Photo : M. Hacène De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Si la tension a beaucoup baissé au complexe de l'Entreprise nationale des industries de l'électroménager (Eniem) de Oued Aïssi à Tizi Ouzou, où un mouvement de contestation a été déclenché au mois de juin dernier par quelques centaines de travailleurs qui protestaient contre l'élection du comité de participation (CP), le conflit au sein du fleuron de l'industrie nationale n'a pas encore connu son épilogue. La suspicion continue à régner au sein des travailleurs qui ont, non seulement tourné le dos à la section syndicale UGTA de l'entreprise, mais en plus, décidé de s'attaquer à «cette organisation syndicale qui active contre les travailleurs », selon l'un des meneurs de la protestation, Abdelwahid Hamel, un travailleur exerçant au sein de l'unité froid d'Eniem. Aujourd'hui et malgré la fin des piquets de grève auxquels a mis un terme un accord entre la direction de l'entreprise et les travailleurs contestataires, la vigilance est de mise parmi ces derniers qui disent redouter des fraudes lors de la prochaine élection du CP programmée pour le 23 octobre courant. La réunion, jeudi dernier, des travailleurs protestataires a débouché sur la désignation de deux éléments qui devront intégrer la commission chargée d'organiser le scrutin pour la désignation des quinze membres du CP. «Nous suspectons une intention de fraude, et c'est pour cela que nous avons désigné des représentants au sein de cette commission», dira notre interlocuteur qui entend surveiller et la préparation du scrutin et son déroulement, d'autant plus qu'il a été désigné par ses pairs contestataires comme unique candidat du groupe. A noter que l'élection des membres du CP a eu lieu une première fois en juin dernier. Une élection qui a engendré le mouvement de contestation menée par M. Hamel. Un mouvement qui a abouti à la démission en août des membres élus en vue de permettre l'organisation d'un autre scrutin. «Une démission bien reçue par les contestataires», dit Ouamar Boudiaf, le directeur de la planification, du contrôle de gestion et de l'audit au sein de l'entreprise, également P-DG par intérim qui a bien voulu raconter la genèse de cette affaire qui risque de déstabiliser l'entreprise qui commence à peine à relever la tête après l'assainissement par les pouvoirs publics de sa situation financière. «Il ne faut pas les diaboliser parce que quand 300 travailleurs sont mécontents, il y a toujours quelque chose», dit sur un ton conciliant M. Boudiaf considérant que parmi les vingt revendications figurant dans la plate-forme des contestataires, certaines sont tout à fait légitimes. Il précise, cependant, qu'il est important de sauvegarder l'outil de production, «parce que l'avenir du travailleur est intimement lié à la sauvegarde de l'entreprise». Une allusion à peine voilée sur les arrêts de travail menés en signe de protestation par les travailleurs en question et qui se sont soldés par une décision de suspension qui a touché une douzaine de grévistes. Reconnaissant que la mesure de suspension a amené les travailleurs à se solidariser avec les sanctionnés, M. Boudiaf affirmera que les discussions qu'il a entreprises avec les contestataires ont conduit à un accord stipulant l'annulation de la suspension mais aussi à la récupération du manque à gagner à travers notamment des heures de travail supplémentaires ainsi que «l'interdiction d'afficher tout ce qui nuit à l'entreprise». Quand les travailleurs ont des revendications légitimes, ils doivent s'adresser à la direction de l'entreprise, ajoute encore le responsable de l'Eniem qui dit accorder une grande importance au bon fonctionnement de l'entreprise.Ce ton, certes ferme, mais conciliant n'est pas synonyme de la fin du conflit au sein du fleuron de l'industrie algérienne qu'est l'Eniem. Et pour cause, les travailleurs contestataires, outre leurs suspicions et leur propension à rester vigilants, notamment dans la préparation et le déroulement de l'élection du comité de participation, n'ont pas l'intention de plier bagage et de disparaître dans la nature mais ont bien l'intention de régler leurs comptes avec la section syndicale de l'entreprise affiliée à l'ex-syndicat unique. Selon Abdelwahid Hamel, le candidat du groupe de contestataires au CP de l'entreprise, une opération a été lancée dans le but de collecter les cartes de syndicalistes des travailleurs pour organiser une démission collective de la section UGTA. «Je ne veux pas donner de chiffres pour l'instant, mais ce n'est pas négligeable», dit-il en réponse à une question sur le nombre de cartes ramassées à ce jour. Etant lui-même un ancien membre de cette section syndicale, et suspendu depuis quelque temps, il dira que ses collègues contestataires semblent acquis à l'idée de créer un syndicat autonome au sein de l'entreprise de l'électroménager. Et si cela se met en place, l'Ugta perdra du terrain dans le secteur économique après en avoir perdu dans de nombreux autres secteurs de la vie publique.