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L'effet papillon du terrorisme
Publié dans La Tribune le 08 - 09 - 2011

Qu'il soit de racines algériennes, d'obédience benladénienne et de réimplantation subsaharienne, le terrorisme islamiste est international. Par nature et par extension de ses conséquences. Il est aujourd'hui sahélo-maghrébin mais ses effets évoquent le célèbre effet papillon théorisé et métaphorisé par le météorologue américain Edward Norton Lorenz. Ce scientifique, digne successeur des mathématiciens Laplace, Poincaré et Von Neumann, maîtres successifs de la Théorie du chaos, avait éclairé le phénomène de la sensibilité aux conditions physiques initiales en estimant qu'un seul battement d'aile de papillon quelque part, peut déclencher une tornade à l'autre bout du monde. Il avait surtout montré qu'une dynamique très complexe peut apparaître dans un système formellement simple, voire rudimentaire et fruste dans sa structure. C'est tout à fait le cas de l'ancien GSPC algérien, franchise autoproclamée d'Al Qaida au Maghreb et implantée au Sahel. L'impact AQMI est aujourd'hui assimilable à l'effet papillon car un seul battement de ses ailes au Sahel peut déclencher une tornade terroriste en Algérie, au Pakistan, aux Etats-Unis ou au Nigeria. Ainsi, quelles que soient les multiples définitions génériques du terrorisme, le terrorisme islamiste est un crime de guerre en temps de paix qui ne concerne pas seulement les victimes locales mais des ensembles en entier. Comme pour les phénomènes de l'effet de serre ou d'El Niño. Terres d'accueil, théâtres d'opération et cibles récurrentes de ce terrorisme transfrontières, l'Algérie et ses voisins subsahariens ont fini par en avoir des approches moins différenciées. Des perceptions et des actions moins influencées par les
rapports de force internes et par les enjeux stratégiques de puissances étrangères, souvent rivales mais parfois alliées objectives. Ils réfléchissent ensemble, se concertent et agissent de conserve dans des structures multilatérales régionales. Il en est ainsi du CMOC, le Comité de l'état-major opérationnel conjoint, installé à Tamanrasset, et de l'UFL, l'Unité de fusion et de liaison, centrale de renseignement située à Alger. Ils travaillent donc dans la durée mais réagissent aussi à l'urgence comme ces jours-ci à Alger. Il y est question d'appréhender les conséquences du conflit libyen, sachant que la chute du régime de Mouammar Kadhafi, la destruction de son armée et le démantèlement chaotique de ses arsenaux, ont pour conséquences le renforcement d'AQMI, l'augmentation de sa capacité de nuisance régionale et le redéploiement de sa menace au-delà de l'arc insécuritaire sahélien. Encore une fois, l'effet papillon se vérifie : un seul battement d'aile du papillon révolutionnaire à Benghazi a suffi pour faire chuter la Jamahiriya de Kadhafi et pour faire d'AQMI un monstre encore plus redouté. D'autant plus craint que l'augmentation de sa force de frappe est désormais fonction de la quantité d'armes reçues du théâtre de guerre libyen. Une capacité dépendant aussi du nombre de nouvelles recrues, notamment de Touaregs libyens en déshérence et orphelins du soutien politique, militaire et financier du colonel Kadhafi. C'est ainsi qu'il n'y a pas pire qu'une jonction consanguine entre le terrorisme d'AQMI, l'irrédentisme touareg et le grand banditisme. Trois panses monstrueuses qui se nourrissent de toutes les frustrations politiques, de toutes les convoitises financières, de tous les trafics et de toutes les folies religieuses. Beaucoup de jeunes Touaregs sont revenus de Libye puissamment armés. D'autres vont s'enrichir avec le commerce des armes. D'autres encore pourraient être enrôlés par AQMI ou servir de passeurs pour les contrebandiers ou les narcotrafiquants. Algériens, Maliens, Nigériens ont donc aujourd'hui des motifs supplémentaires pour s'inquiéter de voir
l'immensité sahélienne, qui recoupe l'ancienne Afrique soudanaise, devenir le trou noir du terrorisme mondial. Le Sahel, avec lequel l'Algérie partage 3819 kilomètres de frontières, n'est pas uniquement un désert de pierres, de sables et de barrières rocheuses. Ce n'est pas seulement une terra incognita, presque une terra nullius livrée au règne criminel de séides islamistes et de nervis du trafic international. C'est également une vaste zone géopolitique où s'entrechoquent des ambitions internationales qui ont l'odeur des hydrocarbures, la puissance de l'uranium et le vermeil de l'or. Algériens, Maliens et Nigériens semblent l'avoir un peu mieux compris en se décidant à construire ensemble la sécurité et le développement solidaire dans le voisinage.
N. K.


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