Photo : Riad Par Samir Azzoug «Leilat El Qadr», la nuit du destin ou encore celle de la paix, a été vécue vendredi par bon nombre d'Algériens en face de leur écran de télévision. Deux programmes phares ont été massivement suivis. A partir de 19h30, la célébration «officielle» de la fameuse nuit a été retransmise de «djamaa El Kebir» à Alger. Une cérémonie qui a vu la présence du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, des membres du gouvernement, des responsables de l'Etat et des corps diplomatiques des pays musulmans. Au programme de la soirée, il y a eu comme événements attendus la récitation du Saint Coran par les deux finalistes du concours de «Forsane El Cora'an El Karim 2008», ainsi que la remise de cadeaux par le président de la République aux lauréats des différents concours. Ces derniers sont au nombre de trois : le concours international de récitation et de psalmodie du Saint Coran, le concours national des jeunes récitants (moins de 15 ans) et celui international de la renaissance du patrimoine islamique. Les vainqueurs se sont vus offrir des enveloppes contenant des sommes allant de deux cent mille à un million de dinars. Par ailleurs, le chef de l'Etat a honoré les jurys des différentes compétitions, pour ensuite être honoré à son tour par le ministère des Affaires religieuses pour l'effort consenti en faveur de la récitation du Coran. Plusieurs événements ont contribué à faire de la soirée une réussite : le prêche du docteur Kamel Bouzidi, qui a su rendre avec éloquence et force persuasion à l'islam son image de religion de tolérance et de paix et la récitation du livre sacré par un jeune du Kirghizistan qui, sans parler un mot d'arabe, a étonné les auditeurs. Simplement en phonétique, le jeune adolescent déclame les versets comme s'ils étaient écrits dans sa langue maternelle. Quelques heures après, vers 22h30, a commencé l'autre émission attendue : le dernier prime des «Chevaliers du Saint Coran». Lancé depuis le 22 mai dernier, le concours national de récitation a vu la participation de plus de 15 000 candidats issus des quatre coins du pays. Au final, ils étaient 16 puis 8 à être choisis pour suivre une formation et se disputer le titre de «Fares El Cora'an 2008». Depuis le début du mois sacré de Ramadhan, la télévision algérienne a organisé un «prime» par semaine qui se terminait à chaque fois par l'élimination de deux concurrents. De plus en plus regardée, cette émission télévisée originale (pas dans la forme, car c'est le même principe que la star académie ou alhane oua chabab, mais d'avoir adapté le concept à une pratique religieuse), a remporté un succès certain. Une réussite qui a dépassé les frontières puisque des ouléma et des récitants du monde arabe et musulman ont manifesté leur intérêt, pour certains, carrément en participant aux «primes». Ce fut le cas hier, en finale, pour cheikh Aymen Rodjdi Souid, secrétaire général de l'Instance de l'apprentissage du Coran, et cheikh Abdelaziz El Kassar, récitant de la mosquée des Karaouiines au Maroc. Des professionnels du domaine qui ont salué les efforts et les dons de lecture chez bon nombre de candidats. En plus d'une organisation sans grand défaut, l'émission a permis aux Algériens d'avoir une nouvelle vision de ce que peut être une pratique qui ne souffre pas d'approximation. Le néophyte découvre que la récitation du Saint Livre obéit à des règles strictes. Respecter la prononciation de chaque lettre, l'intonation de la voix et ne pas s'arrêter n'importe où… Tout un art. Cela pour la lecture, qu'en est-il alors de l'interprétation ?! Pour la finale, deux virtuoses se sont disputés la première place. Abdelfettah Hamidatou, 33 ans, père de famille et imam à El Oued. Une voix douce, maniée avec facilité et maîtrise, le candidat a adopté le style «tadjouid» maghrébin, le plus usité en Algérie. Même si sa manière de réciter le Coran donne la «chaire de poule» et transporte son auditoire, Hamidatou n'obtient que la seconde place. Un «burnous» en blanc brodé d'argent et une somme de 2 millions de dinars lui ont été remis par le ministre de la Communication Abderrachid Boukerzaza et l'ambassadeur de Palestine en Algérie M. Mohamed El Haourani (en remplacement de Hamraoui Habib Chawki, directeur général de l'ENTV). Le premier prix, celui du chevalier du Saint Coran (ou le meilleur récitant du livre), est revenu au jeune Yacine Iaamrane, candidat de Tizi Ouzou. Résidant à Badjerrah, banlieue d'Alger, le prodige de 18 ans a subjugué aussi bien les présents que les téléspectateurs. Un organe puissant et contrôlé, un visage très expressif, un long souffle et un effort qui soulève les tripes, nécessaire pour le genre «tadjouid» plus à l'oriental (inspiré du cheikh égyptien Abdelbasset Abdessamad) idéalement exécuté, ont décidé les différents membres du jury, après une longue hésitation, à le préférer à son rival. Sous le regard ému de sa mère et de sa famille filmées en direct de leur demeure, le jeune virtuose a reçu des mains du ministre d'Etat, représentant personnel du président de la République M. Abdelaziz Belkhadem et du ministre des Affaires religieuses et des Wakfs M. Bouabdellah Ghlamallah, le «burnous» brun brodé de fil d'or. Le chevalier du Saint Coran recevra prochainement les clés d'un appartement. Par ailleurs, les deux finalistes bénéficieront de prises en charge pour un pèlerinage aux Lieux Saints de l'islam. Il faut noter que, même s'il est du ressort du jury d'élire le vainqueur du concours, les téléspectateurs ont été invités à choisir leur candidat favori en envoyant des SMS (messages électroniques par téléphone portable) à l'émission. En une semaine, plus de 23 000 messages ont été reçus. Cette preuve de l'intérêt accordé par les citoyens à l'émission a confirmé la décision des membres du jury puisque Abdelfettah Hamidatou obtient 46,04% des votes contre 53,96% pour Yacine Iaamrane. Notons que les autres candidats (les 8 derniers) vont tous recevoir un chèque d'un million de centimes. «Forsane El Cora'an 2008» est une initiative algérienne à saluer. Critiquée depuis de longue date pour l'insipidité de ses programmes et son manque d'imagination, la télévision algérienne vient de marquer un bon point. Que ce soit l'idée, le déroulement, le choix des personnalités et du jury et la réalisation, ils sont tous à saluer. Notons que l'animateur du prime, Slimane Bekhlili, a tenu à plusieurs reprises à attribuer le titre de premier chevalier d'honneur au président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, et en second à M. A. Belkhadem.