Les mois de juillet et d�ao�t sonnent le glas d�une ann�e bien remplie avec le d�part en vacances d�une partie de la population qui peut se permettre ce �luxe�, car les plus d�munis sont condamn�s � affronter une chaleur implacable et suffocante qui vous rend fou. Certains n�h�sitent pas � se r�fugier au fond des foggara � la recherche d�un brin d�humidit�, d�autres ont recours � des �dahlysse�, sorte de caves am�nag�es comportant un tuyau d�a�ration, et o� la temp�rature est plus cl�mente. Car il faut le souligner, le mercure d�passe largement les 46�, voire 48� � l�ombre, bien entendu. Cela encourage donc des vacanciers � prendre le bus � destination des villes du Nord, Oran et Alger �tant les plus pris�es. 16h : les voyageurs lourdement lest�s de bagages sont l�, � l�unique gare routi�re d�Adrar, le d�part �tant pr�vu � 17h. Dans la salle d�attente, des bambins courent dans tous les sens en cr�ant une certaine animation, d�autres pleurnichent pour une g�terie refus�e, d�autres dorment � poings ferm�s, ignorant tout ce tohu-bohu. Un voyageur s�est allong� par terre avec en guise d�oreiller son cabas. Puis, soudain, tout ce beau monde s�anime, le bus est l� ; il faut faire vite, mettre les bagages � l�abri et s�installer � l�int�rieur, car chacun veut grimper le premier afin de s�assurer une place de choix. Le receveur, aimable, parvient difficilement � les contenir. La chaleur aidant, les nerfs sont mis � rude �preuve. Enfin, 18 h et quelques minutes, le car s��branle au grand soulagement des voyageurs. �Vite, allumez la clim, crie un passager, on suffoque derri�re.� A l'ext�rieur, le soleil est implacable et tape tr�s fort. Au bout de quelques kilom�tres un petit ksar du nom de Mraguen appara�t et un peu plus loin le complexe qui porte le m�me nom. Un complexe avec toutes les commodit�s : une piscine r�serv�e uniquement aux femmes et aux enfants, un autre bassin pour les hommes, salles de restauration, khe�ma am�nag�e, bungalows tout y est. Nombreuses sont les personnes qui se d�placent qui viennent surtout le soir � la recherche d�une fra�cheur salvatrice. Le bus roule toujours et de loin appara�t la grande raffinerie de Sba�, � 40 km d'Adrar. Carburant et autres produits sont ainsi directement achemin�s vers B�char, Tindouf, Tiaret, Gharda�a.. Qui l�aurait imagin� il y a quelques d�cennies de cela ? Les gosses se sont calm�s et on parle de tout et de rien. On essaie d�oublier cette chaleur qui p�se et penser � la douceur du climat du Nord : quelle �chappatoire ! Le bus roule depuis plus d�une heure. Sur la droite, l�embranchement indique la ville mythique de Timimoun, l�oasis Rouge, � 90 km. On arrive � la commune de Legssabi. Pas d�arr�t, puisqu�il n�est pas pr�vu d'escale. Il est un peu plus de 20h quand l�autocar s'immobilise � Kerzaz, situ�e � 250 km d�Adrar. Le chauffeur propose au passagers un halte afin de se remplir la panse, car il reste encore du chemin � faire. Si certains osent franchir le seuil des restaurants ou des gargotes, d�autres plus pr�voyants ont d�ball� la nourriture qu�ils ont emport�e. Economie oblige ! Puis le klaxon du bus rappelle � tout le monde l�heure du d�part. On s�active, des d�tritus sont abandonn�s sur place, un manque de civisme flagrant ! Un deuxi�me puis un troisi�me pour dissuader les retardataires. Tous s'engouffrent � l�int�rieur et l�autocar quitte le lieu. A 30 km, Benyekhelef suivi d�El- Ouata, une da�ra de B�char connue surtout pour les repas propos�s � bon march�, une aubaine pour les nombreux routiers. Le bus file tout droit en direction d�Abadla, une destination qu�il atteindra aux environs de minuit. La ville est d�serte et seuls quelques noctambules d�ambulent sur l�art�re principale, tapotant leur portable, objet de d�foulement par excellence. A l�int�rieur du bus, des ronflements accompagnent la musique Sous un ciel �toil�, l�autocar se dirige tout droit vers B�char, qu�il atteindra vers 1h du matin. Les passagers sont assis depuis plus de 8 heures pour une distance de 600 km. L�, une courte pause. Quelques passagers descendent, soulag�s d�aller roupiller apr�s ces heures d�endurance. D�autres, des nouveaux, montent � destination