Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Epoustouflant ! Cheikh Sidi Bémol l'était incontestablement la semaine dernière en soirée lors d'un spectacle atypique animé au stade Oukil Ramdane de Tizi Ouzou. Devant une assistance peu nombreuse, d'environ 150 personnes, celui qui se présente comme un artiste berbère celtique groove et gourbi rock s'est donné à fond sur cette scène qu'il a partagée avec son percussionniste et son guitariste. Les organisateurs privés d'AC Planner, voyant la scène trop éloignée du public «parqué» dans les tribunes, ont décidé de revoir leur copie sur place en invitant le public à rejoindre la scène sur la pelouse. Un public peu nombreux mais jeune qui s'est déchaîné devant une prestation magistrale de Cheikh Sidi Bémol qui «chante devant 10 personnes comme [il] chante devant 10 000 personnes». Cela fait partie de son génie mais aussi de son engagement.Du blues aux chants marins en passant par le gnawi et le rock, Cheikh Sidi Bémol ne s'est pas offert de pause lors de ses deux heures d'un spectacle magique ponctué par quelques morceaux extraordinaires offerts par son soliste attitré Khelif. De la chanson Amezwaru (le premier) à El Goumari, le public en parfaite symbiose avec son idole, a eu droit à des chants marins tirés de l'avant-dernier album de l'artiste qui s'est même amusé à chanter certaines d'entre elles à capella, au grand bonheur des 150 fans présents qui écouteront aussi et avec le même plaisir Ammi (Fiston), El Muziga (L'harmonica) et Lehvas n Tizi (Les geôles de Tizi). Invités à s'asseoir sur la pelouse synthétique du stade Oukil Ramdane de la ville, les fans ne pouvaient s'empêcher de se lever de temps en temps pour s'offrir une danse, surtout qu'après les chants marins kabyles, Cheikh Sidi Bémol et ses deux complices se sont donnés à cœur joie de puiser dans un ancien album de l'artiste, notamment avec cette chanson indémodable, Ma kayen walou khir men l'amour, que Hocine Boukella chantera en chœur avec un public jeune qui, de son côté, dégageait une telle passion en dansant et en accompagnant l'artiste.Mais le meilleur, Cheikh Sidi Bémol l'a réservé pour la fin du spectacle. Une fin qu'il a voulue magistrale et en apothéose. Il invitera Yuva sur scène, un autre fou de la guitare électrique, pour entamer une chanson puisée du terroir, El Goumari et la transformer de façon magique en une magnifique chanson de blues. Une chanson lancée justement avec un dialogue de fous entre deux guitares, celles de Khelif et Yuva qui se donnaient la réplique devant un public émerveillé. Quand Cheikh Sidi Bémol commencera à chanter, le public qui ne s'attendait pas à ce que ce soit El Goumari, notamment avec du rythme blues digne des B. B. King et John Lee Hooker, ne tardera pas à se lever comme un seul homme et accompagner l'artiste et son génie pendant plus de dix minutes. Parce que, voyant et appréciant la symbiose avec son public, Cheikh Sidi Bémol n'a pas trouvé mieux que de faire durer la chanson plus longtemps pour faire plaisir à son public qui finira par quitter le stade vers 1h30 du matin. Un public peu nombreux mais totalement satisfait de la prestation de son idole, contrairement à l'organisateur du spectacle, le privé AC Planner, qui se retrouve avec une recette représentant environ 10% de son investissement. C'est que le choix du lieu du spectacle et le prix exagérément élevé (600 dinars) en ces derniers jours de Ramadhan étaient deux mauvaises idées qui ont montré que l'organisateur ne connaissait pas très bien le marché local de la musique, en plus de la timidité du travail d'information censé mobiliser les fans de l'artiste. A noter, enfin, que Cheikh Sidi Bémol a partagé la scène avec deux jeunes artistes talentueux auxquels il a donné la chance de se produire en première partie du spectacle. De la pop, du rock, mais aussi du folk et de la country étaient au programme ce soir-là grâce aux jeunes artistes algérois Nassim Djezma et Samir Farès qui ont démontré que la musique algérienne a de l'avenir sans les chansons fast-food servies ces quinze dernières années.