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«Aucun scénario ne procure la majorité absolue à Ennahdha»
Fayçal Cherif, historien et chercheur tunisien :
Publié dans La Tribune le 12 - 10 - 2011


Entretien réalisé par Amirouche Yazid
La Tribune : La Tunisie est à quelques jours d'un autre moment historique après celui du 14 janvier. Comment se présentent pour vous les élections du 23 octobre pour l'assemblée constituante ?
FAYÇAL CHERIF : Ces élections du 23 octobre seront le premier test de la nouvelle Tunisie. Le choix d'aller vers la constituante est difficile, mais donnera certainement à réfléchir sur les fondements mêmes du régime politique auquel aspire le peuple. Aussi, ces élections sont attendues sur le plan national; c'est quasiment un sondage d'opinion sur les tendances politiques du peuple tunisien, et sur ses indécisions aussi: abstentions, élections des indépendants, et les assises réelles de chaque parti. Il y a aussi les alliances qui peuvent s'opérer afin de gagner la majorité au sein de la Constituante. Une seule peur : c'est l'éclatement du vote et des partis. L'unanimité sera difficile et un jeu d'alliances parfois contre-nature peut se faire. C'est nouveau et il y a une peur réelle, car, en général, on n'aime pas l'inconnu; mais c'est le jeu de la démocratie dont il faut s'y donner quitte à changer les habitudes. Au niveau de l'opinion internationale, la Tunisie sera le premier laboratoire de la «nouvelle démocratie née d'une dynamique interne» et non imposée par les soit-disant slogans démocratiques venus de l'étranger à l'exemple du «Projet du Grand Moyen- Orient», ou de «l'Union pour la Méditerranée». On assiste à la fois à un émerveillement certes, mais avec la peur aussi de la victoire des partis islamistes et peut-être de la confusion du paysage politique. Les urnes donneront leurs avis.
Quels sont les enseignements à tirer après une semaine de campagne pour ce scrutin ?
L'enseignement principal à tirer de cette nouvelle expérience est toute simple: il est facile de démolir, mais le plus difficile reste d'édifier et de bâtir un nouvel Etat qui réponde aux aspirations profondes du peuple. Les 9 derniers mois étaient difficiles, et les élections vont donner à chacun sa véritable base et assise et surtout sa taille. Avec 117 partis, résultat logique d'une frustration politique qui a duré 5 décennies, le Tunisien aura enfin le droit de voter et d'exprimer librement son choix ; car il n'y a pas d'autres voies possibles de s'exprimer et de désigner ses représentants. Le trucage et la propagande officielle qui considérait les Tunisiens comme «un peuple enfant» n'a aucune raison d'être. Pour ainsi, un grand travail d'apprentissage d'une véritable «citoyenneté participative» doit se faire au niveau scolaire, médiatique et surtout dans le monde politique et associatif. Les anciens régimes ont éliminé cette participation et relégué le Tunisien au rang d' enfant assisté, récompensé pour son zèle, et puni pour son opposition. Le meilleur apprentissage qui donnera la Démocratie c'est pouvoir écouter l'autre et composer avec lui et non pas l'éliminer ou l'occulter. La Tunisie appartient à tous les Tunisiens, sans exclusion aucune.
L'enthousiasme des Tunisiens semble en deçà de la portée de ce rendez-vous. Il y a une indécision des Tunisiens à voter. Comment peut-on expliquer cette donne ?
Le véritable problème auquel est confronté le Tunisien est certainement l'éclatement des partis (plus de 100) : l'embarras du choix dans un laps de temps très court pour pouvoir lire, assister, comprendre et comparer. Mais d'autre part, il faut instaurer une légitimité du pouvoir en place et en découdre avec le « provisoire ». Devant ce dilemme, l'indécision est reine, d'autant plus qu'en Tunisie, on passe d'un système politique unique à un pluralisme éclaté. Par ailleurs, l'absence du «chef charismatique» auquel sont habitués les pays arabo-islamiques et cette nouvelle épreuve de programmes et non de personnes qui nous ont fait toujours croire qu'ils incarnaient l'Etat, pose un problème de «repère». Le patriarcat politique est dans l'inconscient ; lui substituer une réflexion, une lecture, une analyse et puis une adhésion et un vote dans un temps relativement court, laisse le Tunisien perplexe et indécis.
Au demeurant, si le taux d'abstention est élevé, cela pourrait servir les intérêts politiques d'Ennahdha, car les militants de ce parti sont des plus motivés.
Un sondage donne à Ennahdha 23 % des intentions de vote. Quels en sont les scénarios possibles ?