d�Oran, B�char est l�une des plus anciennes communes d�Alg�rie. Avec ses 140 000 habitants, voire plus, la ville est en plein essor : p�riph�riques � double-voie, immeubles qui poussent comme des champignons, universit�, elle est une ville cosmopolite qui cherche � s��panouir mais beaucoup de choses restent � faire. Seul b�mol, la circulation dans le centre-ville : une vraie turpitude qui vous harangue l�esprit : un seul passage oblig� pour vous rendre au centre-ville, un vrai casse-t�te qui frise le ridicule malgr� les promesses faites pour endiguer ce fl�au. Rien ne se profile � l�horizon pour cette situation qui perdure et qui vous h�risse les cheveux sur la t�te, et puis les taxis et les transports urbains sont partout. On les reconna�t bien-s�r � leur couleur blanche et � la bande bleue ou rouge. De nouveau le receveur invite les passagers � rejoindre le bus, car le d�part est imminent. Une fois de plus, les roues roulent sur l'enrob� qui relie B�char � B�ni-Ounif. Avant, quand les fronti�res �taient ouvertes les gens se rendaient � Figuig (Maroc) le matin, y faisaient leurs courses et ne rentraient que le soir. Cette navette �tait tr�s appr�ci�e et les allers et retours �taient fr�quents. De B�ni-Ounif, direction Mougrar, passage oblig� pour tous les routiers. ` Le th� et le caf� coulent � flots, et la nourriture est bonne d�apr�s les consommateurs. Tout au long de l�avenue principale, des commerces ont vu le jour et connaissent une certaine affluence. La route continue jusqu�� la da�ra de A�n-Sefra connue pour son �crivaine c�l�bre, Isabelle Eberarth, qui en a fait sa terre de pr�dilection. D�ailleurs, elle est morte dans cette ville. Les voyageurs ayant pris le d�part d�Adrar ont d�j� parcouru plus de 850 km, car de B�char � A�n-Sefra, il y a 250 bornes. Maintenant, direction Na�ma, cheflieu de la wilaya et Mecheria � 100 km. Cette r�gion pastorale est r�put�e pour ses vents de sable. C�est aussi la r�gion des fameux tapis rouges, du beurre arabe dhen et de l�hospitalit� l�gendaire de ses habitants. Pas d�escale, le bus continue sa route en direction de Bougtob et de El-Khe�ter connu pour sa verdure qui demeure un lieu de vill�giature et de repos des automobilistes. A l�int�rieur du car, la conversation a repris. Le jour pointe d�j� et les premiers rayons du soleil viennent r�chauffer les visages des voyageurs. Les yeux boursoufl�s indiquent qu�ils ont pass� une nuit �reintante. Les jambes sont en compote et malgr� toutes les positions auxquelles on se livre peine perdue, la fatigue se fait rudement sentir. A Bougtob, la plaque indique El-Bayadh, 100 km plus loin, tr�s appr�ci�e pour son �t� et son climat doux. Un rond point indique la route toute trac�e vers Sidi-Bel-Abb�s et permet d��viter la circulation du centre-ville. Il reste 175 km � faire. Le chauffeur a depuis longtemps c�d� le volant � son rempla�ant et prend place pour un repos bien m�rit�. Puis la commune de Youb, et si vous d�cidez de vous soulager � la station-service, ne le faites pas, vous fuirez � cause d�un manque d�hygi�ne flagrant. Le soleil est d�j� lev�. Les gosses se sont r�veill�s et le calme a c�d� la place aux cris et aux pleurs... On contemple la for�t et des maisonnettes �parpill�es � travers les vastes champs. Au bord de la route se sont install�s de petits vendeurs ambulants de past�ques et de melons qui poussent les automobilistes � s�arr�ter pour quelques achats parfois au risque de provoquer un accident regrettable. Les prix sont abordables et le coffre est vite rempli. Une plaque indique Oran, via la petite localit� de Zerouala. Sidi-Bel-Abb�s est rest�e derri�re, � une quinzaine de kilom�tres. Une fois cette �tape franchie, c�est l�autoroute vers Oran et les chauffeurs n�h�sitent pas � appuyer sur le champignon malgr� la plaque de rappel � 100. Une insouciance caract�ris�e. Au loin, un �pais nuage de poussi�re permet de deviner la pr�sence de la cimenterie de Zahana. Les citadins sont en train de boire le calice jusqu�� la lie. Une pollution qui les asphyxie. Les arbres recouverts d�une couche de poussi�re le montrent amplement. On se dirige tout droit vers Tl�lat o� la circulation est dense, m�me