Bois des Pins est une drôle d'affaire. Les riverains pensent qu'il leur appartient puisqu'il est à l'abandon. Le wali d'Alger pense qu'il lui appartient parce que c'est un «bien de l'Etat». L'affaire du Bois des Pins est symptomatique de la manière de penser des Algériens. Elle n'est que l'exact reflet du comportement des copropriétaires d'un immeuble dans n'importe quelle localité algérienne. Il est évident que quelques rappels s'imposent. Primo, le Bois des Pins n'est pas la propriété des riverains au motif qu'il se situe dans leur «houma». Secundo, il n'est pas la propriété du wali, mais bien celle de l'Etat, et donc de la collectivité, riverains et Constantinois compris. Tertio, les cultures de la violence et de la force sont devenues une règle en cas de litige avec une institution de l'Etat. Le dialogue ne survient qu'une fois les positions devenues inconciliables, trop tard donc.Cette mentalité de «baylek» est répandue aussi bien chez le citoyen lambda que chez ceux qui nous dirigent. Les uns détruisent tout ce qui appartient à la collectivité dès qu'ils en ont l'occasion. Les autres gèrent les biens de la collectivité comme si c'étaient les leurs.Les raisons de ces comportements sont simples à expliquer. L'absence de démocratie locale et la faiblesse des pouvoirs des présidents d'APC en sont les deux raisons essentielles. Les walis n'ont de comptes à rendre qu'à celui qui les a nommé. Les électeurs n'interviennent pas ou si peu dans le déroulement de leurs carrières. Il n'y a pas de cadre de débats et de prises de décisions dans lequel les citoyens peuvent sanctionner un membre de l'administration car il aurait pris des décisions contraires à leurs intérêts. L'expérience des co-villes a démontré qu'il s'agit plus d'un forum où l'on vient «vider son sac» que d'un lieu de prise de décisions.L'entrée dans la modernité voulue par certains est un cheminement difficile qui passe par une véritable révolution dans les mentalités. On veut être propriétaire de son appartement mais les parties communes doivent être entretenues par l'Etat. On veut avoir des logements à bas prix pour pouvoir les revendre 4 fois plus chers. On ne veut pas payer la farine et le pain à leurs vrais prix mais on s'étonne du gaspillage et de l'explosion de la facture alimentaire. On critique les «despotes» qui nous dirigent et nous le sommes plus dans nos lieux de travail et à la maison.Baylek contre baylek, émeutes contre logements, manifestations contre travail, un nouveau triptyque à inscrire dans la constitution. Dans un pays où la prison ne fait plus peur, où la justice est décriée, où l'élection ne permet pas la sanction d'un responsable politique, nous sommes tous le baylek de l'autre. A. E.