comportement très professionnel. Des soldats du football qui ont fait la différence sur les valeurs de l'effort, de l'abnégation, du don de soi pour le collectif, de la disponibilité pour l'effort, du sacrifice et de la discipline sur le terrain et en dehors. Des qualités qui ont servi de socle blindé pour leur talent dont on a vu les manifestations techniques, physiques et tactiques sur les terrains brésiliens. Le capitaine Berchiche, le gardien héroïque Berrefane, le buteur final Aouedj et leurs coéquipiers qui furent de fraternels camarades, tels Belkeroui, Khellili, Bentaleb, Arefane, Chennah, Charouf, Amroune et bien d'autres djounoud méritants, ont fourni le contre-exemple sur les terrains brésiliens. C'est-à-dire, le bon exemple, le vrai, celui d'une équipe authentiquement algérienne, formée de joueurs du cru, modestes, désargentés, mais dotés d'un enthousiasme et d'une force de caractère qui ont fait que l'impossible footballistique ne fut pas cette fois-ci algérien. Tout à l'opposé de leurs homologues civils. En l'occurrence les actuels professionnels issus originellement de championnats européens et dont beaucoup, par l'attrait des pétrodollars appâtés, ont échoué dans des championnats de troisième zone dans quelques émirats du Golfe. Des joueurs embourgeoisés et empotés dont les prouesses techniques et les performances physiques s'affichent davantage sur les panneaux et dans les spots publicitaires. En donnant à l'Algérie son premier titre mondial de football, fusse-t-il militaire et peu médiatique, les joueurs de Mehdaoui ont mérité beaucoup du pays et gagné surtout son respect. Au même titre que leurs glorieux aînés de l'équipe du FLN de l'Algérie combattante. Au même titre que leurs devanciers civils qui ont dignement et fièrement représenté le football algérien lors des championnats du monde de 1982 et 1986. Et même si la médaille de vermeil qu'ils ont ramenée du Brésil n'a pas le brillant d'un championnat du monde de football civil, leur victoire signifie tout de même qu'Algérien ne rime pas avec rien. Et ce n'est pas rien de souligner que leur titre contribue à propager dans le pays une culture de la gagne et de la performance. Celle qui doit gouverner le pays, son administration et ses entreprises, notamment. Celle dont l'armée donne aujourd'hui l'exemple. N. K. Lire également en page 19