L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et l'Agence internationale de l'énergie (AIE) divergent sur la manière dont il faut réguler le marché pétrolier et en apprécier l'évolution, en ces temps d'instabilité de crise. Normal, les deux institutions n'ont pas les mêmes intérêts à défendre. Ce pour quoi, d'ailleurs, les chiffres qu'elles fournissent sur les perspectives de la demande en 2012 sont différents. Dans un rapport publié récemment, l'Opep prévoit une baisse de la demande mondiale de pétrole brut, indiquant que les raisons principales du ralentissement de la demande pendant 2011 et 2012 sont liées aux nombreuses incertitudes qui pèsent sur la reprise économique mondiale. Et comme cela ne suffisait pas, la dette américaine s'invite dans les débats sur le pétrole. Les divergences entre démocrates et républicains, qui font l'actualité internationale, font vaciller les marchés. Pour un temps ? Tout dépend de la suite à donner à cette question de la dette. Si la mésentente persiste, il est fort probable que cela perturbera les marchés dans les semaines à venir, à moins que les pays émergents (Inde, Chine…) arrivent à stimuler davantage la demande pétrolière mondiale, parce que la consommation demeure encore fragilitée en Europe et aux Etats-Unis. Par les chiffres, la demande mondiale en pétrole devrait reculer à 1,3 million de barils par jour (mbj) en 2012. La demande journalière en pétrole atteindra les 88,18 mbj cette année, et 89,5 mbj l'année prochaine; ce sont des données statistiques avancées par l'Opep. Elle n'agrée cependant pas l'AIE, bien évidemment. L'agence qui défend les intérêts des pays consommateurs évoque, elle, une hausse mondiale de la demande de pétrole en 2012. Celle-ci, selon l'AIE, va augmenter de 1,5 mbj en 2012 contre 1,2 mbj cette année. Cette augmentation devrait provenir entièrement des pays émergents. Un léger ralentissement est cependant attendu dans les pays développés (-0,3% par rapport à 2011) en raison de la situation financière morose des pays industrialisés. Mais l'AIE table sur une hausse de 200 000 bpj, ce qui entraînerait une augmentation de 1,4% par rapport à 2010, soit 89,5 mbj. Il y aura ainsi des incertitudes sur les marchés pétroliers en 2012. Elles tiennent davantage du rôle à jouer par les pays émergents dans la demande mondiale. Mais pas seulement. Les courbes des prix de pétrole sont à prendre également en considération. En tout cas, pour l'Opep du moins, la consommation dans les pays qui font du chiffre en termes de croissance va ralentir. Cette année, la demande chinoise en pétrole brut a connu une augmentation de quelque 7%, mais ce chiffre pourrait redescendre à 5,4% l'année prochaine. Dans le reste de l'Asie, la demande pourrait augmenter de plus de 2%. L'Opep escompte également une croissance en Amérique latine et au Moyen-Orient. Même son de cloche au niveau de l'AIE pour qui la croissance de la demande viendra des pays émergents. Les divergences entre les deux institutions traduisent en fait l'absence de dialogue entre pays exportateurs et pays consommateurs, à l'échelle mondiale. Les prévisions de l'AIE se fondent sur les dernières perspectives du Fonds monétaire international (FMI) qui table sur une croissance mondiale de 4,4% en 2012, contre 4,2% en 2011. La demande des pays de l'OCDE s'était déjà contractée de 1,9% en mai dernier. Face à ces perspectives, l'AIE avait décidé, le 23 juin dernier, de puiser soixante millions de barils de pétrole dans les stocks stratégiques pour compenser l'arrêt des exportations libyennes. Cela avait permis de ramener artificiellement le baril de brent à peu près au niveau du prix qu'ils avaient avant cette intervention massive. Cependant, les prévisions de l'AIE se basent sur une valeur de prix en 2012 d'environ 108 dollars le baril. Hier, le brent évoluait autour de 117 dollars. Si les prix du pétrole augmentaient davantage que prévu par l'AIE, la demande mondiale pourrait toutefois s'avérer plus faible. Les pays consommateurs estiment que les prix du pétrole restent à des niveaux élevés. La semaine dernière, l'Opep avait évoqué les raisons qui en sont à l'origine. Pour elle, c'est la spéculation qui alimente l'envolée des prix. A priori, l'analyse se tient mais l'AIE – tout comme d'autres analystes – n'y croit pas trop, estimant que même sans spéculation les prix sont déjà très élevés. Jugeant les cours élevés, le bureau exécutif de l'AIE a exhorté les pays producteurs à agir rapidement pour permettre d'éviter les conséquences négatives que pourrait avoir sur l'économie mondiale un nouveau resserrement du marché et encourage tout engagement de hausse de l'offre. De leur côté, les pays de l'Opep ont tout intérêt à maintenir stables les marchés. Ils n'allaient certainement pas augmenter leurs productions. Ils n'en voient pas l'utilité, car il y a suffisamment de pétrole sur les marchés. Y. S. Gazprom dans le capital de l'allemand RWE ? Depuis la décision du gouvernement fédéral d'abandonner le nucléaire dans les dix prochaines années, l'Allemagne a besoin de compenser les 22% de la consommation électrique allemande issus de la production nucléaire. Berlin devrait probablement augmenter les volumes de gaz importés de Russie et resserrer ses liens énergétiques avec Moscou. Le 14 juillet dernier, le numéro deux allemand de l'énergie, RWE, et le géant russe Gazprom ont signé une lettre d'intention affirmant leur volonté de créer «une société commune où seraient regroupées les centrales (thermiques) existantes ou à construire en Allemagne, Grande-Bretagne et dans les pays du Benelux». Fragilisé par la décision allemande d'abandonner le nucléaire, qui le prive d'une source d'énergie peu coûteuse, RWE pourrait laisser entrer Gazprom dans son capital. Cependant, la France ou le Royaume-Uni verraient d'un mauvais œil cette alliance. A court et moyen terme, l'Allemagne va continuer à augmenter ses importations de gaz russe, mais son but reste d'investir massivement dans les énergies renouvelables. Avec 31,8 milliards d'euros d'exportations, la Russie est déjà le premier partenaire économique de l'Allemagne. R. E.