Ennahdha se déclare en partie, d'Islam modéré. En Tunisie comme en Algérie, le Wahhabisme n'a jamais trouvé sa place. Dans nos deux pays respectifs, le malékisme sunnite est dominant. A en croire ce sondage qui donnerait 23% des voix à Ennahdha, il est fort possible qu'il obtienne plus et ce, au vu d'alliances possibles de plusieurs candidats dits «indépendants» ainsi que de «minipartis» satellites d'Ennahdha. Tous les scénarios ne peuvent nullement procurer aux Nahdhaouis une majorité absolue et ce, au vu de l'instauration de la proportionnelle. Je pense que ce jeu démocratique est obligatoire, il ne faut exclure personne. Mais au lieu de déclencher l'alarme de l'islamisme, il faudrait penser à activer la participation citoyenne ; c'est le meilleur rempart contre les extrémismes. Quand chaque citoyen sent profondément que le pays lui appartient , qu'il peut participer et donner du sien , qu'une presse et des médias sont libres et que ce citoyen trouve en retour ses droits les plus absolus, à savoir sa dignité, du travail, de l'éducation, de la santé, du logement, là il bannira toutes les voix extrémistes et pensera à édifier le pays selon les règles de la citoyenneté participative et non seulement revendicative. La notion «d'Etat providence» et du père de la Nation, disparaîtra du jargon et des médias pour céder la place aux programmes, au savoir, aux technocrates et à l'initiative individuelle. La femme doit aussi prendre sa place et valoriser son véritable rôle sociétal, politique et culturel.Le pluralisme n'est pour autant pas touché même avec une soi-disant domination d'Ennahdha. Depuis 1956, il y a eu des avancées de taille (n'oublions pas que la Tunisie connaît l'un des taux de scolarité les plus élevés des pays arabes avec près de 87%) : le savoir est un rempart en soi contre toutes les tendances obscurantistes. Il appartient aussi de réviser le système scolaire, et de faire une étude sereine de l'Histoire, loin des passions et des slogans de grandeur qui ont prouvé leur faillite. Le travail doit prédominer, le discours devrait être en harmonie avec l'action, et la real-politique doit prendre la place de la propagande d'Etat.
La malheureuse expérience algérienne risque t-elle de se reproduire en Tunisie ?
L'expérience du premier parti islamiste en Tunisie remonte à 1989, et malheureusement violemment réprimée pour céder la place à une hégémonie du parti unique. Depuis 23 ans, Ghannouchi et les éminents dirigeants d'Ennahdha ont relativement appris et compris qu'il faudra composer avec toutes les composantes de la population. De plus, avec une révolution populaire non dirigée par les partis politiques ou des chefs, le peuple tunisien ne saurait être dupé. Historiquement, Ennahdha n'a pas eu la frustration du FIS en Algérie qui se voyait à l'époque monter sur la scène politique et puis bloqué. Les enjeux dans les deux pays ne sont pas les mêmes. La géographie et l'histoire même des deux partis (FIS-Ennahdha) diffère foncièrement. Peut-être l'expérience tunisienne qui vient maintenant, 23 ans après celle de l'Algérie, mais à une taille plus importante, proposera-t-elle de nouvelles alternatives, autres que la violence. Car pour un parti islamiste, qu'il soit tunisien ou algérien, le véritable enjeu consiste en l'édification de la constituante et la Constitution ; ce sont là les fondements même de la forme d'Etat auquel le peuple aspire. Ces élections donneront des idées aux islamistes algériens de rentrer dans le jeu démocratique tout en révisant l'idéologie politique jadis incompatible avec nos sociétés (nature de l'Etat, rôle de l'individu et de la femme, séparation des pouvoirs, pluralisme politique…). Le processus algérien a certainement donné des leçons à Ennahdha : celle de ne jamais sombrer dans la violence. La non-violence, le débat d'idées, l'autocritique, l'écoute de l'autre doivent être la plateforme de ce parti ; c'est ce que je pense et dans une certaine mesure, les Nahdhaouis, ou du moins ses dirigeants l'ont bien compris. J'espère qu'avec les élections tunisiennes, les partisans d'un Islam modéré en Algérie renoueront avec de nouvelles pratiques et surtout une ouverture qui ne leur sera que profitable.
Quel impact aurait la réussite de la transition démocratique en Tunisie sur le Maghreb ?
A mon sens, il faut éviter le mot «modèle» tunisien ou turc. Chaque pays a sa propre spécificité ; mais est-ce pour autant qu'il faut rester immobile ? Le cas tunisien incitera certainement à la compréhension de nos sociétés et «inventer» et creuser en profondeur vers une restructuration «totale» afin de mettre le citoyen au cœur des réformes politiques, économiques, sociales et culturelles. Nos pays gagneront à écouter le citoyen, à réformer l'éducation très en retard par rapport aux autres pays du monde. Par ailleurs, j'insiste sur le rôle des sciences Humaines méprisées au profit du savoir «pragmatique qui rapporte». On ne pourrait avancer qu'avec la recherche, les débats d'idées et en faisant honneur aux compétences nationales et régionales (Maghreb), tout en gérant les affaires ; et en n'enseignant pas quantitativement sans nous intéresser à la qualité et à la formation du citoyen qu'on a relégué au rang d'«objet de propagande». Tout passe par la valorisation réelle des potentiels qui existent dans nos contrées, l'interaction, les recherches communes, l'ouverture économique et la complémentarité dans tous les domaines sont autant de facteurs qui renforceront le Maghreb. Il faudrait aussi savoir se passer des petites querelles qui ne peuvent qu'empoisonner cette atmosphère. Chaque maghrébin souhaite instaurer un climat favorable et ressentir ses effets immédiats d'autant plus qu'on a les atouts de l'histoire, de la géographie, de la langue et de la religion : où existe le blocage réellement ? Un souhait cordial que le citoyen soit valorisé et qu'on puisse arriver enfin à ce que l'enseignement, la recherche, l'initiative citoyenne et individuelle deviennent la locomotive du progrès dans nos pays maghrébins. On ne pourra jamais dissocier le sort des deux peuples frères que sont les Tunisiens et les Algériens ; et l'histoire a toujours eu raison.


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