Qui l'eût cru ? La mort atroce de l'ex-leader de la Djamahiriya libyenne, Mouammar Kadhafi, est venue mettre un terme, de la façon la plus inélégante et avilissante qui soit, au règne de plus de 40 ans d'un chef d'Etat aussi atypique que mégalomane. Celui qui s'affichait devant son peuple et dans les arènes internationales avec une infinie arrogance et une évidente suffisance aura connu une chute des plus imprévisibles. Une chute qui rappelle bien celle à laquelle a eu droit un autre ex-dictateur qui aura tout aussi «marqué» l'Histoire, l'ex-président irakien, Saddam Hussein en l'occurrence, exécuté en 2006 après une cavale qui le fera se terrer pendant de longs mois dans une grotte. Des images pathétiques qui s'inscriront de façon indélébile dans l'Histoire et la mémoire universelles. Celles que les téléspectateurs de la planète entière ont suivies en boucle pendant cette journée du 20 octobre choquent autant qu'elles interpellent, suscitent des émois et des interrogations et inévitablement, donnent lieu à de nombreuses lectures et commentaires. Les analyses allaient bon train sur les différents plateaux télévisés, faisant intervenir experts en géopolitique et autres observateurs avertis du processus de «libération» de la Libye de la folie du Guide suprême. Un fait cependant demeure indiscutable : sa mort a bel et bien été postérieure à sa capture et ce sont, sans doute, les images de sa lente et insoutenable agonie qui feront couler encore beaucoup d'encre. A priori, la décision d'en finir définitivement avec l'ex-dictateur semblait intempestive eu égard à l'amateurisme, à la limite de la barbarie, avec lequel les combattants du Conseil national de transition (CNT) s'y sont pris. Mais les lectures, sur ce détail non négligeable, n'ont pas fini de livrer tous leurs secrets. Peut-on y voir juste l'expression d'une profonde haine et d'une hargne longtemps entretenues par le peuple libyen en raison des injustices et des invraisemblables exactions subies pendant si longtemps ? Les innombrables témoignages de citoyens recueillis à chaud, aussi bien en Libye qu'ailleurs, illustrent, on ne peut mieux, le ressentiment de tout un peuple soumis à la paranoïa d'un seul homme qui avait, certes, la folie des grandeurs mais qui n'a pu prévoir la détermination de ses «sujets» à en finir un jour avec l'humiliation à laquelle il les avait assujettis. Traîné par terre, déshabillé, tabassé à l'aide d'une chaussure… Autant de symboles que les combattants du CNT ont voulu livrer à travers les formes prises par leur «chasse à l'homme». Comme s'ils lui signifiaient que celui qui se prenait pour le pharaon des temps modernes ne méritait pas moins que cela, et tant pis pour les valeurs les plus élémentaires du traitement humain et des préceptes de l'Islam qui exigent dignité et profond respect au mort, quel que soit son bilan de son vivant ! En s'acharnant ainsi sur l'ex-caïd, les rebelles libyens n'ont pas voulu faire à ce dernier «l'honneur» d'un procès équitable et digne qui aurait pourtant été bien accueilli par la communauté internationale et par de nombreux autres Libyens, en particulier ceux qui ont personnellement ou indirectement pâti de la démesure de sa longue et inique gouvernance. Un procès qui aurait rendu un tant soit peu justice aux martyrs du «fou» et qui aurait fait jubiler tous les défenseurs des droits de l'homme et autres acharnés du respect de la loi et des vertus humaines. Car un procès à la Saddam Hussein n'aurait certainement pas fait de Kadhafi, un héros ou une victime comme se plaisent à le craindre certains, tant il est malaisé d'évoquer en bien le passage sulfureux et hors normes de ce dernier. C'est, malheureusement, tout ce que l'Histoire retiendra de ce personnage ! M. C.