Photo :S. Zoheir Reportage de notre envoyée spéciale à Adrar Karima Mokrani Une fois arrivés à l'aéroport d'Adrar, la curiosité de la ville et de la nature se fait grande. Les journalistes cherchent du regard des images, des signes annonciateurs d'un bon voyage dans le pays de Gourara. Une corvée, un effort inutile… à cause d'une chaleur caniculaire qui brûle presque tout le corps. Mais ce n'est que partie remise ! En effet, un bus arrive, et le groupe monte vite. C'est climatisé, les nouveaux hôtes du désert retrouvent le souffle. Ils respirent. L'ambiance s'anime sur le chemin vers l'hôtel Touat. Ammi Bachir, le guide touristique, la soixantaine, est un homme plein d'énergie. Affable, avenant, les visiteurs de l'oasis rouge se sentent à l'aise en sa compagnie. Repos d'une demi-heure à l'hôtel et à nouveau le groupe est réuni dans le bus. Direction Le Centre d'information et d'orientation touristique ouvert récemment. L'architecture importe peu, elle ressemble à toutes les autres constructions, couvertes de couleur d'argile. Ce qui est intéressant, c'est la tâche confiée désormais à l'équipe installée dans le nouvel édifice. Des documentalistes et autres chargés de fournir au touriste un maximum d'informations sur la région et le désert de manière générale.C'est que l'exécutif local et l'Etat comptent s'engager sérieusement dans la relance du tourisme saharien, explique le chef du centre. Le ministère du Tourisme et l'Office national du tourisme (ONT) ambitionnent de faire du tourisme saharien un produit d'appel. La source est intarissable, et son exploration ne nécessite pas de grands moyens. «Le touriste quand il vient dans le Sud, ce n'est pas le luxe de la vie moderne qu'il cherche… Tout ce qu'il demande, c'est d'être près de la nature, marcher sur le sable, traverser le désert sur le dos d'un méhari, voir le coucher du soleil, passer la nuit à la belle étoile, se regrouper dans un bivouac, prendre un repas traditionnel… Nous n'avons pas besoin de grands moyens et de grandes dépenses pour développer le tourisme saharien», affirme Mme Souad Kolaï, conseillère du ministre de tutelle, Smaïl Mimoun. «L'avenir est pour le tourisme saharien», soutient un autre proche du département ministériel. Ainsi, le ministère et l'ONT, en collaboration avec les autorités locales, mettent le paquet et mobilisent leurs troupes, à différents niveaux, pour réussir le challenge. L'occasion est d'autant plus opportune que de nombreux algériens restent fidèles, dans leur esprit, au potentiel touristique du pays, le préférant à celui des voisins. Aussi, des résidants à l'étranger reviennent dans le pays, durant leurs vacances, s'abreuver à la grande source. Adrar se relance dans l'activité touristique sans toutefois disposer de la ressource humaine qui réponde aux besoins de l'opération. Le problème se situe principalement au niveau du corps des guides. Les guides professionnels se font rares à Adrar. Ceux qui opèrent apprennent le travail sur le tas et pas tout à fait de la manière qui suscite la curiosité et la satisfaction du touriste. «Le guide est un métier», insiste un proche du secteur. L'infrastructure hôtelière…en construction C'est un problème très sérieux à prendre en charge dans les plus brefs délais. Un avis partagé par tous. Les responsables du tourisme à Adrar ne font pas dans la langue de bois. Ils parlent ouvertement, franchement et s'attardent, sans gêne, sur les problèmes et les difficultés qui entravent la bonne marche du tourisme saharien dans leur wilaya. Eux aussi sont pénalisés et ce n'est pas parce que c'est la célébration de la journée mondiale du tourisme qu'ils vont faire la fête sans dire leur mal de voir l'activité touristique perdre sa fraîcheur. L'expression n'est pas exagérée, car même si les touristes continuent d'arriver en grand nombre à Timimoun et autres régions d'Adrar, à l'occasion des fêtes du Mawlid Ennabaoui et de l'Achoura ainsi que du réveillon, des problèmes et des obstacles se posent sur le chemin tracé pour relever le niveau des prestations de services. La contrainte majeure réside dans le manque d'infrastructures hôtelières malgré les mesures incitatives prises aux plus hauts niveaux de l'Etat pour encourager l'investissement privé dans le domaine. «Les privés ne s'engagent pas facilement… », fait remarquer un agent de voyage qui, confie-t-il, compte abandonner le métier pour des considérations multiples. Interrogé sur la question, le wali d'Adrar, Ahmed Abdelhafid Sassi, confirme le déficit en matière d'infrastructures hôtelières. «Nos capacités d'accueil ne répondent pas à la demande. L'année dernière, un grand nombre de touristes a été hébergé chez des familles d'accueil. C'est pour cela que nous ne