Malgré les protestations internationales, les sanctions et son isolement, le régime syrien continue de réprimer dans le sang le mouvement de contestation dont il refuse encore de reconnaître l'ampleur. La preuve : au lieu d'aller dans le sens des revendications des Syriens qui réclament depuis le 15 mars dernier davantage de démocratie, le président Bachar Al Assad a répondu en tuant plusieurs d'entre eux et en mettant fin, hier, aux fonctions d'Ahmad Khaled Abdoulaziz, le gouverneur de la province de Hama, ville située à 200 km de Damas. Bref, pour le chef de l'Etat syrien, il n'y a pas de crise politique mais plutôt un problème de gouvernance au niveau local. Un problème qui se règle simplement en renvoyant les responsables «incompétents» chez eux. Le limogeage du gouverneur de Hama intervient au lendemain d'une importante manifestation qui a réuni dans cette même localité – où des répressions sanglantes ont déjà eu lieu en 1982 – près de 500 000 opposants au régime d'Al Assad. Comme pour les précédents mouvements de contestation organisés partout en Syrie, les manifestations pacifiques de vendredi dernier ont été sauvagement réprimées par les forces syriennes de sécurité. Celles-ci n'ont pas hésité à faire usage de leurs armes à feu et à tuer 28 civils dans les villes où les Syriens sont sortis manifester. Les manifestants ont défilé dans au moins 268 régions en Syrie, contre 202 la semaine dernière. L'imposante mobilisation citoyenne de vendredi montre en tout cas que les Syriens sont déterminés à arracher leurs droits et à mettre le pouvoir au pied du mur, quel que soit le prix à payer. Le bilan le plus lourd, rapportent plusieurs agences de presse, a été enregistré à Idleb, dans le nord du pays, en proie à une offensive de l'armée depuis plusieurs jours et où 16 personnes auraient péri. Les forces de sécurité ont en outre, selon les mêmes sources, procédé dans cette région à des dizaines d'arrestations dans plusieurs villages, dont celui d'Al Bara pris d'assaut par une vingtaine de véhicules de la sécurité. Huit personnes ont été tuées à Homs (160 km au nord de Damas), deux dans la capitale, une dans la ville côtière de Lattaquié et une autre à Alep (nord), deuxième ville du pays, dans la seule journée du 1er juillet. Al Assad… dégage ! Au cours de la journée de mobilisation de vendredi, baptisée «Dégage !» par les militants pour la démocratie, à l'intention du président Al Assad, Hama a été, selon plusieurs témoignages, le lieu de la plus grande manifestation contre le régime depuis le début du mouvement de contestation, le 15 mars. Depuis cette date, la répression a déjà coûté la vie à plus de 1300 civils et poussé à la fuite des milliers de personnes. Les manifestants venus de tous les quartiers s'étaient rassemblés sur la place Al Assi, lieu de rendez-vous traditionnel des contestataires. Devant une telle boucherie, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, s'est d'ailleurs empressée de dénoncer vendredi «l'incohérence» du pouvoir syrien, qui a autorisé une réunion d'opposants, lundi à Damas, avant de procéder à de nouvelles répressions. «Le temps presse pour le gouvernement syrien», a-t-elle mis en garde, donnant le choix au régime entre «un processus politique sérieux» et «une résistance de plus en plus organisée». La sortie de Mme Clinton, qui sonne bien entendu comme un avertissement, laisse penser que le régime syrien est au pied du mur et qu'il peut, à tout moment, être confronté à un scénario à la libyenne. M. Assad a, rappelle-t-on, promis des réformes et appelé au dialogue. Parallèlement, il a cependant envoyé ses chars pour étouffer les protestations. L'opposition, qui affirme douter de ses intentions, réclame désormais la chute du régime. Pour l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, «les promesses de Bachar Al Assad sont vides de sens car les forces de sécurité» restent omniprésentes. Par la voix de l'opposant Hassan Abdel Azim, l'opposition syrienne vient, signale-t-on, d'annoncer la création d'un comité national pour le changement démocratique en Syrie. Cette annonce faite suite à une réunion d'opposants au régime qui s'est tenue à Damas lundi dernier. Considérée comme historique, cette réunion avait rassemblé de nombreux intellectuels dans un hôtel de la capitale, pour envisager une alternative à la crise politique actuelle en Syrie et appeler à «la poursuite du soulèvement pacifique». Surveillée de très près, divisée (régionalement et communautairement), l'opposition syrienne manque encore d'un véritable leader vraiment capable de porter la voix de l'opposition au régime d'Al Assad. De nombreux partis politiques, comme les formations de gauche, le Parti communiste et 11 partis kurdes, réunis au sein de ce comité national, ont toutefois réussi à s'entendre sur des actions communes. Mais selon de nombreux observateurs, ce consensus nécessite d'être renforcé en urgence en raison de sa grande fragilité.