Photo : Riad Par Hasna Yacoub et Fouzia Ababsa La Conférence des pays du Champ contre le terrorisme a été sanctionnée jeudi dernier par un point de presse animé conjointement pas les ministres algérien, malien et nigérien des Affaires étrangères. Dans une déclaration liminaire, M. Abdelkader Messahel a rappelé les 10 conclusions auxquelles sont arrivés les participants. A la question de savoir où commençait l'ingérence étrangère et où s'arrêtait le partenariat, thème largement débattu au cours de la conférence, M. Messahel a indiqué que chaque pays avait ses intérêts. «Cette région est la nôtre et il est de notre droit d'établir des canaux de communication. Nous, nous sommes dans une logique de partenariat. Il n'y a pas de pays qui cherche l'ingérence. Tous ont des intérêts. La sécurité du Sahel est de la responsabilité des quatre pays du Champ». L'interdiction du paiement des rançons pour la libération des otages (résolution 1904 de l'ONU) et l'hésitation de certains pays occidentaux et africains de s'y soumettre a été abordée. Le ministre délégué algérien chargé des Affaires maghrébines a affirmé que les participants ont constaté que dans la région du Sahel, il y avait deux sortes de sources de financement du terrorisme. «Celui lié au paiement des rançons et celui relatif à l'interconnexion entre les groupes terroristes et le crime organisé. Cette question a été prise en charge. Elle engage tous les partenaires et c'est aussi le problème de tous les pays membres de l'ONU. Tout le monde le sait, dans une situation de crise, la circulation des armes finance le terrorisme.» M. Messahel passe alors la parole au ministre nigérien des Affaires étrangères pour répondre sur le même sujet. M. Bazoum chargera les médias auxquels il impute la responsabilité du paiement des rançons pour la libération des otages. Sur un ton agressif à l'adresse des journalistes qu'il accusera d'être le plus grand allié des terroristes dans le cas des prises d'otages. «Vous affectionnez, tous, les informations spectaculaires. Il est difficile de vous dire de ne pas couvrir un évènement sensationnel. Cela vous agacerait qu'on vous demande de faire le black-out sur ce genre d'informations». Et le ministre nigérien d'ajouter : «Nous avons l'impression aussi que les Etats dont on enlève des citoyens se sentent le devoir de payer des rançons et donc rechignent à aller jusqu'au bout des sanctions. Il y a une résolution du Conseil de sécurité qui interdit le paiement de rançons mais elle n'est pas allée jusqu'au bout de sa ogique qui aurait été la criminalisation du principe de paiement de la rançon. Et ce sont les pays qui sont potentiellement susceptibles d'avoir des ressortissants pris en otages. Ce sont généralement des politiques qui sont en situation d'élections.» M. Mohamed Bazoum conclura : «Si on arrive à convaincre la presse de ne pas publier les informations sur les prise d'otages, on convaincra les pays de ne pas payer de rançon.» Abdelkader Messahel reprendra la parole pour expliquer si les participants de la Conférence d'Alger ont pris des mesures concrètes et urgentes pour faire face à la circulation des armes engendrée par la crise libyenne. Il reconnaîtra que «la crise libyenne aura des conséquences directes sur nos pays si les choses ne sont pas prises en charge pour arrêter la circulation des armes qui représente une nouvelle menace», ajoutant : «Cela relève des nouvelles autorités libyennes. Nous avons appris que les questions sécuritaires constituent la priorité du CNT. Nous sommes confiants. Parce que nous ne voulons pas que notre région soit transformée en dépôt d'armes.» S'en suivra juste après une question sur le refus absolu de l'Algérie de mener des opérations militaires communes contrairement aux pays du Champ. M. Messahel ira droit au but : «Nous avons pris conscience de l'importance de la coordination au niveau militaire et sécuritaire entre nos pays du Champ. Nous avons identifié à chaque niveau quelles étaient les actions à mener. On veut absolument impliquer l'Algérie. Je tiens à dire : il n'est pas dans nos traditions d'engager nos troupes. Cependant, nous participons à des patrouilles mixtes au long de nos frontières.» Il précisera en revanche que les interventions militaires étrangères peuvent avoir des conséquences fâcheuses dans certains conflits. «Cela alimente le terrorisme et le djihadisme», affirmera M. Messahel. A ses côtés, le ministre malien intervenant pour répondre à une question sur les demandes présentées par le Mali à son partenaire américain, notamment sur le plan militaire, reconnaîtra que son pays ne refuse pas les opérations communes. M. Soumailou Boubaye Maïga dira : «En attendant que le CEMOC devienne efficace, les pays peuvent, chacun en ce qui le concerne, entreprendre des actions militaires communes.» Il expliquera ensuite : «Nous n'avons pas formulé de demande précise à nos partenaires. Nous leur avons par contre fait part de nos besoins en formation, équipements, renseignements. Quant au CEMOC, c'est une avancée. Il nous a permis d'identifier les procédures en matière de commandement. Le CEMOC a identifié deux zones. La première est relative à l'intervention, et la seconde, d'intérêt commun. Il s'agit en fait d'établir des liens entre le CEMOC et les états-majors nationaux pour planifier les opérations communes.» Sur la question de connaître les raisons de l'absence des délégations chinoises et russes à la Conférence d'Alger, M. Messahel a tenu à préciser que les deux pays ont été représentés : «La Chine et la Russie étaient présentes, peut-être pas au niveau qu'on le souhaitait. Ceci est une première étape. Nous allons travailler avec des pays qui ont des stratégies. Nous avons défini les préoccupations. Chacun de ces pays est sollicité dans le domaine qui le concerne. La chine, par exemple, est leader en matière de construction de routes, elle pourrait être sollicitée pour la transsaharienne. Nous avons des structures à mettre en place, mais les routes ont été retenues comme priorité.» Le ministre délégué des Affaires maghrébines a répondu à une question sur le rôle joué par l'Algérie, «un pays riche», pour aider les trois autres pays dans leur lutte contre les trois fléaux. Il a alors rappelé que les pays du Champ, qui ont une coopération concrète, ont identifié les menaces et établi leurs stratégies. «Quand on parle d'appropriation, il faut comprendre le compter-sur-soi. Il y a des moyens propres à chaque pays. Il y a également une coopération sous-régionale. A l'image de la transsaharienne, dont le montage financier a été pris en charge par les trois banques, arabe africaine et islamique, pour le développement et auxquelles sont affiliées les 4 pays du Champ. Il reste à compléter 220 km du côté du Niger d'un montant de 183 millions de dollars. La transsaharienne traversera le Mali d'ici à 2014». Enfin, une dernière question a été posée sur l'absence d'une délégation de la Libye qui était pourtant au centre des débats. Pour Abdelkader Messahel, aucun pays n'est exclu et pour le moment, un premier cercle constitué des quatre pays du Champ qui ont leur stratégie, a été formé : «Ce cercle peut s'élargir à d'autres pays comme le Tchad ou le Nigeria. Pour la Libye, nous allons attendre et voir quel est le leadership qui en sortira. Nous ne sommes pas un cercle figé, mais un cercle qui s'adapte à la menace. Aujourd'hui, il est évident que le Nigeria a des problèmes très sérieux en termes de sécurité et d'attentats terroristes. Le lien est établi entre l'Aqmi et certains groupes. Demain les choses évolueront». H. Y./F. A.