Dimanche matin, il avait déjà martelé qu'il ne se rendrait pas et sortirait «victorieux» de la bataille de Tripoli. Le Pentagone a annoncé hier que Kadhafi se trouvait toujours en Libye et les Occidentaux l'ont appelé à quitter le pouvoir pour éviter un ultime carnage, estimant que l'entrée des rebelles dans Tripoli avait scellé la fin du régime libyen. Les rebelles espèrent pour leur part le capturer «vivant», comme l'a déclaré leur chef, Mahmoud Jibril. Ce dernier a appelé ses combattants à s'abstenir de toute vengeance : «Aujourd'hui que nous célébrons la victoire, j'en appelle à votre conscience et à votre responsabilité : ne vous vengez pas, ne pillez pas, ne vous en prenez pas aux étrangers et respectez les prisonniers.» Et d'ajouter : «Je demande à tous mes frères libyens de prouver que nous sommes responsables en ce moment critique. Les yeux du monde vous regardent : soit vous gagnez la démocratie, soit vous choisissez la vengeance.» Face à la multiplication d'actes de vengeance, le chef du CNT a même menacé hier de démissionner. Ce qui est annonciateur d'une longue période d'instabilité en Libye surtout que le CNT est loin d'être homogène. L'assassinat du chef d'état-major de la rébellion Abdel Fattah Younès, victime de mésententes, de suspicion de traîtrise et de querelles internes, en est la preuve. A ce sujet, Washington et d'autres capitales se sont dites préoccupées par l'après-Kadhafi, avec l'ouverture d'une période de transition entourée d'incertitudes sur l'avenir démocratique de la Libye. Les Occidentaux affichent leurs «bonnes» intentions en déclarant chercher à éviter un chaos pour l'après-Kadhafi. Mais déjà, l'ère des règlements de compte a commencé. Or, un tel climat de purge pourrait pousser les Occidentaux à proposer de nouveau leur soutien. Allons-nous vers une «irakition» de la Libye. Hier, l'envoyé du CNT auprès de la Ligue arabe a affirmé que son pays n'allait pas autoriser l'installation de bases militaires de l'Otan, après la chute du colonel Kadhafi. «La Libye est une nation arabe et islamique avant l'Otan et après l'Otan», a affirmé au Caire l'envoyé spécial du CNT auprès de la Ligue arabe, Abdel Moneim al-Huweini, ajoutant : «Les Libyens se sont révoltés contre les bases occidentales en 1970 et il n'y aura pas de bases non libyennes.» Mais ce n'est que les déclarations d'un envoyé spécial... d'un conseil bien fragile. Aujourd'hui, après avoir tourné la page Kadhafi, les forces qui font tourner le monde se retournent vers Bachar al-Assad. Encore un régime arabe proche de la disparition.