Elle s'invite à l'ONU même si le calendrier de l'assemblée est déjà chargé. La crise financière qui secoue le monde ces derniers jours aura sa part des débats à New York. Elle pourra ainsi voler la vedette à l'Afrique qui a tant attendu de tels rendez-vous pour faire entendre sa voix à un niveau plus haut. Les pays riches ont été, ainsi, appelés lundi dernier à l'ONU à honorer la promesse faite en 2005 de doubler leur aide à l'Afrique. Mais les maîtres du monde ont d'autres chats à fouetter. Ils auront donc à consacrer un plus de leur temps pour débattre, examiner et dénicher les responsables de ce cataclysme financier et les moyens, si ce n'est de s'en prémunir, de réduire tout au moins les dégâts. Le président français a donné le ton. Il a réclamé des sanctions contre les responsables du «désastre» qui frappe les marchés financiers. «Qui est responsable du désastre ? Que ceux qui sont responsables soient sanctionnés et rendent des comptes et que nous, les chefs d'Etat, assumions nos responsabilités», a-t-il dit, sans identifier ces «responsables». Nicolas Sarkozy semble chercher les coupables au moment où de l'autre côté de l'Atlantique les choses apparaissent tendues. Les principales Bourses asiatiques et européennes reculaient à nouveau en raison des doutes des investisseurs sur le plan de sauvetage des banques américaines. Ce plan qui fait l'objet de discussion au niveau du congrès américain prévoit de créer un fonds de quelque 700 milliards de dollars pour racheter les actifs dévalués des banques et leur permettre de «nettoyer» leurs bilans. Le président de la Banque centrale américaine (Fed) Ben Bernanke, intervenant hier devant la commission bancaire du Sénat américain, a estimé hier qu'un retard du Congrès à adopter la législation nécessaire au sauvetage des banques du pays aurait des «conséquences très sérieuses» pour l'économie et les marchés américains. «Le Congrès doit agir d'urgence pour stabiliser la situation et éviter ce qui autrement pourrait avoir de très sérieuses conséquences pour nos marchés financiers et notre économie», a ajouté M. Bernanke. Il a apporté son soutien au plan du Trésor de racheter jusqu'à 700 milliards de dollars d'actifs à risques détenus par les banques, selon le texte écrit de l'intervention que le patron de la Fed devait tenir un peu plus tard dans la journée devant les parlementaires américains. «Retirer ces actifs des bilans des institutions financières va contribuer à restaurer la confiance dans nos marchés financiers et permettre aux banques et à d'autres institutions de lever des capitaux et à accorder les crédits nécessaires pour soutenir la croissance économique», a-t-il dit.
«Le plan de sauvetage ne fera qu'éviter l'effondrement total du système financier mondial» Plusieurs responsables d'institutions financières de taille n'ont pas caché dans la foulée leur optimise après l'annonce de ce plan. Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn a ainsi salué hier les «mesures courageuses» prises par les Etats-Unis pour stabiliser le système financier mais a averti que des mesures au niveau mondial seront nécessaires pour sortir de la crise. «D'autres économies développées devraient aussi se préparer à adopter des plans d'urgence», a estimé M. Strauss-Kahn dans un éditorial publié dans le Financial Times. «Des ajustements fiscaux importants pourraient être rendus nécessaires» pour supporter les coûts d'une telle mesure, prévient-il. Les conséquences financières de ce plan font craindre pour la croissance américaine et font donc baisser le dollar. Le secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Angel Gurria, a estimé, pour sa part, que le plan américain contribuera «à rétablir le bon fonctionnement des marchés financiers et préservera l'emploi et l'activité économique». Le président américain George W. Bush, qui devait aussi intervenir hier devant l'assemblée générale de l'ONU, a prévenu les membres du Congrès réticents que «l'absence d'action aurait des conséquences importantes» pour l'économie américaine. Hier, il a déclaré qu'il était confiant quant à l'approbation par le Congrès du plan de sauvetage du système financier américain. Pour rappel, le gouvernement américain a entamé des négociations avec le Congrès pour l'approbation du plan de 700 milliards de dollars destiné à assainir Wall Street. La majorité démocrate du Congrès a indiqué espérer un vote rapide sur ce plan de renflouement sans précédent, même si les deux candidats à l'élection présidentielle ont, de leur côté, exprimé des réserves. En attendant l'issue des pourparlers au Congrès, les détenteurs d'actions asiatiques ont pris leurs bénéfices après les fortes hausses des dernières séances et se sont tournés vers les valeurs sûres comme l'or et le pétrole. Selon David Rosenberg, économiste en chef pour l'Amérique du Nord chez Merrill Lynch, le plan de sauvetage préparé par l'administration américaine ne soulagera que provisoirement les tourments actuels de l'économie. «Nous ne pensons pas que cela changera beaucoup la donne, à savoir que l'économie américaine est en récession et va probablement le rester», écrit-il dans une note intitulée «le capitalisme prend un congé sabbatique». «Au mieux [le plan de sauvetage] ne fait qu'éviter le pire des scénarios : l'effondrement total du système financier mondial et une profonde récession planétaire», poursuit-il, en notant que le coût du plan de renflouement revient pour les Etats-Unis «à se lancer dans une nouvelle guerre en Irak». Sur le marché des changes, le dollar souffrait, les intervenants s'attendant à une aggravation considérable de la dette publique américaine. «Les incertitudes concernant l'issue du plan de sauvetage du Trésor pour les marchés financiers américains font clairement pression sur le billet vert», a rapporté David Sing, cambiste chez Forex Capital Management à Singapour.
Ban Ki-moon plaide pour «un leadership mondial» Par ailleurs, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exhorté hier, dans son discours d'ouverture du débat annuel de l'Assemblée générale des Nations unies, les dirigeants du monde à bâtir un «leadership mondial» face aux nombreuses crises planétaires, en résistant à la tentation de l'égoïsme national. «Il y a un danger que les nations se replient sur elles-mêmes, plutôt que d'envisager un avenir partagé», a-t-il averti. Enumérant les défis auxquels fait face la planète -crises financière, énergétique, alimentaire, blocage des négociations commerciales multilatérales, réchauffement climatique-, M. Ban a affirmé que, aujourd'hui, le monde était également confronté à un manque de «leadership mondial». «Nous voyons l'émergence de nouveaux centres de pouvoir et de leadership en Asie, en Amérique latine et à travers le monde nouvellement développé», a-t-il ajouté. «Dans ce monde d'aujourd'hui, le défi est de plus en plus celui de la coopération plutôt que de la confrontation. Les nations ne peuvent plus protéger leurs intérêts ou promouvoir le bien-être de leurs peuples sans partenariat avec les autres», a insisté M. Ban. Loin des débats des décideurs, les principales Bourses européennes et de la zone Asie-Pacifique perdaient hier du terrain, les investisseurs commençant à avoir des doutes sur l'efficacité du plan de sauvetage du secteur financier américain. La Bourse parisienne, le CAC 40, cédait 2,05%, dans un marché qui s'interrogeait sur les modalités concrètes du plan de sauvetage des marchés financiers. La même tendance a été relevée à Francfort et à Londres. Les places financières asiatiques, elles aussi, étaient moroses, hier. La Bourse de Shanghai a perdu 1,56%, soit une chute de 58,16% depuis le début de l'année. Celle de Tokyo était fermée en raison d'un jour férié. S. B.