Par Arezki Metref [email protected] Kadhafi kaputt ? Bonne nouvelle. Celui qui r�gna en ma�tre absolu pendant 42 ans, alliant un despotisme �chevel� � l'autoritarisme martial, le tout mix� � la dictature de ce qui pourrait �tre un parti unique, ne pouvait tomber qu'avec fracas. Qui s�me le vent, etc. Supposons que l'Otan ne soit pas intervenue et que Kadhafi soit rest� sur son tr�ne. Que se serait-il pass�? Eh bien, en toute vraisemblance, il aurait vieilli la main crisp�e sur son sceptre dictatorial, l�guant � sa mort le pouvoir � l'un de ses fils en route pour un nouveau tour de piste. Tu parles d'une libert� ! Donc, plut�t bonne nouvelle ! Et pourtant il y a comme un malaise, car comment ne pas se sentir irrit� en voyant Sarkozy pavoiser � la chute de celui qui, re�u en grande pompe � Paris, devait �tre ass�ch� de quelques milliards de dollars pour le prix d'armes que le pr�sident fran�ais voulait lui fourguer. Kadhafi doit se mordre les doigts de n�avoir pas achet� ce que Paris entendait lui vendre. Sans doute les choses auraient-elles pris une autre tournure pour lui si le march� avait �t� conclu. Qu'on s'entende, la victoire sur Kadhafi n'est pas l'�uvre du CNT, encore moins du peuple libyen. Elle est le r�sultat de six mois de bombardements intensifs qui ont co�t� les yeux de la t�te aux contribuables des pays de l'Otan d�j� lourdement frapp�s par la crise. Mais comme il n'y a rien d'humanitaire dans cette histoire, les vautours se sont d�j� jet�s sur les avoirs libyens gel�s dans les banques �trang�res, pour parvenir � faire payer avec ce fric le prix de la guerre. D�molir pour reconstruire. Depuis le d�but des frappes de l'Otan contre la Libye, les d�mocrates, du moins les �anti-dictature�, sont sinc�rement d�chir�s. On ne peut d�sapprouver la chute d'un dictateur m�galomane, une sorte de Caligula d'op�rette qui avait r�ussi � cryog�niser son peuple, le renvoyant aux balbutiements de l'organisation �tatique du monde, � cette �poque o� l'on ignorait tout des institutions. Un �ge de pierre politique ! Un Libyen n� apr�s la prise de pouvoir de Kadhafi en 69 ne sait pas ce qu'est une institution. Cependant, on ne peut pas pour autant applaudir � la mobilisation de l'Otan visant � sa destruction, car il est �vident pour tout le monde que ce ne sont pas des motifs d�mocratiques, pas plus que des motifs visant � la lib�ration des peuples qui actionnent les drones s'abattant sur la Libye. Ni Kadhafi, ni l'Otan. Alors quoi? C'est toute la question ! Autrement dit, c'est la r�alit� de l'impasse dans laquelle a men� le contexte international en d�classant et en p�jorant les luttes de lib�ration nationale des ann�es 60-70, le progressisme tiers-mondiste, les combats anti-imp�rialistes souvent pervertis. Si certains Libyens, conscients des arri�re-pens�es occidentales � appropriation du p�trole, remodelage g�ostrat�gique de la r�gion, mainmise sur le pactole libyen au profit de la reconstruction � ont d�clar� �tre pr�ts � s'allier avec le diable pour descendre Kadhafi, il leur faudra plus que jamais une longue ba�onnette. Un lecteur m��crivait il y a quelques jours qu'au moins, avec Kadhafi, le niveau de vie libyen �tait �lev� et que, dor�navant, il risque d'�tre �gal � celui de l'Irak. S'il para�t �vident que l'Otan n'a pas bombard� la Libye pour am�liorer le niveau de vie de la population, on ne peut pas non plus affirmer que Kadhafi ait fait acc�der son peuple au paradis. �a se saurait ! Bref, sacr� dilemme dans l'analyse de cette chute. Comment applaudir � la d�gringolade d'un dictateur sans acclamer la cur�e des rapaces de l'Otan qui pr�tendent bombarder un pays avec des explosifs d�mocratiques ? Puisqu'on en est � la prudence dans l'usage des mots, on ne peut que s'extasier devant la finesse de celui qu'utilisent les autorit�s alg�riennes pour justifier l'asile donn� � la famille du dictateur. Raison humanitaire, qu'ils disent ! Ben voyons ! Sinc�rement, j'aurais aim� que l�Alg�rie assume l'accueil de la famille Kadhafi sans avoir � se cacher derri�re des raisons humanitaires cens�es conf�rer � l'acte une certaine noblesse. S'il avait exist� chez nous une tradition d'humanitarisme d'Etat, on l'aurait sans doute vue en application durant toutes ces d�cennies o� des opposants libyens, notamment les Berb�res du Djebel Nefoussa, menac�s de mort dans leur pays, craignaient de se rendre en Alg�rie o� leur pers�cuteur �tait lui-m�me chez lui. Petit rappel : Kadhafi n'avait-il pas commis la premi�re mondiale d'attaquer en justice un journaliste alg�rien pour ce qu'il avait �crit dans la presse alg�rienne ? J'ai lu aussi que la famille Kadhafi avait �t� accueillie car l'Alg�rie serait une terre d'asile. On aurait aim� que ce soit le cas, notamment au profit des milliers de nos fr�res d'Afrique subsaharienne qui se trouvent sur le territoire alg�rien chass�s de chez eux par la pauvret� et la violence. Cela dit, et au risque d'en choquer plus d'un, personnellement, je n�ai pas d�opinion sur le fait que la famille Kadhafi entre en Alg�rie. Il faut bien que ces gens aillent quelque part. Mais par piti�, qu'on ne nous dise pas que c'est pour des raisons humanitaires !