Photo : S. Zoheïr Par Younès Djama Dans le feu des révoltes qui avaient pris naissance en Tunisie et en Egypte, et qui ont débouché sur le départ peu glorieux des deux ex dirigeants Zine El Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a annoncé, dans un discours prononcé à la nation le 15 avril 2011, à l'occasion du 12e anniversaire de son accession à la magistrature suprême, une batterie de réformes qu'il s'est promis de soumettre à un débat incluant la classe politique, les associations et les personnalités publiques. Il est notamment question, dans les réformes annoncées par le chef de l'Etat, de la consécration de la citoyenneté non seulement comme source de toute légitimité mais surtout comme finalité de toute action économique, sociale, politique et culturelle. Les partis politiques se sont exprimés au lendemain de cette annonce et chacun y est allé de son opinion. Le Rassemblement national démocratique (RND), a estimé que les réformes annoncées par le président Bouteflika n'étaient pas liées aux événements en cours dans certains pays arabes, encore moins à la révolte du début du mois de janvier passé, qui avait suivi la hausse des prix de l'huile et du sucre. Mais, plutôt, qu'elles découlaient d'un processus permanent. «Le pays a besoin constamment de se développer», considère-t- il, ajoutant que «les réformes, l'ouverture des médias et la révision de la loi électorale concernent tout le monde, y compris les partis de l'opposition». Il a rappelé que la révision «profonde» de la Constitution avait été annoncée par le président de la République à l'ouverture de l'année judiciaire de 2008. Le secrétaire général du RND a estimé que son parti ne pouvait pas s'exprimer sur cette question, le premier magistrat du pays n'ayant pas encore dévoilé le contenu de cette révision. M. Ouyahia s'est néanmoins dit opposé à la proposition d'une révision mettant en place un régime parlementaire. Le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Abdelaziz Belkhadem, a plaidé , de son coté, pour des réformes politiques devant mener, à travers une révision constitutionnelle, à un régime présidentiel «amélioré», tout en se disant favorable à des réformes politiques à l'intérieur des institutions conduites par le président Bouteflika. Il considère que le système constitutionnel en vigueur n'est «ni présidentiel ni parlementaire» d'où, a-t-il dit, la nécessité de revoir la loi fondamentale pour «sortir de cette confusion» et instaurer un système qui «consacre la transparence, le contrôle et la participation la plus large». Les réformes doivent commencer, selon lui, par un bouquet de révisions dans le dispositif juridique, à commencer par la loi électorale, avec la participation de l'ensemble des partis politiques agréés, puis la loi sur les partis politiques, la loi sur les associations, et le code de l'information. La «révision» du code de l'information doit consacrer et renforcer la liberté de la presse, estime le responsable du FLN, affirmant que le pays allait «dans le sens d'une plus grande ouverture» des médias. Concernant l'ouverture de l'audiovisuel, il s'est dit convaincu que l'Algérie y parviendrait «tôt ou tard» mais «plus tard que tôt» car, a-t-il expliqué, «la relation dialectique existant entre le pouvoir, les lobbies, l'argent et l'information est susceptible d'entraîner le pays dans des méandres dont il peut se passer.» Tout en saluant les réformes de M. Bouteflika, le président du Mouvement pour la société de la paix (MSP) a toutefois accusé certains cercles, au sein des institutions, d'entraver le cours des réformes. Du coté de l'opposition, hormis le Parti des travailleurs (PT), les autres partis à l'instar du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et du Front des forces socialistes (FFS) ont décliné l'invitation qui leur avait été faite par la commission Bensalah chargée par le président Bouteflika de conduire les consultations. Tout en plaidant en faveur d'une rupture pacifique avec le système actuel, Louisa Hanoune, SG du PT, a appelé à la révision d'abord de la Constitution avant d'aboutir à la révision des lois. Plus sceptique, Said Sadi président du RCD, estime que la démarche du chef de l'Etat vise à maintenir le statu quo, ce qui est, selon lui, le contraire du changement. Il ajoute que «le pouvoir n'a ni la volonté ni la capacité de démocratiser le pays». L'issue salutaire pour le pays serait, d'après M. Sadi, de l'engager dans une phase de transition démocratique sous l'autorité d'«une instance consensuelle comme cela s'est fait partout dans les pays qui sont sortis pacifiquement de systèmes autoritaires». Le FFS, par la voix de son premier secrétaire national, Karim Tabbou, a refusé catégoriquement de prendre part à la démarche de réformes politiques proposée par Abdelaziz Bouteflika, exigeant des actes concrets vers le changement «afin de rétablir la confiance dans le pouvoir et dans l'Etat, et non pas du bricolage». Tout comme Said Sadi, Karim Tabbou estime qu'«il n'y a aujourd'hui aucune volonté de changer, ni dans les actes, ni dans les discours, ni dans les orientations, et la violence contre les manifestants est suffisante pour comprendre cet état de chose.»