L'agence Standard and Poor's a dégradé vendredi dernier et pour la première fois dans l'histoire, la note de la dette des Etats-Unis. Standard and Poor's (S&P) a justifié sa décision par le plan, «insuffisant» à ses yeux, de rééquilibrage des finances publiques américaines, voté la semaine écoulée, pour permettre de relever le plafond de la dette, de plus de 14 500 milliards de dollars, du pays et lui éviter le défaut de paiement. L'agence a d'ailleurs averti qu'elle n'excluait pas une nouvelle dégradation à l'avenir. «Le plan de rééquilibrage du budget sur lequel le Congrès et l'Exécutif se sont récemment mis d'accord est insuffisant par rapport à ce qui, de notre point de vue, serait nécessaire pour stabiliser la dynamique à moyen terme de la dette publique», a expliqué S&P. Pour rappel, les Etats-Unis étaient notés «AAA» par Standard and Poor's depuis la création de cette agence en 1941. Ils conservent cette note, la meilleure possible, auprès des deux autres grandes agences, la doyenne Moody's (depuis 1917) et Fitch Ratings, mais tombent à «AA+» chez S&P. Evidemment, la Maison-Blanche a dénoncé l'appréciation de Standard and Poor's en affirmant qu'elle était «entachée d'une erreur de 2 000 milliards de dollars», selon un porte-parole du département du Trésor. Les répercussions de la perte par la première économie mondiale de son sceau d'excellence seront vérifiées demain à l'ouverture des marchés financiers à travers le monde. Néanmoins, la Bourse saoudienne est la première place boursière mondiale à réagir à la dégradation de la note souveraine américaine, en perdant hier 5,46%. A la clôture hier, l'indice vedette Tadawul All-shares (TASI) a terminé à 6 073,44 points et la baisse a concerné toutes les valeurs de l'indice. Le marché saoudien a réagi au coup de tonnerre créé par la décision de l'agence de notation financière Standard and Poor's (S&P). «La décision de S&P et les problèmes (de dette) en Europe (...) effrayent les investisseurs», a déclaré Abdulwahab Abou Dahesh, un analyste financier. Les actions des grandes banques ont perdu 4,7% (Al-Rajhi a cédé 5,2% et Samba Bank -6,98%). Celles des compagnies pétrochimiques ont reculé de 6,7%, comme les actions du groupe Sabic (-5,54%). Les valeurs liées aux groupes de construction ont également abandonné 6,4%, tout comme celles du secteur des télécommunications avec les actions de STC, qui ont lâché 2,56% et celles de Zain KSA (-6,15%). Etihad Etisalat a aussi perdu 5,9%. «Les actions saoudiennes ont réagi à deux facteurs : les fortes pertes enregistrées sur les marchés financiers (ces derniers jours, NDLR), la baisse des cours pétroliers et la décision de S&P sur la dette américaine», a indiqué l'économiste Mohammed al-Omran, dans un entretien à la chaîne de télévision Al-Arabiya. Le pire est à attendre demain lorsque les places boursières européennes, asiatiques et américaines ouvriront. Les créanciers et alliés des Etats-Unis ont réagi plutôt de façon politique, à l'image de la France, de la Corée du Sud et du Japon. Ce dernier, deuxième créancier de Washington, va maintenir sa «confiance envers les bons du Trésor américain», a assuré un responsable gouvernemental. La Corée du Sud a mis en garde contre toute réaction excessive. «Nous n'avons pas à être trop inquiets pour notre économie et pour les marchés financiers», a déclaré son vice-ministre des Finances, Yim Jong-Yong. Le ministre français de l'Economie, François Baroin, a affirmé que Paris conservait «une totale confiance dans la solidité de l'économie américaine et ses fondamentaux ainsi que dans la détermination du gouvernement américain à mettre en œuvre le plan» de réduction des déficits. «La note de Standard and Poor's n'est qu'un élément d'appréciation de la situation financière des Etats-Unis», a-t-il estimé en soulevant «la question d'une telle décision sur la base de chiffres (qui ne sont) pas consensuels». Pékin, premier créancier des Etats-Unis avec 1 160 milliards de dollars de bons du Trésor américain, «a désormais tous les droits d'exiger des Etats-Unis qu'ils s'attaquent à leur problème structurel de dette», a affirmé l'agence officielle Chine Nouvelle. «Les jours où l'oncle Sam (...) pouvait facilement dilapider des quantités infinies d'emprunts de l'étranger semblent comptés», a-t-elle commenté. «La situation est grave», a estimé le ministre des Finances indien, Pranab Mukherjee, selon lequem, toutefois, analyser les retombées «va prendre un certain temps». Pour Paul Krugman, prix Nobel de l'économie, «Ces gens ne sont certainement pas en position d'émettre un jugement», se souvenant des «AAA» distribués par S&P et ses concurrentes aux produits «toxiques» à l'origine du krach mondial de l'automne 2008.Avant même la publication de la note de S&P, à Wall Street, l'indice Dow Jones a signé sa pire semaine depuis mars 2009, cédant 5,75% en cinq jours. Le plongeon a été pire en Europe, où les trois principales places, Londres, Francfort et Paris ont toutes abandonné plus de 10%. Les dirigeants du G7 sont mobilisés et envisagent un sommet d'urgence. Marc Faber, expert financier, a estimé hier que le plan d'austérité américain ne s'attaquait pas aux problèmes fondamentaux de la dette aux Etats-Unis et que les niveaux de cette dette devraient continuer à s'élever. «Les Etats-Unis ne méritent donc plus leur notation AAA». Pour cet expert connu pour son pessimisme, l'accord entre Démocrates et Républicains sur le relèvement du plafond de la dette «n'est pas véritablement un accord». «Les deux partis se sont entendus d'une certaine manière pour plafonner la dette, mais tous les détails de l'opération manquent. Le problème fondamental de la réduction des dépenses n'est pas pris en compte puisque, jusqu'en 2013, aucun changement n'est prévu», a estimé M. Faber. «Les plus grandes dépenses de l'Etat que sont la sécurité sociale et les soins médicaux ne sont pas touchés. Par conséquent, la croissance de l'endettement des Etats-Unis subsiste», a-t-il noté. «Si l'économie ralentit comme je le pense, le pays enregistrera l'an prochain un déficit fiscal de 1 700 milliards de dollars. L'année suivante sera du même acabit et la dette gouvernementale, en proportion du produit intérieur brut, continuera de croître jusqu'au point où, comme en Grèce, l'évaluation de la solvabilité du pays sera révisée à la baisse», a-t-il ajouté. L'expert financier se montre également pessimiste par rapport au dollar dont il estime que «la valeur terminale est de zéro, car le gouvernement, le Trésor et la Réserve fédérale n'ont aucun intérêt à maintenir un dollar fort». A. G.