Photo : Riad Par Badiaa Amarni Les débats du Workshop autour de l'économie fondée sur la connaissance (EFC) se sont terminés, jeudi dernier, sur une note d'espoir de voir l'Algérie baser son développement sur ce concept. Un concept nouveau qui a fait son apparition il y a dix ans. Pour ne pas rater le train de la modernité, il est aujourd'hui impératif d'aller dans cette direction, estiment les experts et les nombreux participants à la rencontre. M.Boukhezar Omar, professeur en économie numérique et en commerce électronique, également membre du CNES, explique que l'EFC est une chose très sérieuse qui se base sur quatre piliers essentiels : l'éducation, l'innovation, le climat des affaires et les nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC). Cet expert dira qu'«aujourd'hui, malheureusement, le stock de la matière grise au niveau de la recherche qui est de 12 000 personnes représente un très faible pourcentage par rapport à la population globale, soit 0,03% pour 1 000 habitants». Selon lui, «quand on veut mesurer le degré de développement d'une économie de connaissance, on se réfère à la quantité et à la qualité mais également à la vitesse avec laquelle la communauté des chercheurs se reproduit, c'est-à-dire le rythme de croissance de ce gisement de matière grise. Ce sont là les deux facteurs pour donner une idée de la puissance d'une économie fondée sur l'EFC». Booster la recherche scientifique Pour cela, «il est indispensable d'élargir la stratégie du secteur de la recherche en utilisant les outils d'approfondissement de l'EFC de manière beaucoup plus systématique». Car, pour l'heure, et au vu des chiffres exposés par la ministre déléguée chargée de la recherche scientifique, «la situation est grave. Le niveau de la productivité et de la performance est quasiment nul et inquiétant. C'est même très insuffisant. Et ce n'est sûrement pas avec cela qu'on va construire une économie basée sur la connaissance». Ce chercheur préconise de trouver des dispositifs pour régler le problème de l'hémorragie et de la fuite des cerveaux algériens. «Il n' y a pas de moyen terme, il faut trouver vite des solutions sinon c'est la précipitation de la mort intellectuelle et, par conséquent, de la mort du pays. Des dispositifs d'incitation réfléchis et multidisciplinaires doivent être mis en place pour arrêter ce grave fléau qui représente une atteinte à l'intégrité physique de l'Algérie.» Il s'agit ensuite de réfléchir sur le moyen de «recycler la diaspora de manière intelligente et comment connecter les deux élites algériennes, celle évoluant en Algérie et celle qui se trouve sous d'autres cieux». Par ailleurs, l'utilisation des technologies de l'information et de la communication est un élément indispensable, selon cet expert, pour bâtir l'EFC car «elles représentent la locomotive du développement, en ce sens qu'elles permettent des raccourcis et des accélérateurs qui sont immédiatement disponibles et utilisables». Les NTIC, locomotive de développement de l'entreprise Pour sa part, M. Younes H'cene, président de l'UNEP (Union nationale des entrepreneurs publics) évoquera la relation entre l'entreprise d'une façon générale, et l'utilisation des TIC : «La présence de celles-ci dans l'entreprise constitue un élément majeur pour son développement.». Et de rappeler que «l'Algérie, qui a connu un retard dans ce domaine, car ayant démarré assez lentement, a atteint quand même un niveau appréciable, mais beaucoup de choses restent à faire». Grâce à ces technologies de l'information, «l'évolution ira crescendo de manière à mettre à niveau l'ensemble des acteurs qui doivent intégrer cette donnée dans leur action», dira notre interlocuteur. Il ajoute que «ce qui est évident est l'aboutissement à un plan d'action plus global intégré au niveau national et il faut qu'il y ait une volonté politique de mettre les moyens qu'il faut pour développer ces TIC et les rendre accessibles à tous». M. Younes a tenu à souligner que le système éducatif doit, depuis le primaire et peut-être même avant, au préscolaire, commencer à produire de l'intelligence parce que c'est cette intelligence qui peut aller vers l'université. «Il faut aussi qu'il y ait une cohérence dans l'ensemble du système, ce qui n'est vraiment pas le cas aujourd'hui. Cela est fondamental si l'on veut se hisser au niveau de la recherche et avoir des éléments qui sortent de l'université.» Créer les moyens pour encourager l'élite D'autre part, notre interlocuteur a tenu à souligner qu'«il faut créer les moyens pour que l'intelligence reste en Algérie. Cela est un problème récurrent qui se pose tout le temps. Des séminaires ont été organisés mais, malheureusement, on constate que les étudiants continuent à partir et les autres cherchent la voie du départ». Il est donc urgent de remédier à cette situation. «Si l'on ne fait rien, on continuera à former et à donner la connaissance de base qui sera exploitée ailleurs. A mon avis, c'est là un des éléments clés de la réussite de l'économie fondée sur la connaissance, car l'intelligence et la connaissance vont permettre d'agir au niveau des entreprises, de l'université, de la recherche, et de l'agriculture et partout ailleurs où cette économie fondée sur la connaissance doit s'installer», conclut M. Younes. M. Mostefa Kara, membre du comité ad hoc EFC-NES, dira que «nous en sommes encore au stade de l'élaboration de notre système d'évaluation concernant l'EFC et le job du CNES consiste à mettre en place des éléments de stratégie nationale sur des questions aussi essentielles». Selon lui, l'EFC s'avère aujourd'hui une nécessité absolument incontournable car il n'est plus possible de continuer à considérer que notre pays doit vivre sur ses réserves naturelles de pétrole. «Il est temps de penser à l'après-pétrole et de valoriser l'ensemble de nos ressources. Le CNES entend sensibiliser les pouvoirs publics sur les éléments d'une véritable stratégie nationale en la matière. Cela est fondamental.» Car, s'il n'y a pas «une claire volonté de la part des pouvoirs publics, il serait illusoire de mettre en œuvre l'EFC». «D'ailleurs, le CNES en est tellement conscient, explique encore M. Kara, qu'il a mis en place un comité ad hoc qui fait participer toutes les parties concernées et même des représentants des médias que nous considérons comme des parties prenantes essentielles dans la mise en place de cette stratégie EFC dont l'un des piliers fondamentaux reste aussi la bonne gouvernance, afin de valoriser le capital fabuleux en termes de ressources et notamment la valorisation des ressources humaines.» Le gouvernement algérien ira-t-il dans cette voie ? L'avenir nous le dira.