les policiers sont parfois d�pass�s. Un trafic colossal durant toute la journ�e et une bonne partie de la nuit. Une fois hors de Tl�lat, c�est la nouvelle autoroute r�alis�e par les Chinois. Une merveille ! L�air frais envahit l�habitacle et les voyageurs commencent par mettre de l�ordre dans leurs effets. Les sandales sont enfil�es, les fermetures �clair des sacs tir�es, les voilettes pour certaines arrang�es, bref, il faut faire vite. Apr�s un concert de klaxons et d�arr�ts interminables aux feux, notre bus arrive enfin � l�agence qui fait fonction de gare routi�re, car la capitale de l�Ouest n�en a pas. Un trajet de plus de 20 heures C'est la bousculade, chacun voudrait se saisir en premier de ses bagages afin de d�nicher un taxi. Les �clandestins�, tels des vautours, saisissent cette opportunit�. Bijoux, portables, tout est soigneusement rang�, attention au pickpockets ; ils �pient vos faits et gestes et agissent avec dext�rit�. Vous voil� avertis. Les voyageurs arriv�s � Oran descendent tout en surveillant leurs bagages, guettant inlassablement un taxi. Les passagers rest�s � bord saisissent cette opportunit� pour se d�gourdir les jambes qui en ont bien besoin. Au niveau de la gare routi�re, des vendeurs ambulants vous proposent toutes sortes de victuailles � des prix abordables, mais la m�fiance demeure de rigueur, car le risque d'intoxication vous guette. Le klaxon du bus retentit dans ce brouhaha et les voyageurs se pr�cipitent. De nouveaux visages encore frais apparaissent et une fois tout le monde embarqu�, le chauffeur d�cide de d�marrer. Il faudrait une bonne demi-heure sinon plus pour sortir de cette agglom�ration en direction de Mohammadia, � une centaine de kilom�tres. Cette ville est surtout r�put�e pour son commerce de l��lectronique et de l��lectrom�nager. Les gens viennent de loin y faire emplettes et chacun trouve son compte. Le bus ne s�arr�te pas, il continue vers Relizane pour y d�poser des voyageurs et en reprendre d�autres. Entre Oran et Relizane, la diff�rence de temp�rature est flagrante. Il fait chaud dans cette wilaya et ses habitants s�en plaignent. Certes, l�autoroute Est- Ouest est ouverte � la circulation mais les bus pr�f�rent ces arr�ts, histoire de faire le plein de passagers. L�, le bus s'immobilise ; il est vite pris d'assaut par quelques bambins, des vendeurs � la sauvette : chewing-gum, bonbons, sandwichs, eau glac�e, tout y est. Les voyageurs mont�s d�Adrar sont l� depuis plus de 24 heures, ils sont compl�tent avachis et ankylos�s, les jambes en compote. Ils n�ont pas le choix, car le billet d�avion est trop cher et comme l�a�roport d�Adrar est ferm� au trafic a�rien depuis plus de deux ans, il faut se rendre � Timimoun, � 220 km du chef-lieu pour embarquer et croiser les doigts pour ne pas �tre la victime d�un retard ou d'une annulation pure et simple. Voyager en famille vous co�terait les yeux de la t�te. Aussi, les personnes en direction des villes du Nord pr�f�rent ce mode de transport qui leur revient moins cher. En effet, 1 500 DA Adrar-Oran et 2 000 DA pour Alger. L�escale � Relizane s�est prolong�e, d�passant le temps pr�vu et le conducteur s�emporte, il actionne furieusement son klaxon. Une fois tout le monde � l�int�rieur, le receveur leur fait comprendre que chacun doit respecter l�horaire et que la prochaine fois, le bus partira sans eux. Le bus roule depuis un bon moment et � l�int�rieur chacun essaie de tuer le temps � sa mani�re : conversations fastidieuses, musique... La fatigue, le manque de sommeil sont omnipr�sents et les nerfs sont mis � rude �preuve. D�autres somnolent ou du moins font semblant. Il faut se restaurer. Certains cherchent un coin pour fumer une clope et siroter un caf�. Le trajet est p�nible et le voyage commence � peser lourdement. 1 800 km s�parent Adrar de la capitale. Le chauffeur avertit les passagers du d�part et chacun s�engouffre de peur de rater le voyage. Finalement, le bus s�immobilise � la gare routi�re de Kharouba. Les voyageurs soulag�s respirent et s�empressent de sortir leurs bagages. Il faut encore chercher un taxi pour se rendre soit � l�h�tel, soit chez des proches. Bravo � nos voyageurs.