Affaiblies par les frappes systématiques de l'Otan, les forces armées de Mouammar Kadhafi se retrouvent désormais nez à nez avec les rebelles aux portes de Tripoli, dont la banlieue a vécu des combats durant la nuit de samedi à dimanche. Dans le but d'obtenir la capitulation ou le départ de Mouammar Kadhafi, les rebelles ont lancé une opération à Tripoli, baptisée “opération Sirène”, visant à l'isoler. C'est Ahmed Jibril, le porte-parole de la rébellion, qui a donné l'information hier, en soulignant qu'elle a été déclenchée, samedi soir, dans la capitale libyenne, avec le soutien de l'Otan. “L'opération Sirène se déroule en coordination entre le CNT et les combattants rebelles dans et autour de Tripoli”, a-t-il notamment affirmé, avant d'ajouter : “L'Otan est également impliquée dans l'opération.” Ahmed Jibril a expliqué qu'“il était prévu qu'elle débute hier (samedi) soir et nous estimons qu'elle devrait durer encore plusieurs jours jusqu'à ce que Kadhafi soit assiégé”. L'objectif recherché, selon la même source, est “qu'il se rende, ou qu'il s'échappe de la ville” pour trouver refuge à l'étranger ou dans une autre ville du pays. Dans le même ordre d'idées, Jibril précisera qu'“au cas où il exprimerait son souhait de quitter la Libye, nous accueillerons positivement cette proposition et nous l'accepterons”. Des explosions et des échanges de tirs nourris ont retenti dans la nuit de samedi à dimanche à Tripoli, où des témoins ont fait état d'affrontements dans certains quartiers de la capitale libyenne vers laquelle les rebelles progressent. Des affrontements entre des insurgés et les pro-Kadhafi ont été signalés par des habitants en début de soirée dans plusieurs quartiers de la capitale, notamment dans la banlieue est, où des cris d'Allah Akbar étaient diffusés par les haut-parleurs des mosquées. Peu après 4h (2h GMT), quatre puissantes explosions ont secoué la ville, survolée par des avions. L'Otan bombarde quasi quotidiennement des objectifs à Tripoli. Ceci étant, Mouammar Kadhafi a persisté dans son entêtement dans un message sonore diffusé pendant la nuit par la télévision officielle, en exhortant ses partisans à “marcher par millions” pour “libérer les villes détruites”. Toujours aussi arrogant, il qualifiera d'“agents, de traîtres et de rats” ceux qui “profanent les mosquées”, avant d'ajouter qu'ils étaient “des agents du (président français Nicolas) Sarkozy qui veut prendre le pétrole libyen”. Le porte-parole de son gouvernement, Moussa Ibrahim, a simplement confirmé des “petits affrontements” avec de petits groupes dans des quartiers comme Tajoura, Soug Jomaâ ou Ben Achour. Selon lui, les forces loyalistes sont venues à bout des insurgés et les affrontements n'ont duré qu'une demi-heure. “La situation est désormais sous contrôle”, a-t-il affirmé dans des déclarations diffusées par la télévision officielle. Cet organe a diffusé quelques instants auparavant un discours de Seïf Al-Islam Kadhafi, un des fils du dirigeant libyen, dans lequel il a réaffirmé que le régime “n'abandonnerait pas la bataille”, tout en invitant la rébellion au dialogue. “Nous sommes sur notre terre et dans notre pays. Nous résisterons six mois, un an, deux ans... Et nous gagnerons”, a-t-il martelé devant des jeunes. Il y a lieu néanmoins de relever son appel au dialogue en direction de la rébellion lorsqu'il a ajouté : “Si vous voulez la paix, nous sommes prêts.” Pour rappel, le chef de la rébellion, Moustapha Abdeljalil, avait affirmé la veille que la fin du colonel Kadhafi était “très proche”. Il argumentera cette annonce en révélant : “Nous avons des contacts avec le premier cercle du colonel Kadhafi (...). Tout montre que la fin est très proche.” Quant à l'issue de ces évènements, il dira : “Je m'attends à une fin catastrophique pour lui et les siens. Je m'attends aussi à ce qu'il crée une situation (d'anarchie) dans Tripoli. J'espère que je me trompe.” En prévision des combats à venir dans la capitale, M. Abdeljalil a appelé ses habitants à “protéger la vie et les biens de la population”, mais également à “protéger les institutions et les biens publics”. À Benghazi, des milliers de personnes ont fêté pendant toute la nuit le “soulèvement” en cours à Tripoli contre le régime. “Les gens ont commencé à bouger de façon organisée hier soir, les cellules (rebelles) ont agi en coordination, tout a commencé au même moment, ce qui démontre que c'est une opération organisée”, a déclaré le porte-parole militaire du CNT, le colonel Ahmed Omar Bani. “Les graines de la révolte ont enfin commencé à éclore dans Tripoli, la barrière de la terreur est tombée, c'est le temps du refus et de la parole dans tout Tripoli”, s'est félicité le colonel Bani. À signaler les déclarations faites hier par l'ancien numéro deux du régime, Abdessalem Jalloud, qui a fui Tripoli vendredi. Il a appelé la tribu du colonel Mouammar Kadhafi à renier ce “tyran”, dans une déclaration diffusée par la chaîne de télévision Al-Jazeera. “Vous êtes une tribu honorable (...). Vous devez préserver votre histoire et votre honneur (...). Reniez ce tyran car il va partir et vous aurez à supporter son héritage”, a lancé Jalloud à l'adresse de la tribu des Guedadfa. “L'étau s'est resserré autour de lui. S'il se trouve à Tripoli, il lui sera difficile de s'en sortir car toutes les routes sont sous le contrôle des révolutionnaires”, a-t-il indiqué, tout en présentant au passage Mouammar Kadhafi comme un personnage au tempérament “changeant et malade”.