L'opposition syrienne s'active pour sortir le pays de la crise. Profitant d'une brèche cédée par le régime- même, l'opposition interne se met de la partie. Il s'agit d'un des rares rassemblements organisés sur le territoire syrien. «Il faut mettre fin au régime tyrannique sécuritaire. Il faut renverser la tyrannie et les agents de sécurité. Nous accueillons tous ceux qui n'ont pas de sang sur les mains», a déclaré Hassan Abdel Azim, le coordonnateur général du Comité national pour le changement démocratique (CNCD). Le Comité a fait part de son intention de former une large coalition entre les différents mouvements d'opposition du pays, qui réunirait le CNCD, les partis libéraux de la «Déclaration de Damas», les Frères musulmans ainsi que des islamistes indépendants. Le CNCD regroupe des partis nationalistes arabes, kurdes, socialistes et marxistes ainsi que des personnalités indépendantes comme l'écrivain Michel Kilo et l'économiste Aref Dalila. La plupart d'entre eux font partie de l'opposition tolérée par le régime, et ont passé plusieurs années de leur vie en prison. A l'étranger, l'action est également notable. Les partis d'opposition laïcs ont lancé une coalition prônant l'instauration d'un Etat laïc si Bachar Al-Assad quitte le pouvoir. Une large partie de l'opposition se dit déterminée à ne pas laisser les islamistes dominer l'opposition syrienne. Plus de six mois depuis le début du mouvement de contestation contre le régime en place, l'opposition syrienne dans sa diversité (et sa différences) semble constituer une des rares alternatives de sortie de crise. Chrétiens assyriens ou syriaques, musulmans sunnites kurdes ou arabes, tous laïcs, opposants syriens venant de Washington, de Berlin, du Qatar ou de Norvège au sein de la toute nouvelle Coalition des forces laïques et démocratiques syriennes (CFLD), sont décidés à agir pour l'avenir alarmant de leur pays. Après des mois de contestation sans précédent réprimée dans un isolement médiatique singulier, il est très difficile de mesurer le poids de chaque courant d'opposition dans les villes contestatrices de Damas, Hama ou Homs. Dans l'histoire récente du pays, le régime en place s'est toujours méfié des opposants jusqu'à les cantonner dans la marge. Dans la mouvance de l'opposition qui se met en place, la prépondérance de trois mouvements est notable: les «nationalistes» arabes, les «libéraux» et les «islamistes», naturellement très actifs depuis le début de la crise, le 15 mars. Les Frères musulmans, particulièrement implantés de longue date dans les milieux populaires, sont une donne inévitable dans l'état actuel des choses. L'opposition syrienne est condamnée à s'unir pour se poser en véritable alternative à un régime qui joue justement sur les différends. C'est dans cette optique, que certains opposants laïcs prônent un dialogue constructif avec les « éléments les plus modernes » parmi les islamistes. En parallèle à l'action se disant laïque, deux instances de l'opposition ont récemment vu le jour en Turquie : le «Conseil national», créé fin août à Istanbul, et qui, selon les laïcs, est majoritairement composé d'islamistes ; le «Conseil national de transition syrien», né fin août à Ankara, est lui, dirigé par l'une des personnalités les plus respectées de l'opposition syrienne en exil : Burhan Ghalioun. Ce dernier appelle à mettre la «question de la laïcité dans le contexte de la révolution». Pour l'universitaire, il faut absolument unifier l'opposition, sinon point de salut. C'est que les lignes de fracture ne manquent pas dans une société syrienne multiple. Entre Kurdes et Arabes, ainsi qu'entre chrétiens et musulmans, subsiste une méfiance diffuse. Nombre d'opposants kurdes, une communauté représentant 20% de la population syrienne, se sont promptement retirés du «Conseil national», lui reprochant de proposer une «République arabe syrienne» dans laquelle ils disent ne pas se reconnaître. D'un autre coté, la coalition laïque a appelé les minorités à s'unir contre le régime. Cependant, elle hésite à se joindre au mouvement de contestation, de peur de représailles du régime, et refusant l'alternative islamiste. Le nouveau Conseil national, semblant être l'entité la mieux organisée, se dit uni derrière trois principes fondamentaux : la chute du régime syrien, le recours à des moyens pacifiques et le maintien de l'intégrité territoriale de la Syrie. Soixante pour cent des membres du Conseil vivent en Syrie, l'autre partie étant constituée de dissidents en exil à travers le monde. L'initiative du Conseil national est suivie sérieusement par certaines capitales. Le Canada, les Pays-Bas, le Japon et le Soudan ont même dépêché des diplomates en tant qu'observateurs à la conférence. Le Conseil devrait annoncer son intention de rencontrer prochainement des représentants des gouvernements européens, arabes et turc, de même que des organisations internationales comme l'ONU et l'OCI. Le Conseil envisagerait même de lancer une chaîne de télévision par satellite pour relayer ses positions. Depuis le 15 mars, la Syrie est entrée dans une tempête politique et sécuritaire sans précédent. Des mouvements de contestation dans plusieurs villes sont violemment réprimés par les autorités qui accusent les protestataires de servir des agendas étrangers. Selon le Haut Commissaire des Nations unies aux Droits de l'Homme, 2 600 personnes ont été tuées ; et la situation semble s'exacerber. Mais la Syrie, vu son Histoire et sa position géographique, reste un cas particulier dans le monde arabe, dont il est difficile d'anticiper l'avenir immédiat. M. B.