Photo : S. Zoheïr Par Hassan Gherab Il est des moments dans la vie qui sont à marquer d'une croix. La soirée de mercredi dernier en fut un. La kheïma de solidarité du quotidien la Tribune accueillait non pas un ou deux anciens joueurs à honorer comme d'habitude, mais de véritables héros, comme ceux dont on parle dans les livres d'histoires, ailleurs. Car, nos héros à nous n'ont pas eu, eux, la place qu'ils méritent dans notre histoire ni même dans notre mémoire collective. Et c'est pour ça que la Tribune a décidé, ce soir là, de rendre hommage à ces joueurs pas comme les autres, plutôt plus que les autres, membres encore vivants de l'équipe nationale de football du FLN. Comment ne pas honorer et glorifier des hommes qui ont décidé de quitter des clubs où ils évoluaient en stars, voire, pour certains d'entre eux, de renoncer à des carrières de footballeurs professionnels, pour assumer la mission que le Front de libération nationale (FLN), engagé dans la lutte contre le colonisateur français, leur a confié ? C'est ainsi que sera constituée l'équipe qui ira disputer des matchs à l'étranger avec pour premier objectif non pas de remporter la rencontre mais faire connaître la révolution algérienne. Les footballeurs d'hier sont devenus des militants engagés. Ils n'ont pas pour autant perdu leur talent et leur combativité sur le terrain. C'étaient leurs armes qu'ils avaient mises au service du pays, qui, une fois l'indépendance acquise, les a peu à peu oubliés. L'action de la Tribune visait justement à épousseter la poussière du temps qui s'est déposée sur les noms augustes de ces joueurs et déchirer le voile de l'oubli qui a éclipsé leurs visages et leur histoire. Et le geste sera apprécié à sa juste valeur par Mohamed Soukane, Rachid Mustapha Mekhloufi, Saïd Amara, Abdelkrim Kerroum, Abdelhamid Zouba et Amar Rouai qui étaient présents à l'hommage. Abdelhamid Zouba l'exprimera bien et de la façon la plus simple quand il recevra son trophée. «Un mot : Merci», dira-t-il avant de demander «au directeur» de la publication de la Tribune, Bachir-Chérif Hassen, de le rejoindre sur scène. M. Bachir-Chérif prend de suite le micro pour corriger : «Je ne suis par le directeur, mais votre serviteur.» Abdelkrim Kerroum ira plus loin que son équipier en affirmant que «normalement, on ne mérite pas les cadeaux, c'est nous qui devrions les donner». Les organisateurs de l'hommage n'oublieront pas Mohamed Allam, une autre icône que la mort a ravi l'année dernière, ses amis non plus. Ses deux filles seront invitées sur la scène pour recevoir le trophée de leur et notre défunt héros que tout le public salue avec force applaudissement. Rachid Mekhloufi l'en remerciera. «On est content quand on voit un public comme ça, des enfants, des familles et tous ces jeunes là-haut […]. L'équipe du FLN n'a pas joué à l'intérieur, mais seulement à l'extérieur. On ne jouait pas pour la victoire, mais pour le drapeau, ça ne nous empêchait pas de gagner… On s'est déplacé un jour du Tunis au Caire par car, et, en passant par la Libye, nous avons disputé un match et nous l'avons remporté… Si on jouait aujourd'hui on vous montrerait de quoi nous sommes capables», dira Mekhloufi pince-sans-rire qui demandera qu'on applaudisse le directeur de la Tribune pour ces hommages et cette opération de solidarité qu'il a initié. Il aura des youyous en sus. Il attendra que le calme revienne pour déclarer d'une voix claire et distincte : «Nous (la fondation de l'équipe nationale de football du FLN, Ndlr) avons décidé de vous donner un chèque de 100 000 dinars» comme contribution à l'opération de solidarité. Le geste sera salué par l'assistance. Saïd Amara dira que «c'est un jour béni, pour ce qui a été fait et pour tous ceux dont on se souvient encore. Je félicite tous les camarades sur cette scène qui doivent certainement ressentir quelque chose…». «Dieu vous bénisse», renchérit Mohamed Soukane à l'adresse de Bachir-Chérif Hassène qui, mis dans la gêne, répond : «Devant ce parterre, on ne peut rien dire. Les hommes comme ça ne prennent jamais. Ils donnent.» Soukane reprendra la parole pour dire que s'il y avait une vingtaine d'équipes comme celle qui a organisé cette opération, l'Algérie progresserait et se développerait. Encore une autre leçon que ces historiques nous donnent, pour, mine de rien, nous montrer la voie à suivre pour une Algérie meilleure. L'emblème national est déployé. Youyous et applaudissements accompagnent le déploiement du drapeau. Un groupe de jeunes lance des «one, two, thre, viva l'Algérie». Le lien est établi, le voile de l'oubli s'est déchiré, il reste à poursuivre l'action pour qu'il disparaisse à jamais et que l'Algérie se réconcilie avec son passé pour qu'elle puisse appréhender son avenir avec plus de sérénité et d'assurance.