Même quand ils tentent d'enclencher, sous la pression de la rue, des initiatives d'ouverture, les régimes autoritaires sont souvent rattrapés par leur nature. C'est par ailleurs cette nature qui enlève toute crédibilité à de supposées intentions de démocratisation. Les Syriens qui dénoncent depuis plusieurs mois la dictature du régime Al Assad font face à des bulldozers et des chars de l'armée au moment où le gouvernement parle d'un projet de loi sur les élections générales. Un tel discours ne peut jamais trouver d'écoute quand des Syriens sont massacrés par dizaines, à l'image de ce qui s'est passé hier près de Damas avec l'assassinat d'au moins 11 personnes. Des opposants syriens décrient, pour des médias étrangers, une situation chaotique imposée par la folie du régime d'Al Assad. Il est ainsi indiqué que la ville de Kanaker a été attaquée par des bulldozers et des chars de l'armée. Il est ainsi loisible de constater que le régime syrien n'a pas cessé depuis le mois de mars de lâcher du lest. Mais en veillant sur la préservation de sa matrice essentielle : la répression et le tout contrôle. Cet entêtement à gérer de façon policière annule donc tout ce qui pourrait être pris pour des concessions du régime. La levée de l'état d'urgence, l'amnistie générale, l'ouverture d'un dialogue n'ont aucun effet sur la vie des Syriens si le climat de terreur est toujours de mise. Le multipartisme, autorisé depuis quelques jours, ne peut pas faire sens s'il n'y a pas de conditions favorables pour l'exercice politique. Voulant manifestement gagner du temps en misant sur l'usure des populations, le régime d'Al Assad offre aux citoyens syriens ce qu'il aurait pu faire dès le début de la contestation. Il faut rappeler, à ce titre, que le peuple syrien est sorti dans la rue pour réclamer des réformes politiques. Mais le pouvoir de Damas, aveuglé par sa survie, uniquement sa survie, a vu l'ennemi partout. Il n'a pas ainsi vu dans les manifestations l'expression d'une aspiration des Syriens à la liberté et à la dignité. Il a préféré voir la main du complot étranger. Et ce n'est qu'après avoir déclaré la guerre contre son peuple que le pouvoir d'Al Assad propose un vague projet de loi sur les élections générales. Comment sera accueilli ce projet de «réforme» conçu par le pouvoir en place et qui sera également approuvé par les institutions que les syriens récusent ? Le régime d'Al Assad refuse d'admettre qu'entre lui et les Syriens, il n'y a plus de place pour le texte. En recourant aux chars et aux bulldozers, il vient de confirmer davantage sa tentation de régner contre le peuple quitte à mettre en péril l'avenir du pays. D'où la nullité de ce qu'il propose en termes d'ouverture par les textes. Car la vraie nature du régime syrien est celle que véhiculent ces chars et bulldozers envoyés contre les populations. A. Y.