La mort de Mouammar Kadhafi dans des conditions singulières pose avec acuité la question du sort des troupes et autres civils qui lui sont restés fidèles jusqu'à l'ultime minute. Des interrogations subsisteront sur l'avenir des dernières poches ayant fait face durant deux mois à la poussée des nouveaux maîtres du pays appuyés par la l'armada et la logistique de l'Otan. Les actions de cette dernière, étrangement invisibles dans les médias occidentaux et arabes, ont finalement été décisives dans la fin tragique de celui dont le nom s'est inexorablement mêlé avec la Libye. Les deux villes de Syrte et Bani Walid ont résisté durant deux mois aux assauts récurrents des combattants du CNT et des frappes de l'Otan. C'est que le Guide a choisi de se retrancher dans sa ville natale ayant probablement décidé à se battre jusqu'à la fin. Le siège et le bombardement de Syrte ont resserré l‘étau sur le dernier noyau du Guide jusqu'à cette ultime matinée du jeudi et la fin tragique diversement rapportée. L'ultime bataille autour du Guide libyen aura été rude. Moatasim, l'un de ses fils, médecin et officier, a été tué dans l'opération. Son ministre de la Défense, Aboubakr Younès, également mort. Grande inconnue, le sort de Seif El Islam. Le successeur prévu du Guide pour une Libye à jamais disparue, a fait l'objet d'informations les plus contradictoires. La mort du Guide libyen est incontestablement la fin d'une époque. Et le début d'une autre pour la Libye. Quel avenir pour l'après-Kadhafi ? Les Libyens, qui sont restés fidèles à l'ancien homme fort du Pays jusqu'à sa mort, devraient pour une bonne partie se fondre dans l'anonymat. Pour les personnalités connues de l'ancien régime, ils devraient solliciter la protection de leurs tribus respectives, seule planche de salut dans un pays encore régi par des logiques ethniques, en attendant une éventuelle «réconciliation nationale». Passée la liesse de la fin de Kadhafi, une lourde mission attend le CNT. Reconstruire le pays. Pendant son long règne, Mouammar Kadhafi a créé un grand vide politique autour de sa personne. Le manque d'institutions militaires et politiques est patent. La priorité devrait être de construire une armée nationale, homogène et disciplinée. Effet immanquable de la guerre civile, le pays foisonne d'armes, dont pourraient s'emparer des groupes extrémistes à des fins de déstabilisation. Autre interrogation, le rôle de l'Otan dans la nouvelle Libye. L'organisation atlantiste qui a renversé le régime Kadhafi a déjà indiqué que l'arrêt progressif de ses missions de surveillance se ferait en fonction des capacités du CNT à maintenir la sécurité dans le pays. Une position qui annonce des lendemains confus. La Libye est indubitablement confrontée à un défi considérable : instaurer une démocratie dans un pays qui n'a aucune tradition électorale, contrairement à l'Egypte et à la Tunisie. Se pose avec perspicacité la question des hommes. Le CNT a bien un chef officiel, Moustafa Abdeldjelil, mais son numéro deux, Mahmoud Jibril, est également en vue, avec des ambitions grandissantes. Le Conseil souffre déjà de divisions internes, entre laïcs et partisans d'un Islam politique. Des chefs militaires, qui ont mené la bataille sur le front, et maintenant «éliminé» Mouammar Kadhafi, vont assurément faire valoir une légitimité. M. B.