pouvons pas vous donner des chiffres exacts concernant le nombre de touristes qui arrivent dans la région», indique le wali, lors d'une rencontre conviviale avec ses hôtes, en début de soirée. Le plus grand hôtel de la wilaya, le Gourara, bien connu par les habitués de l'oasis rouge, est présentement fermé pour travaux. Le Touat est dans un état peu reluisant. Lui aussi devrait être fermé incessamment pour travaux. Cela entre dans le cadre de la nouvelle politique du ministère du Tourisme de réhabiliter et de rénover les hôtels et autres établissements touristiques qui devraient assurer les meilleurs services pour les touristes nationaux et étrangers.Parlant des privés, le wali affirme son souhait de les voir s'impliquer grandement dans la construction de ces infrastructures. Dans la relance du tourisme saharien, plus concrètement. Pour le moment, «nous avons accordé des autorisations pour six projets de construction d'hôtels» confie-t-il. «D'autres suivront», soutient-il. Pour ce qui est des guides, il dira : «Dans l'immédiat, le problème n'est pas pris en charge, mais nous avons sollicité les responsables du secteur de la formation professionnelle pour nous aider à le régler. Ils vont nous ouvrir des filières pour une formation spécialisée dans le domaine.»Tamentit. Un décor à part. Un retour dans l'histoire. Une histoire lointaine. Méconnue. Celle des ksour qui résistaient pendant des siècles aux agressions multiples, se nourrissant de la force de la terre et du soleil pour protéger des populations nombreuses. Les murs, aujourd'hui, s'effritent. Désemparés, les remparts cherchent appui. Quelques rares habitants résident encore dans des maisons qui n'offrent aucune commodité. Les gardiens du «temple» se donnent une raison pour y rester. Deux vieux, adossés à un mur de fortune, discutent, ne prêtant pas attention aux pas des touristes curieux. Des garçons arrivent en groupes et posent devant les caméras des photographes. Ils sont joyeux. Des femmes jettent un regard discret de l'intérieur de leur semblant de maison et rient, elles aussi. Le bien-être est là malgré les difficiles conditions de vie. Les ksour s'effritent… les palmiers ont soif Les ksours, vieillis, occupent un grand espace sur le sol de Tamentit. Ils ont quelque chose de particulier qui fait que le touriste est de plus en plus tenté de s'en approcher davantage. Les murs qui s'effritent deviennent agréables à voir, forts intéressants à découvrir, à apprécier. C'est qu'ils ont toute une histoire à raconter. Une histoire longue de plusieurs siècles. Les ksour de Timentit sont classés patrimoine mondial par l'Unesco. Et pourtant ! Non loin de là, se trouve une «résidence de hôtes» appelée «Djenane El Malik», entourée de nombreux ksour. Malheureusement, l'image est simplement désolante. Des ordures couvrent le sable fin et agressent le regard. Elles font fuir le touriste qui, pourtant, s'il avance de quelques dizaines de mètres seulement, découvrira de belles choses. Les ordures cassent le décor. «C'est honteux de venir à pied», lance un employé. «Tous sont responsables, les autorités locales comme les habitants», accuse-t-il. Et un confrère de demander :«Comment voulez-vous attirer des touristes avec ces immondices ?» Le constat est amer. «Les collectivités locales font leur travail mais seules, elles ne pourront pas grand-chose. C'est au résidant et au touriste de préserver les lieux», affirme comme pour se justifier un employé de l'APC. Et un habitant de la région de bondir sur le problème de la restauration des ksour. «Ils ont confié les travaux de restauration à des entrepreneurs et des bureaux d'études locaux. Voilà le résultat…» dit-il. Par résultat, il entend l'arrêt total des travaux. «L'opération a échoué, ils ont donc décidé de ne rien toucher. Ce sera pris en charge par des organismes internationaux», précise-t-il. Notre interlocuteur cite l'exemple du ksar Ouled Yakoub, dans le premier site : «Ils l'ont refait avec des matériaux de construction locaux qui ne correspondent pas à la matière initiale des murs… Les voilà qui s'effritent.» Le ksar Ouled Yakoub a été mal restauré. Depuis, aucun responsable local ne pense refaire l'opération. «Il vaut mieux les laisser comme ça en ruine – ils gardent leur authenticité – que de les massacrer par une mauvaise restauration», lance un proche du domaine. Interrogé sur la question, le wali d'Adrar répond : «La restauration des ksour n'est pas quelque chose de simple. C'est assez compliqué. Elle fait appel à beaucoup d'expertise, à une spécialisation assez particulière.» Rassurant, le chef de l'exécutif local poursuivra : «Le ministère de la Culture ouvrira prochainement le Centre national des architectures de la terre. Nous mettons à sa disposition un hôtel qui date de l'année 1900. Le ministère verra de quelle façon il procèdera pour récupérer ce patrimoine culturel et historique.» Les palmiers aussi tendent à se faner, affaiblis par le manque d'eau. En effet, d'année en année, le niveau d'eau dans les foggaras diminue. Les pauvres fellahs assistent impuissants à l'affaiblissement des précieux arbres qui, désormais, donnent très peu de dattes. «L'Etat ne nous aide pas…», se plaint un agriculteur. Ce système d'irrigation traditionnel, les foggaras, est tout de même maintenu, mais difficilement. Interrogé sur la question, le wali, Ahmed Abdelhafid Sassi, se montre, encore une fois, rassurant : «Il y a 1300 foggaras à Adrar, 900 sont actives et des efforts sont déployés pour leur réhabilitation.» Il assure que «des centaines de fellahs ont bénéficié de l'aide de l'Etat… Beaucoup d'effort ont été faits. Durant l'année 2010, 40 foggaras ont fait l'objet d'une aide de l'Etat. Une prise en charge totale en matière de réhabilitation, mais le nombre important des foggaras fait que l'action de l'Etat doit être maintenue durant plusieurs années. C'est pour cela que s'est tenu, le mois de mars dernier, un séminaire international sous l'égide des deux ministères de l'Intérieur et des Ressources en eau. Dans une première étape, 400 millions de dinars ont été mis à la disposition de la direction de l'Hydraulique pour la prise en charge d'un certain nombre de foggaras. Il est aussi question de mettre en place prochainement un observatoire national de la foggara à Adrar. Il aura pour objectif d'assister les fellahs et les associations qui activent dans ce domaine».Le soleil se lève pour un autre jour. Il n'est pas brûlant. Bien au contraire. «Il y a de la fraîcheur aujourd'hui, c'est bien», fait remarquer une consœur. C'est même très bien, la journée s'annonce simplement magnifique. C'est que les dunes nous attendent. Epoustouflantes les dunes… Un ravissement ! Le trajet vers Timimoun est long, quelque peu contraignant… mais au bout du chemin, des images merveilleusement dessinées sur une mer de sable rouge s'offrent au regard.Les visages s'éclairent. Les cœurs se remplissent de joie. Le regard perdu dans l'étendue du désert, une voix monte des dunes. Elle charme. Elle hypnotise. Le corps se réveille. L'âme se dévoile. Les pensées les plus dures cèdent la place aux sentiments les plus tendres, les mots les plus sincères. Liberté. Légèreté. Relâchement. Amusement. La simplicité du grand désert fascine. Au cœur du désert, l'être revient à lui… C'est cela le secret. L'être est libre dans le vaste corps de l'oasis rouge. Ces voyages dans le sud du pays ont cette particularité de libérer la personne de tout ce qui l'alourdit ; le stress du travail, le bruit mental… et toutes les pensées négatives qui polluent l'esprit. C'est pourquoi le Sahara algérien demeure une destination de choix pour les touristes, nationaux et étrangers. Le potentiel touristique est là, il est immense. Le désert algérien maintient son unité et son unicité comme un chêne ancestral qui résiste aux vicissitudes du temps sans jamais fléchir. Digne, il ne fléchit pas… mais il perd de sa force. Peut-être même de sa grâce, de son authenticité. La forteresse cherche, elle aussi, la protection. Les collectivités locales sont les premières à être interpellées sur l'état de dégradation des lieux, en ce qui concerne notamment l'hygiène publique. Le ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire aussi. Après lui, celui de la Culture qui doit s'engager longuement dans les travaux de recherche sur l'histoire et l'archéologie et consolider le partenariat avec les organismes onusiens pour une préservation réelle de ce patrimoine national, riche et varié. Cette tournée des journalistes dans la région de Timimoun, jumelée à une autre dans les deux wilayas de l'est du pays (Annaba et Souk Ahras), se veut un témoignage et un appel à la découverte, à la redécouverte de la beauté de l'Algérie, dans ses déserts, ses montagnes, ses stations balnéaires... et autres. D'où l'initiative de lancer la page Facebook «Ahna Kheir men Lheih» (ici mieux que là bas» qui est une idée du jeune Ramy de l'ENTV, adoptée aussitôt par toute l'équipe, dans la salle d'embarquement de l'aéroport d'Adrar, récemment remis à neuf. La page est destinée aussi bien aux journalistes qu'à tous les citoyens soucieux de promouvoir l'activité touristique dans le pays. La mission était bénéfique pour tous. Elle a permis l'évasion, la détente et le renforcement des liens. Elle a rapproché les gestes, les caractères, les cultures… et c'est bien cela qui est visé par les initiateurs de l'Eductour, à travers «Le tourisme et rapprochement des cultures».